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Les gauches veulent sortir de la déprime

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Cela ressemble à des retrouvailles ou à une amicale de militants de gauche un peu sonnés, mais qui n’arrivent pas à se résoudre à la défaite. À moins que cela soit le début d’une alternative. Samedi ont eu lieu les premières réunions des « Chantiers d’espoir », une manifestation née d’un appel publié en janvier et signé par de nombreuses personnalités, dont les dirigeants du Front de gauche, ceux d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), des responsables syndicaux, la Fondation Copernic et une poignée de socialistes.

À Paris, environ 350 personnes ont répondu à l’invitation. En soi, et par les temps qui courent à la gauche du PS, c’est déjà pas mal. On pouvait y croiser des militants et des dirigeants du PCF, du Parti de gauche, d’Ensemble (la troisième grande composante du Front de gauche, qui a largement contribué à impulser les Chantiers), quelques écologistes – Cécile Duflot a fait une très brève apparition –, des « socialistes affligés », des « citoyens » encartés nulle part… La féministe Caroline De Haas co-présentait la réunion.

Samedi, à la réunion parisienne des Chantiers d'espoir.Samedi, à la réunion parisienne des Chantiers d'espoir. © L.B.

Tout ce petit monde a joué le jeu : par petits groupes, ils ont choisi un thème, débattu puis noté leurs idées sur des post-it affichés au mur. Passé le moment de surprise sur la méthode – beaucoup étaient plus habitués aux meetings traditionnels où le micro est accaparé par les têtes d’affiche –, les ateliers ont semblé bien fonctionner, à propos de démocratie (c’était le thème le plus demandé), du travail, du partage des richesses, de l’écologie ou des égalités.

« Le pouvoir de décider nous échappe totalement », « il y a des gens qui font un petit jardin ensemble », « ça peut être aussi l’auto-organisation », « j’ai 57 balais, je me vois mal monter sur une barricade », « les post-it, ça me rappelle quand on a fait venir une boîte d’audit dans mon service », pouvait-on entendre au hasard des travées. « LOCAL », « les lobbys des formations », « Reconnaître toutes les natures du travail », « qu’est-ce que la richesse ? », « interroger nos névroses de consommation », « comment féminiser la politique », « lutter contre l’islamophobie », pouvait-on lire sur les fameux post-it. À la fin de la journée, et après une synthèse avec quatre personnalités de la société civile (lire notre Boîte noire), les plus enthousiastes pouvaient s’inscrire par ville et par arrondissement pour créer un « comité local ».

Dans la salle, beaucoup de militants, ou « d’ex », plus tout à fait de première jeunesse, et presque tous blancs. Cela ressemblait au public traditionnel du gymnase Japy ou des collectifs unitaires dont la gauche de la gauche raffole. Cela ressemblait aussi aux collectifs anti-libéraux de 2005 – « les CUAL » pour les initiés –, aux assemblées citoyennes du Front de gauche de 2011 et de 2012 – quand elles ont eu lieu. Ou encore aux « ruches » du PCF, à la réunion des « Socialistes affligés » ou celle organisée par le député PS Pouria Amirshahi, il y a quelques mois à Paris.

Oui, et alors ?, rétorquent les initiateurs. « Pour le traité constitutionnel européen et les collectifs anti-libéraux, on a commencé par l’Appel des 200, et puis ça a pris. La question est de savoir si ça va prendre cette fois, rappelle Clémentine Autain (Ensemble/Front de gauche). Et puis, je n’en connais pas d’autres, des endroits où tous ces gens se retrouvent. »

Julien Bayou, co-porte-parole d’EELV, convoque, lui, Martin Luther King : « Avoir la foi, c’est monter la première marche même quand on ne voit pas tout l’escalier. » « Il faut tâtonner, inventer. On a tous envie de créer des convergences, de se réunir autrement qu’en contre, contre la loi Macron ou les grands projets inutiles. Après, pour faire quoi ? On ne sait pas », poursuit l’écolo. « Il y a un côté carrefour des gauches assez intéressant, et ce n’est pas si fréquent », abonde Frédéric Hocquard, conseiller de Paris (PS). Puis : « Il faut qu’il se passe quelque chose, et donc il faut tout essayer. » « On sent une envie, pour changer la donne, refaire monter une conscience de gauche, reprendre le pouvoir », jure Caroline De Haas, longtemps militante socialiste avant de jeter l'éponge et tête de liste aux européennes sur une liste féministe.

Jean-Luc Mélenchon, présent tout l’après-midi, en sourit : « Moi je suis pour, c’est très bien. Il faut essayer tous les trucs qui décloisonnent, qui décoincent. Il y a aussi un travail sur les idées qui se fait – ce petit monde bouge idéologiquement. » Mais le candidat à la présidentielle de 2012 se lasse un peu d’un processus sans fin : « Chez nous, c’est une maladie de retourner à la case départ ! On recommence à parler programme. Mais c’est normal : ceux qui résistent sont des coupeurs de cheveux en quatre ! » Puis : « Ils en sont à rassembler l’autre gauche. C’est une base. Parce que ce sont des gens précieux dans cette salle, de ceux qui tiennent tête. » Et finalement : « L’angle mort ici, c’est l’action. C’est quoi une stratégie révolutionnaire ? Là, silence ! Moi j’ai proposé la stratégie de la Constituante (avec le mouvement pour la 6e République – ndlr). Il faut que je sois patient… »

Au Front de gauche, les débats qui agitent ce cartel d’organisations ne sont toujours pas réglés : Mélenchon garde toujours en tête le modèle sud-américain ; le PCF répond « programme » et Ensemble espère un dépassement citoyen en insistant sur la nécessité de nouvelles pratiques politiques. Quant aux écolos, ils sont englués dans leurs violents désaccords sur un éventuel retour au gouvernement de Manuel Valls ; et la gauche du PS a encore la tête dans le congrès du parti prévu début juin. Mais tous sont atterrés par la politique menée par François Hollande et Manuel Valls, et inquiets de la montée du Front national. Ils suivent aussi les alliances électorales inédites, parfois victorieuses, parfois laborieuses, nouées aux municipales (comme à Grenoble) ou aux dernières départementales.

Samedi, à la réunion parisienne des Chantiers d'espoir.Samedi, à la réunion parisienne des Chantiers d'espoir. © L.B.

« On veut construire un socle de propositions pour essayer de lancer un processus politique de la gauche du PS au Front de gauche, voire au NPA (absent samedi – ndlr). L’objectif induit, c’est les régionales, voire la présidentielle », explique Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic. Mais sans reproduire les erreurs du Front de gauche : « Il n’a pas été capable d’amplifier la dynamique de la campagne de 2012. Parce qu’il est resté un cartel de partis. Et que sa posture publique est restée essentiellement protestataire. Le “bruit et la fureur” (incarné par Mélenchon – ndlr) a échoué ; il faut rendre une nouvelle société désirable et construire pour 2017 une figure pouvant incarner un espoir. Les “Chantiers d’espoir”, ce sont la pré-condition à cette candidature. »

« Il faudra bien se projeter sur quelque chose de concret. Si on veut dépasser les cadres militants, il faut un débouché électoral », prévient aussi Éric Coquerel (Parti de gauche/Front de gauche). Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF, n’en est pas encore là : « La question centrale, c’est de faire émerger un projet commun aux forces qui cherchent à débloquer la situation politique. Il faut prendre le temps de cette construction pour faire émerger un scénario permettant de sortir du tripartisme. » Prochaine réunion : le 20 juin.

BOITE NOIRELes quatre personnalités de la société civile invitées pour débattre des propositions du jour étaient Annick Coupé (Solidaires), Thomas Coutrot (Attac), Malika Zediri (APEIS) et Edwy Plenel.

Aucun des responsables politiques n’a pris la parole.

Toutes les personnes citées ont été interrogées samedi à Paris, en marge de la réunion.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Solution au message « La date de dernière écriture du superbloc est dans le futur »


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