Les directeurs général et financier d’Ikea France, Stefan Vanoverbeke et Dariusz Rychert, sont entendus depuis ce lundi matin 18 novembre dans les locaux de la police judiciaire de Versailles, sous le régime de la garde à vue, d’après des informations obtenues par Mediapart. Ces auditions font suite à la perquisition effectuée la semaine dernière au siège du groupe à Plaisir (Yvelines), à la demande du juge d’instruction Alain Gallaire.
Ikea France fait en effet l'objet d'une vaste enquête sur l’espionnage illicite de ses salariés, voire de certains clients, qui a débouché sur une dizaine de mises en examen, en particulier celles de l’ancien responsable de la sécurité du groupe, Jean-François Paris, et de son adjointe.
Quatre fonctionnaires de police, dont des gradés, sont également mis en examen pour violation du secret professionnel et recel de divulgation d'informations à caractère privé. Selon une source récemment citée par l’AFP, ils sont soupçonnés « d'avoir reçu des rémunérations des dirigeants d'Ikea pour leur permettre d'avoir accès à des informations de fichiers de police STIC, dans le but d'effectuer des recherches sur les antécédents des salariés et des candidats à l'embauche ». À ce stade, « aucune trace de paiement » n’aurait cependant été retrouvée.
L’information judiciaire, ouverte en avril 2012 après des révélations de Mediapart et du Canard enchaîné, suivies de plaintes des syndicats FO et CGT, a d’ores et déjà établi qu’Ikea avait surtout eu recours à une société de sécurité privée, Eirpace, pour acheter des données confidentielles sur ses salariés ou candidats à l'embauche, issues du fichier de police STIC, entre 2003 et 2010 au moins. En particulier à l'occasion de l'ouverture de nouveaux magasins, à Brest, Reims ou encore Rouen.
« Les allégations de non-respect de la vie privée sont prises très au sérieux et Ikea a tout fait pour que des pratiques contraires à ses valeurs ne puissent plus se reproduire à l'avenir », a récemment souligné l'enseigne d'ameublement dans un communiqué.
Une seule question agite désormais Ikea : au-delà de certains dirigeants du groupe, le juge d’instruction va-t-il mettre l’entreprise en examen, en tant que personne morale ? En juin dernier, Eurodisney avait été condamné à une amende dans une affaire similaire ayant touché certains de ses candidats à l’embauche – des pratiques interrompues en 2004.
→ Retrouvez nos enquêtes sur cette affaire :
Espionnage: de nouveaux mails accablent Ikea, des policiers soupçonnés
En 2003, Ikea s'est lancé dans une vaste entreprise de surveillance de salariés et de clients. Après les révélations du Canard enchaîné, Mediapart publie une série de nouveaux mails accablants pour la multinationale. Objet des recherches : les comptes bancaires, le train de vie, le passé de proches des salariés. Des liens tissés avec des policiers auraient aussi permis à l'entreprise de recueillir des informations secrètes sur une enquête judiciaire en cours.
Ikea Brest: la mécanique de l'espionnage
Une enquête préliminaire a été ouverte dans l'affaire d'espionnage chez Ikea. Mediapart examine le cas du magasin de Brest, inauguré en 2008. Des courriels inédits prouvent qu'au moment des recrutements, plus de 190 noms ont été transmis par le responsable sécurité d'Ikea France à une officine privée. Mission : « Dire ce qu’il en retourne ».
Espionnage: l'ancien patron d'Ikea France mis en disponibilité
L'ancien patron d'Ikea France, Jean-Louis Baillot, a été mis en disponibilité mercredi, à la suite des révélations de Mediapart. Une ancienne directrice des ressources humaines de la filiale française a subi le même sort. Il s'agit de «mieux pouvoir coopérer avec les autorités (judiciaires)», affirme l'actuel directeur général d'Ikea France. Lundi, Mediapart révélait que les méthodes employées par le groupe pour fliquer ses salariés étaient, dans un cas au moins, connus de Jean-Louis Baillot et de sa DRH.
Ikea: de simples clients ont été espionnés après l'achat d'une cuisine
La filiale française d'Ikea ne s’est pas contentée de traquer ses salariés : elle a enquêté sur des clients ou de simples relations commerciales. Mediapart a retrouvé des Suédois espionnés pour avoir contesté la livraison tardive de leur cuisine. En 2009, un Parisien a été ciblé parce qu'il râlait contre une armoire en mauvais état.
Ikea : enquête sur une entreprise en état de siège
Depuis les révélations sur l'espionnage des salariés, des hommes de la maison-mère ont débarqué dans la filiale française d'Ikea et repris la main sur une direction fragilisée. Des grèves éclatent, des dépôts sont bloqués, des explications sont demandées.
Ikea : une « infiltrée » raconte l'espionnage
Non content d'espionner ses salariés en passant par des détectives privés, Ikea a utilisé des infiltrées dans son magasin de Franconville en 2010 et 2011. L'objectif : surveiller des syndicalistes FO chevronnés. Mediapart a retrouvé l'une de ces infiltrées, recrutées par une société spécialisée dans l'intelligence économique. Nous publions aussi le « Retour d'expérience » rédigé par cette officine à l'issue de l'opération. « On se croirait dans un film d'espionnage !» réagit la CFDT.
A Gonesse, Ikea arrosait des policiers : bons cadeaux contre bons services
Certains magasins Ikea ont offert des cadeaux à des policiers. Un document récupéré par Mediapart montre qu'à Gonesse, en banlieue parisienne, le directeur lui-même a distribué des bons d'achat de 100 euros. A « Paris-Nord », les accointances entre le responsable sécurité du magasin et certains policiers étaient patentes, d'après des courriels internes en possession de Mediapart. Sur le dos des salariés?
Après l'affaire Ikea, un directeur de Castorama sur la sellette
Alors qu'une information judiciaire a récemment été ouverte dans l'affaire d'espionnage chez Ikea, des syndicats de Castorama montent à leur tour au créneau. Le directeur du magasin d'Antibes, condamné à de la prison avec sursis pour avoir fouillé dans les antécédents judiciaires de plusieurs agents de sécurité, n'a pas été sanctionné par sa hiérarchie. Pour les syndicats, Casto « cautionne » de graves atteintes à la vie privée.
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