Les députés, qui viennent d’achever l’examen du projet de loi santé, ont consacré une partie de la discussion du vendredi 10 avril à la question des liens d’intérêts entre experts et laboratoires (lire la discussion complète ici). Jacqueline Fraysse, membre de la commission des affaires sociales, a évoqué les révélations de Mediapart sur « les dérives de certains membres de la Commission de transparence et de la Commission d’autorisation de mise sur le marché… accusés de se livrer à des pratiques qui relèvent de la prise illégale d’intérêts ». Pratiques qui consistent à donner des conseils à des laboratoires pharmaceutiques afin d’optimiser leurs chances d’obtenir les autorisations ou avis favorables des commissions concernées.
Gérard Bapt, lui aussi membre de la commission des affaires sociales, a qualifié de « tout à fait incestueux » les rapports entre la Commission de la transparence et les laboratoires. Il a également mentionné nos informations sur la présence du professeur François Lhoste au sein du Comité fixant les prix des médicaments, le CEPS, soulignant que « le représentant du ministère de l’économie auprès de cette instance était un agent de Servier ».
À propos du fait que ce représentant n’a pas signalé le caractère anorexigène du Mediator en 1999 alors qu’il le connaissait, Gérard Bapt juge que « ce comportement dépasse les conflits d’intérêts : il est véritablement criminel ».
Pour lutter contre ces dérives, les députés veulent renforcer la démocratie sanitaire. Une première approche vise à ouvrir la composition des commissions aux représentants des associations d’usagers. Les députés ont adopté un amendement présenté par Marisol Touraine, ministre de la santé, qui permettra l’entrée de ces représentants dans le collège de la HAS (Haute autorité de santé), dont dépend la Commission de la transparence.
Deux autres amendements importants ont été adoptés, afin de mieux contrôler les liens et conflits d’intérêts des experts avec l’industrie. Ils visent, selon Marisol Touraine, à « renforcer la transparence des informations pour ce qui concerne les liens entre les professionnels de santé, les acteurs de santé et les laboratoires pharmaceutiques ».
Dans la situation actuelle, les déclarations publiques d’intérêts ne donnent qu’une vision très incomplète des liens réels avec l’industrie, comme le résume le député UMP Bernard Debré : « Pour l’heure, nous avions connaissance des conflits d’intérêts représentant 35 euros ou 100 euros, ce qui n’avait aucun intérêt. Nous pouvions savoir que tel médecin s’était fait rembourser son déjeuner ou son dîner par un laboratoire… Mais les gros contrats, eux, n’étaient que mentionnés sans que leur montant soit indiqué. »
Or ces contrats peuvent aller de 10 000 à 100 000 euros et peuvent dépasser, pour les professeurs hospitaliers, les montants autorisés qui sont limités à une certaine proportion de leur rémunération publique.
L’un des amendements adoptés vise à combler cette lacune en prévoyant la publication des rémunérations perçues par les professionnels de santé dans le cadre des conventions signées avec les laboratoires pharmaceutiques. Ces rémunérations seront publiées sur le site internet public transparence.gouv.fr, et le texte autorise un tiers à réutiliser les informations publiées sur ce site. L’autre amendement crée pour les agences et les autorités sanitaires telles que l’ANSM et la HAS l’obligation de nommer un déontologue qui contrôlera les déclarations d’intérêts et établira un rapport annuel qui sera rendu public. Ce déontologue pourra adresser aux personnes tenues à déclaration des demandes d’information auxquelles elles seront dans l'obligation de répondre. Le projet de loi doit maintenant être examiné par le Sénat.
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