C’est une manifestation spectaculaire de la crise du logement. À la fin des années 2000, nous avions découvert que des pavillons de banlieue parisienne étaient redécoupés par leurs propriétaires en 2, 3, 4 voire 7 appartements (voir ici notre reportage de l’époque). Au lieu de louer, par exemple, un pavillon 1 200 euros, le propriétaire, après quelques travaux et séparations, loue 4 studios à 700 euros, profitant du manque d’habitations dans la région. La plus-value n’est pas négligeable, résultat d’un « marché pousse-au-crime », comme l’explique Anne-Claire Davy, auteur d’une étude que l’IAU (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France) vient de publier, et intitulée « La division des maisons individuelles au cœur de l’Ile-de-France ». Pour l’auteure, qui a travaillé avec Peggy Martini et Mélanie Richard, on peut parler de « spéculation du pauvre ».
Pour la première fois, le phénomène est chiffré. Et il n’est pas négligeable. Chaque année, 2 000 logements sont produits par la division de 770 logements individuels. Le phénomène est massif dans certains secteurs de la première couronne, dans des endroits où les pavillons n’ont pas une forte valeur patrimoniale, mais où ils présentent une forte attractivité pour la location. C’est en Seine-Saint-Denis qu’on trouve le plus de cas, avec 1 500 pavillons divisés entre 2001 et 2011 dans des villes comme La Courneuve, Montreuil ou Drancy.
Qui sont les locataires ? Dans plus de la moitié des cas, des ménages de 25 à 40 ans. On trouve 18 % de familles monoparentales. Avec, sans surprise, des revenus peu élevés. Dans plus de la moitié des cas, la surface louée est inférieure à 23 m2. La suroccupation est fréquente (dans 30 % des cas en Seine-Saint-Denis).
Et les propriétaires ? Certains héritent de maisons familiales et décident de transformer le bien en un produit d’investissement locatif, qui facilitera le partage entre plusieurs héritiers. Il arrive que des travaux soient faits pour pouvoir accueillir des grands-parents ou pour donner plus d’intimité à un jeune qui n’a pas les moyens de quitter le logement familial. D’autres fois, ce sont simplement des accédants modestes qui trouvent ainsi les moyens financiers d’acheter. Ou des propriétaires qui ont perdu leur emploi et qui cherchent de nouvelles ressources.
Dans 80 % des cas toutefois, le propriétaire ne loge pas dans un des appartements qu’il a découpés. Et l'IAU pointe « des diviseurs peu scrupuleux, voire quasi professionnels, qui investissent certains secteurs pavillonnaires et y créent l’équivalent de pensions sans statut, rentabilisant chaque m2 de logement par des travaux de qualité discutable ». Ce qu’on appelle des « marchands de sommeil ». Dans ce cas, les publics ciblés sont « fragiles » et « exclus du marché ordinaire du logement », détaille l'étude. Il arrive que ce type d’aménagement se propage alors à tout un quartier, ce qui dévalorise l’ensemble des biens du secteur.
Pour les élus, l’alerte vient généralement d’un problème de gestion des espaces publics, des besoins de stationnement qui explosent, d’une augmentation des aides sociales, d’effectifs scolaires en augmentation, d’un mauvais calibrage des déchets... Il est alors trop tard pour agir. « En l’absence de procédure du permis de construire ou d’autorisation de travaux, les collectivités françaises n’ont ni les moyens de veiller à la qualité de ce qui est produit ni celui d’anticiper sur les conséquences de cette densification non déclarée. » Auparavant, les propriétaires ont bien souvent réalisé leurs travaux en toute discrétion, ne tenant pas à voir immédiatement leur taxe foncière augmenter. Et il reste un chiffre mystère : le nombre de propriétaires qui ne déclarent pas leurs locataires.
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