« C'est un putsch ! » Aurélie Filippetti n'en revient toujours pas. Mardi soir, à l'Assemblée nationale, le gouvernement a été mis en minorité par une alliance inédite constituée d'une poignée de socialistes et de la droite. En cause : le projet de loi sur le renseignement. Et plus précisément un amendement portant sur le rôle des services pénitentiaires.
Celui-ci avait été adopté en commission des lois, avec le soutien de son président, le socialiste Jean-Jacques Urvoas, et à l'initiative du député écologiste Christophe Cavard, minoritaire au sein de sa famille politique. Il stipulait que les services pénitentiaires soient intégrés au champ du renseignement et permettait que les surveillants de prison disposent des mêmes moyens techniques que les espions de la DGSE ou de la DGSI pour capter les échanges des détenus.
Problème : les personnels travaillant dans les prisons ne sont absolument pas formés pour effectuer une telle mission et ils ne sont pas non plus censés surveiller les détenus avec lesquels ils travaillent au quotidien. C'est en tout cas l'argument de la ministre de la justice, Christiane Taubira (voir l'exposé des motifs), soutenue par l'ensemble du gouvernement, Élysée et Matignon compris.
« Les informations actuellement recueillies par les agents le sont sur la base de méthodes transparentes et connues : lecture des courriers, écoute des communications, surveillance quotidienne. L’utilisation secrète des techniques de renseignement modifie considérablement la relation surveillant/détenu, et risque de déséquilibrer profondément les détentions, ce que les personnels pénitentiaires font eux-mêmes valoir. Il ne peut être exigé d’une même administration qu’elle gère au quotidien des personnes et qu’elle mette en œuvre des techniques secrètes pour les surveiller », explique notamment la garde des Sceaux.
« Assimiler de facto l’administration pénitentiaire à un service de renseignement à part entière est une idée surtout dangereuse car elle change la nature de la mission de l’administration pénitentiaire. Demander aux surveillants de se transformer en agents de renseignement, c’est miner toute relation de confiance entre les détenus et eux », affirme également Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, interrogée par Le Monde.
Christiane Taubira a donc déposé un amendement, examiné mardi soir en séance publique, revenant sur les dispositions adoptées en commission. Elle a le soutien du gouvernement ; le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve est intervenu pour le rappeler, tout comme le rapporteur au nom de la commission de la défense, le socialiste Philippe Nauche.
Sauf que les ultras du PS l'ont emporté, emmenés par Jean-Jacques Urvoas, un proche de Manuel Valls, soutenus par l'UMP, notamment les députés Jacques Myard et Guillaume Larrivé. Face à eux : le gouvernement soutenu, cette fois, par les députés de gauche qui multiplient par ailleurs les critiques sur un texte qu'ils jugent trop restrictif pour les libertés publiques (“frondeurs”, écolos et Front de gauche). Résultat : trente voix d'écart (38 pour, 68 contre). Pire encore : « 18 députés PS ont voté pour l'amendement du gouvernement, 30 ont voté contre », raconte Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la culture et députée de Moselle. C'est donc bien grâce à certains socialistes et l'UMP que Christiane Taubira et Bernard Cazeneuve ont été minoritaires... (lire ici le compte rendu de la séance pour cet amendement).
« On a tous été scotchés, poursuit Filippetti. Ils sont plus royalistes que le roi ! Cela montre bien que ce texte est sur une ligne ultra-sécuritaire. »
Triste de voir les plus durs de l'UMP gagner contre un amendement de gauche présenté par le gouvernement…grâce à des amis #PJLRenseignement
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