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Les cinq affaires qui menacent le Front national

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« Peu importe que l’on parle de nous en bien ou en mal. L’essentiel, c’est qu’on en parle ! », expliquait il y a quelques jours Jean-Marie Le Pen. Cette stratégie médiatique que le Front national a souvent appliquée trouve aujourd’hui ses limites avec l’avalanche d’ennuis judiciaires du parti. Bien consciente du problème, Marine Le Pen a créé son propre storytelling, annonçant elle-même mercredi dans Le Monde « une crise sans précédent » au Front national, puis évoquant, dans un communiqué, un « suicide politique » de son père.

Si cet affrontement entre père et fille est récurrent et bien réel, la présidente du FN a poussé la crise à son paroxysme à un moment très opportun. Jeudi soir, alors que de nouvelles mises en examen dans l’enquête sur le financement de son parti étaient révélées, Marine Le Pen a exprimé au 20 heures de TF1 son « chagrin » de « fille » meurtrie par la « dérive personnelle » de son père et son « obligation » comme présidente du FN « de défendre ce qui est le socle de notre mouvement » et d'assumer ses « lourdes responsabilités ».

Elle a annoncé que Jean-Marie Le Pen serait convoqué en procédure disciplinaire. Ce qui a permis à nombre de responsables frontistes de saluer sa « stature de chef d’État ». La séquence est habilement menée. Mais elle ne suffira sans doute pas pour faire oublier les cinq affaires qui menacent aujourd’hui le parti ou ses dirigeants.

  • Une enquête sur le financement des campagnes du FN

C'est l'enquête judiciaire qui pourrait atteindre Marine Le Pen elle-même. Depuis avril 2014, et suite à un signalement de la commission des comptes de campagne, les juges Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi épluchent le financement des campagnes du Front national, et notamment la présidentielle et les législatives de 2012. Ils soupçonnent un financement illégal et s'intéressent au rôle joué par Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et Riwal, la société de communication de son vieil ami Frédéric Chatillon, prestataire principal du FN.

Selon Le Monde, l'enquête a été élargie le 9 mars aux faits de financement illégal d’un parti politique, acceptation par un parti politique d’un financement provenant d’une personne morale et financement illégal de campagne électorale.

Plusieurs piliers des campagnes frontistes ont déjà été mis en examen : Frédéric Chatillon pour financement illégal de parti politique, mais aussi « faux et usage de faux », « escroquerie », « abus de bien social » et « blanchiment d'abus de bien social » ; les deux trésoriers successifs de Jeanne, Olivier Duguet et Axel Loustau ; et Riwal elle-même, pour escroquerie et financement illégal de parti politique.

D'après Le Monde, Marine Le Pen et deux de ses proches, David Rachline, sénateur et maire de Fréjus, et Nicolas Bay, député européen et secrétaire général du FN, sont désormais directement visés par les investigations. Comme Mediapart l'a raconté, les nombreuses casquettes de Nicolas Crochet, le commissaire aux comptes du FN, se révèlent problématiques. L'expert-comptable est entendu vendredi par les juges.

Fondée en 2010, Jeanne est devenue la pièce maîtresse du dispositif électoral du FN, offrant via Riwal des « kits électoraux » et des crédits aux candidats FN, avec le feu vert de l’état-major frontiste. En 2012, l’association de financement avait brassé 9,6 millions d’euros, devenant la quatrième formation politique en termes de rentrées financières, devant… le Front national.

Les enquêteurs se penchent sur ce système de prêts accordés aux candidats à un taux exceptionnellement élevé et de vente de kits de campagne par le micro-parti. Le mécanisme, que Mediapart avait détaillé dès octobre 2013, est le suivant : Jeanne achète des kits de campagne à Riwal, les revend aux candidats, qui les paient grâce à un prêt octroyé par Jeanne. Le micro-parti empoche les intérêts du prêt (6,5 %) ; et les candidats frontistes déclarent les intérêts payés avec le remboursement du prêt comme frais de campagne, afin d'être remboursés par l’État (lorsqu'ils ont dépassé les 5 % des voix).

Au cœur de cette affaire et des finances du FN, on trouve un trio sulfureux : Frédéric Chatillon, Axel Loustau et Olivier Duguet. Tous trois se connaissent bien : ils appartiennent au même réseau de sociétés et ont milité ensemble au GUD (Groupe Union Défense), une organisation étudiante d'extrême droite radicale, dans les années 1990 (retrouvez ici tous nos articles sur cette affaire).

Marine Le Pen leur a récemment renouvelé sa confiance, rappelant qu'« une mise en examen, ce n’est pas une condamnation ». Lors de l'ouverture de l'enquête, elle avait réagi sur Twitter : « Enquêtes, informations judiciaires, perquisitions, le pouvoir socialiste ne manque pas d'imagination face à son opposition politique. » Avant d'ajouter : « Tout cela se terminera comme à chaque fois par un non-lieu ou une relaxe dans quelques mois, mais la calomnie aura rempli son rôle. »

Marine Le Pen et Florian Philippot au parlement européen, le 11 mars.Marine Le Pen et Florian Philippot au parlement européen, le 11 mars. © Reuters

 

  • Une enquête sur des soupçons de fraude au parlement européen

C’est une affaire qui « inquiète au Front national », de l’avis d’un responsable du parti. « C’est la panique à bord, ils sont allés un peu loin… », glisse-t-il. Le Front national est visé depuis le 24 mars par une enquête préliminaire pour « abus de confiance » présumés dans l’affaire des assistants du parti au parlement européen.

Cette enquête, qui a été ouverte par le parquet de Paris et confiée à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), fait suite à un signalement par le président du parlement européen Martin Schulz, le 9 mars. Schulz avait saisi l’Office européen anti-fraude, l’OLAF, et prévenu la ministre de la justice française d'« une possible utilisation frauduleuse de fonds européens », et de soupçons d'emplois fictifs (lire notre article). Marine Le Pen avait immédiatement dénoncé une « opération politique » avant les élections départementales, accusant le gouvernement socialiste français d’avoir « mobilisé ses amis contre le FN » au parlement.

Au cœur de l’affaire : les salaires versés à certains assistants des eurodéputés FN. Une vingtaine d'assistants frontistes – sur 63 – sont soupçonnés de ne pas travailler pour leurs élus alors qu'ils sont rémunérés par le parlement européen. Vingt d'entre eux occupent en effet une fonction officielle au siège du Front national, à Nanterre, comme l’indique le nouvel organigramme du parti.

Or, au parlement, la rémunération des collaborateurs est encadrée : les eurodéputés disposent d'une enveloppe maximale de 21 000 euros par mois pour employer des assistants, qui peuvent être « accrédités » (ils travaillent alors entre les murs du parlement), ou « locaux » (ils travaillent pour le député dans la circonscription locale).

Le Front national n’est pas le seul parti à recourir à cette pratique qui consisterait à puiser dans la cagnotte européenne pour financer le parti. Mais il est reproché au parti de Marine Le Pen d’avoir « industrialisé » ce « système » : pas moins de 31 assistants des élus frontistes – sur 63 – cumulent avec des responsabilités au sein du parti, ou avec un mandat électoral local. Mediapart avait soulevé le problème dès 2013 (lire nos enquêtes ici et ).

Le préjudice pourrait s’élever jusqu’à 7,5 millions d’euros sur la législature en cours (2014-2019) – une somme qui reste une projection théorique, et que l’enquête devra affiner, si la fraude est confirmée. Les enquêteurs devront établir pour chaque assistant, s’il a effectivement consacré tout ou partie de son temps de travail au mandat européen de son député, à hauteur de sa rémunération par le parlement.

  • Une commission d’enquête parlementaire sur les financements russes du FN

Le groupe PS à l’Assemblée nationale a demandé le 8 avril la création d'une commission d'enquête sur les financements russes du Front national. Les auteurs de cette proposition de résolution espèrent qu’elle sera inscrite à l’ordre du jour « dans les prochaines semaines ».

Comme Mediapart l’avait révélé à l’automne, les Le Pen ont décroché en 2014 des prêts russes à hauteur de 11 millions d’euros pour financer leurs activités politiques. Si rien n’interdit à un parti politique de contracter un emprunt auprès d’une banque étrangère, c’est plutôt la chronologie de l’obtention de ces prêts qui interroge. Car ces deux dernières années, les dirigeants du FN ont multiplié les déclarations de soutien à Vladimir Poutine et les rencontres de proches du président russe à Moscou.

De nouveaux éléments accréditent l’hypothèse d’un soutien financier russe en échange d’un soutien politique du FN. Comme Mediapart s'en est fait l'écho, un groupe de hackers russes a rendu publics, le 31 mars, des échanges de textos évocateurs d’un responsable du Kremlin, Timur Prokopenko.

Ces messages datés de mars 2014 évoquent des contacts entre les Russes et le Front national pour obtenir une prise de position officielle du parti d'extrême droite en faveur du rattachement de la Crimée à la Russie. Il y est question de la manière dont Marine Le Pen doit être « remerciée » en échange de son soutien, mais aussi de discussions financières avec le Front national.

Le 17 mars 2014, Marine Le Pen a effectivement pris une position officielle sur la Crimée, jugeant les résultats du référendum « sans contestation possible ». La veille, Aymeric Chauprade était en Crimée comme « observateur » du référendum, à l’invitation d’une sulfureuse organisation pro-russe. Quinze jours plus tard, Jean-Marie Le Pen signait le premier prêt russe, avec l’aide d’Aymeric Chauprade, qui a servi d’intermédiaire. Deux millions d’euros seront ainsi versés à son micro-parti Cotelec le 18 avril 2014. Cet argent a permis à l’association d'avancer des fonds aux candidats aux européennes. En septembre 2014, c'est au tour de la présidente du FN de décrocher un prêt de 9 millions d’euros de la First Czech Russian Bank (FCRB), une banque basée à Moscou.

De son côté, Marine Le Pen juge « délirantes » ces accusations. « Cela fait longtemps que nous sommes sur cette ligne [pro-Russe] », avait-elle répondu en décembre, en expliquant avoir été « contrainte » de se tourner vers la Russie, compte tenu du refus des banques françaises – dont elle avait dévoilé cinq lettres de refus.

Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen lors du congrès du FN, à Lyon, le 30 novembre 2014.Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen lors du congrès du FN, à Lyon, le 30 novembre 2014. © Reuters


  • Une enquête sur le patrimoine de Jean-Marie Le Pen

Il n’y a pas que le Front national dans le viseur de la justice. Le fondateur du FN fait lui-même l’objet d’une enquête sur son patrimoine. Comme Mediapart l’avait révélé, le parquet de Paris a ouvert fin 2013 une enquête préliminaire sur son patrimoine, après un signalement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

La commission avait évalué son enrichissement personnel à 1 127 000 euros entre 2004 (le début de son mandat) et 2009 (la fin de son mandat), et l’a jugé suspect au vu de ses revenus officiels. Les réponses fournies alors par Jean-Marie Le Pen (à lire ici) n'ont pas toujours été étayées par des documents.

Les enquêteurs épluchent actuellement les comptes bancaires et biens immobiliers du président d’honneur du FN pour comprendre d’où vient cet argent. Son patrimoine a déjà fait l’objet de nombreux questionnements, notamment au sujet de l'héritage contesté du cimentier Lambert qui l’a rendu millionnaire dans les années 1970, ou de son compte en Suisse ouvert en 1981.

 

  • Un maire FN visé par une enquête pour abus de confiance et condamné à un an d’inéligibilité

Six mois après son élection, le maire FN d’Hayange (Moselle) – et conseiller “social” de Marine Le Pen – a été rattrapé par ses factures de campagne. Comme nous l'avions dévoilé, le candidat aurait emprunté 3 000 euros à son ex-première adjointe, dont 1 575 euros pour des tracts électoraux, sans lui rembourser totalement la somme, ni la déclarer dans son compte de campagne. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Thionville, à la suite d’une plainte de son ancienne première adjointe pour abus de confiance, abus de bien social et harcèlement.

Ses comptes de campagne ont été rejetés et le tribunal administratif de Strasbourg l’a condamné en décembre à un an d’inéligibilité et au non-remboursement de ses frais de campagne. Dans sa décision, le tribunal a estimé qu’il avait « commis un manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ». Fabien Engelmann rejette toute « fraude » et plaide une « erreur technique ». Il a fait appel de ce jugement et reste maire en attendant la décision finale du Conseil d’État. La direction du FN, qui a été informée dès août 2014 de la situation, n’a pas agi. En mars dernier, elle l’a même investi pour les élections départementales.

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