Les nombreux protagonistes des affaires Icade peuvent souffler après la lecture du rapport de la Cour des comptes publié lundi 30 mars (lire ici). Ils ne risquent rien, même pas un blâme. Car, finalement, le dossier Icade n’en est pas vraiment un pour la Cour des comptes. Revenant sur l’évolution de cette filiale immobilière de la Caisse des dépôts, entre 2006 et 2013, les magistrats de la rue Cambon ne trouvent pas grand-chose à redire. Tout juste notent-ils dans leur rapport que le « processus mis en œuvre [pour transformer la société en une foncière cotée] s’est fait dans des conditions discutables ». Certes, ils estiment que « la gouvernance est perfectible ». Mais pour le reste, la gestion d’Icade ne leur paraît pas critiquable. La vente de 24 000 logements sociaux pour 1,6 milliard d’euros à des bailleurs sociaux, avec le soutien de l’État, pour le grand bénéfice d’actionnaires privés, ne revêt donc pas un caractère problématique. Elle relève seulement que sa « stratégie fondée sur le développement de l’immobilier tertiaire [est] relativement cohérente mais non dénuée de risques ». Pour preuve du soutien de cette évolution, la Cour des comptes ne donne même pas de recommandations, comme elle a l’habitude de le faire dans ce genre d’exercice.
On est loin, très loin, du rapport préliminaire, établi en juin 2014, auquel Mediapart avait eu accès (lire ici et là), très critique sur l’évolution d’Icade. Dans ce dernier, il était alors constaté « des éléments de dissimulation » et autres « défauts d’information et de gouvernance », « manques d’information au marché et aux instances de régulation ».
Il est habituel de noter des changements notables parfois entre les rapports préliminaires et les rapports définitifs de la Cour des comptes. « La réécriture des rapports fait partie des tractations habituelles. Il arrive que des points qui ont pu donner lieu à trois pages d’analyses et de faits se retrouvent résumés en une phrase et demie dans le rapport définitif. Cette maison n’aime guère faire de vagues, quelle que soient les apparences qu’elle veut se donner », explique un ancien magistrat de la Cour des comptes, parti en 2011. Mais cette fois, le rapport est si édulcoré qu’il passe sous silence de nombreux faits qui avaient pourtant attiré l’attention des rapporteurs. Il semble parfois dire le contraire de ce que disait le rapport préliminaire.
Que s’est-il passé ? Le fait que le directeur général de la Caisse des dépôts Pierre-René Lemas a demandé à la Cour de bien peser la publication de « certains développements qui figurent dans ce rapport si celui-ci venait à être rendu public » a-t-il joué ? « Je souhaite insister sur le fait que des éléments stratégiques sur l'avenir d'lcade, le sort de certaines activités ainsi que des discussions et débats y afférents au sein du conseil d'administration – d'ailleurs soumis à confidentialité – ne sont pas connus du public et seraient susceptibles d'avoir une influence sur le cours de bourse de la société si ceux-ci venaient à être rendus publics », écrit-il. Est-ce la crainte qu’un rapport trop critique puisse relancer les contestations des bailleurs sociaux et des élus qui ont toujours du mal à avaler le fric-frac organisé en 2009 autour du logement social ? Est-ce parce que beaucoup avaient intérêt à enterrer au plus vite ce dossier, après l’éviction de son PDG il y a quinze jours (voir l’article de Laurent Mauduit, le PDG d’Icade évincé au profit de son clone) ?
On ne saura sans doute rien des motivations qui ont poussé la Cour des comptes à une relecture du dossier Icade. Mais on peut au moins constater les différences d’interprétations entre le rapport préliminaire et le rapport définitif rendu public.
Filiale de la Caisse des dépôts, spécialisée dans le logement social et l’aménagement, Icade a commencé à organiser, à partir de 2003, sa propre privatisation, à l’image de ce qu’avait fait le Crédit local de France, devenu Dexia, une bonne quinzaine d’années auparavant. Pour chercher à comprendre les mécanismes à l’œuvre, le rapport préliminaire avait repris le processus lancé dès l’arrivée d’Étienne Bertier, un protégé de l’ancien directeur de la Caisse Francis Mayer, et par ailleurs proche d’Edmond Alphandéry, administrateur d’Icade, qui avait été parachuté en 2003 à la présidence de la filiale immobilière de la Caisse.
Sans doute par souci de concision, le rapport définitif préfère passer sur ces longs préambules pour aborder directement l’opération de privatisation lancée en 2005. Une privatisation, ne peut cacher le rapport définitif, qui s’est faite au détriment de la Caisse des dépôts. Alors que les banquiers conseils fixaient la valeur d’Icade autour de 2,1 milliards d’euros, le conseil de la société a préféré opter pour une valeur autour de 1,8 milliard d’euros. « La fourchette de prix finalement retenue a été, par conséquent, inférieure de 5 % à celle recommandée en interne par les services de la CDC et corroborée par les analystes », note-t-il. Avant de poursuivre, plus loin : « Devant le conseil de surveillance de la CDC du 9 mai 2007, M. Bertier a d’ailleurs reconnu que la performance boursière de la société depuis son introduction en bourse s’expliquait “pour 20 % par la décote consentie lors de l’introduction”. »
Mais « cette sous-valorisation initiale ne semble toutefois pas avoir été motivée par la recherche d'avantages pour les personnels ou le "management" », s’empresse d’expliquer le rapport définitif. La motivation était, selon les explications des dirigeants et des administrateurs, de bien réussir l’introduction en Bourse. Au détour d’une phrase le rapport définitif se contente de noter que le prix arrêté par le conseil d’administration d’Icade correspondait à la « limite fixée par deux investisseurs, Morgan Stanley REF (MSREF) et City North, deux sociétés qui, postérieurement à l’introduction en bourse, seront étroitement liées à Icade ».
Dans le rapport préliminaire, les enquêteurs s’étaient longuement interrogés sur l’identité de City North, transformée plus tard en Real North Estate City, et de son principal représentant, Francis Gleeson, administrateur chez Icade jusqu’à la fin 2011. Une étrange société irlandaise, avec des liens entre Nicosie (Chypre) et Zoug (Suisse), qui va devenir le principal actionnaire privé d’Icade, au nom de son savoir-faire dans les développements de parcs tertiaires. (On retrouve son dirigeant aujourd’hui à la tête d’une société Dufry, spécialisée dans les ventes dans les aéroports, mêlée de surcroît à un scandale politique à l’île Maurice, où l’on retrouve le nom de Laurent Obadia, ancien de l’équipe de Stéphane Fouks d’EuroRSCG et désormais directeur de communication chez Veolia.) « Il est surprenant que la Caisse ait privilégié un investisseur opaque », s’étaient étonnés à plusieurs reprises les enquêteurs.
De cette longue description, il ne reste que très peu dans le rapport définitif, pas même les réserves et les alertes d’un certain nombre de personnes à la Caisse des dépôts, lancées au moment de la privatisation, encore moins le nom des véritables bénéficiaires de cette opération qui se sont cachés derrière un faux nez. Tout juste un passage en gras, semblant montrer que les enquêteurs ont quand même voulu résister et ne pas passer sous silence un des épisodes les plus opaques de l’évolution d’Icade. « Ni Icade ni la Caisse des dépôts n’ont apporté la preuve que les vérifications d’usage sur la qualité des investisseurs et leur solidité financière avaient bien été effectuées. La structure sociale adoptée par ces derniers, un SPV ad hoc sous la forme d’un trust de droit irlandais représenté par un "nominee" ne garantissait pourtant pas la transparence nécessaire », est-il écrit.
C’est avec cet actionnaire qu’Icade choisit dès 2004 de monter une opération obligataire dans l’une de ses filiales, officiellement pour soutenir ses projets de développements. Il lui réserve 11 % de cette émission d’obligations remboursables en actions (ORA), assortis d’une option d’achat (call) et de vente (put). Cette option munie de la signature de la filiale de la Caisse des dépôts a alors permis à City North d’emprunter la quasi-totalité des fonds pour participer à cette opération auprès d’une filiale des Caisses d’épargne.
En mai 2006, l’option d’achat consentie à Icade est sur le point d’arriver à échéance. Si la filiale de la caisse des dépôts l’exerce, elle devra débourser 60 millions d’euros, soit 10 millions d’euros de plus-value pour l’actionnaire irlandais. Mais le conseil d’Icade laisse passer l’échéance, jugeant que cette opération pose des problèmes juridiques. Quatre mois plus tard, finalement, la question du rachat des ORA revient, mais cette fois, c’est City North qui fait jouer son option de vente. Au lieu de 60 millions d’euros, Icade va payer 135,2 millions d’euros. De 10 millions en mai, la plus-value pour la société irlandaise passe à 84 millions d’euros en septembre.
Les enquêteurs avaient détaillé ce processus dans le rapport préliminaire. Tout semblait préparé, selon eux. Icade avait commandé une étude dès l’été à la Société générale sur le prix de rachat des ORA. Ils avaient alors noté que cette étude avait retenu les critères de valorisation les plus défavorables pour Icade. Ils soulignaient aussi que l’étude faisait mention de l’opportunité des porteurs d’ORA de remonter dans Icade. Or à l’époque, il n’est pas encore question que le rachat soit payé par la cession de 6 % du capital détenu par la Caisse des dépôts. « La seule explication de cette mention est donc que celle-ci fait implicitement référence à un accord liant Icade, les vendeurs et la CDC, assortissant le rachat des ORA à une promesse de cession ultérieure de titres Icade », écrivaient-ils alors.
Il ne reste rien de tous ces faits dans le rapport définitif. Sans doute encore par crainte d’être trop long et ennuyeux, celui-ci préfère passer sous silence tous ces détails – tout comme d’ailleurs l’existence d’un autre fonds basé aux îles Caïmans qui a participé aux opérations. À aucun instant ne transpire un questionnement sur la conduite des administrateurs ou des dirigeants d’Icade. Après un long passage rappelant le calendrier des faits, il conclut en gras à nouveau : « La société a dépensé 74,2 millions d’euros de plus en septembre 2006 pour racheter les ORA détenues par ces investisseurs qu’elle ne l’aurait fait en mai 2006. Il en est résulté un préjudice financier pour Icade et pour ses actionnaires, au premier chef son actionnaire majoritaire, la CDC. Le fait qu'Icade ait pu, avec l'aval de la CDC, prendre des décisions mal justifiées et défavorables à son intérêt social et à celui de la Caisse, témoigne de défaillances dans la gouvernance en place à l’époque des faits, tant au niveau d'Icade que de la CDC. » On a connu les magistrats de la Cour des comptes beaucoup plus sévères, quand il s’agissait de la gestion des entreprises publiques, de ses comités d’entreprises ou des avantages indus des fonctionnaires. Mais là, il s’agit de haute finance.
Toutefois, le passage le plus surprenant sur l’évolution du regard de la Cour des comptes entre le rapport préliminaire et le rapport définitif concerne la vente des logements sociaux d’Icade. Poursuivant sa transformation, Icade a adopté le statut fiscalement très avantageux de société d’investissement immobilier cotée (SIIC) – ce qui lui vaut aujourd’hui un litige avec le fisc qui l’accuse d’avoir minoré sa valeur – et bénéficie en mai 2007 d’un décret – le dernier décret signé par le gouvernement Villepin – qui permet aux bailleurs sociaux d’avoir des conditions de financement identiques pour le rachat de logements construits et pour la construction de logements neufs. La grande opération de transformation d’Icade peut se poursuivre. La société met en vente 24 000 logements sociaux en bloc.
Les enquêteurs avaient longuement critiqué dans leur rapport préliminaire cette opération « qui avait mobilisé à elle seule une grande partie des financements du logement social en région parisienne en 2008-2011 » sans qu’un mètre carré supplémentaire de logement social n’ait été construit. Ils soulignaient que « les actionnaires privés d’Icade avaient bénéficié des dispositifs publics mis en place pour garantir cette opération » avec le soutien actif de l’État et de la Caisse.
Ils relevaient aussi le rôle de la SNI, autre filiale immobilière de la Caisse des dépôts, qui s’était instituée chef de file pour organiser la reprise de ces logements. Les sociétés d’HLM de la région parisienne, sélectionnées pour la reprise des actifs d’Icade, l’avaient été « sur le seul choix de la SNI », notaient-ils. Quant aux conseils, on était en plein mélange des genres, relevait le rapport préliminaire. La SNI avait choisi les mêmes conseils que la Caisse des dépôts : la banque HSBC et le cabinet Weil Gothsal (voir l’article de Laurent Mauduit : Frédéric Salat-Baroux, gendre de Jacques Chirac et avocat de ce cabinet). Jean-Marie Messier devint un moment banquier conseil à la fois d’Icade (le vendeur) et de la Sni (l’acheteur). « Il est surprenant de voir le conseil de l’acheteur potentiel désigné de fait par le principal actionnaire du vendeur », avait-il pointé.
Le rôle de la Caisse des dépôts était alors sévèrement critiqué. Pour sa défense, celle-ci avait fait valoir que ses administrateurs siégeant au conseil d’Icade s’étaient abstenus de participer à chaque vote concernant la vente, afin d’éviter les conflits d’intérêts. « L’abstention était opportune mais sans rapport avec les entrecroisements d’intérêts entre les entités concernées », était-il souligné dans le rapport préliminaire.
Il ne reste que des échos très lointains de toutes ces remarques et de ces critiques dans le rapport définitif. Pas un mot n’est dit sur le fait d’avoir les mêmes conseillers, sur les risques de conflit d’intérêts soulevés. Pas un nom n’est cité. De même, l’entremêlement des rôles entre la Caisse des dépôts, la SNI et Icade est presque absous. Le rapport définitif juge qu’Icade était dans son rôle en essayant de maximiser le prix de vente, que les acheteurs ont pu accepter un tel prix parce que le décret Icade les avait solvabilisés. Sa seule réserve est que l’opération, selon lui, aurait dû se faire avant. « Il reste que les logements à caractère social d’Icade auraient dû être reclassés soit au sein de la SNI soit auprès de bailleurs sociaux avant l’introduction en bourse d’Icade, ce qui aurait évité l’appropriation d’une partie de la plus-value par les actionnaires privés d’Icade », écrit la Cour des comptes.
Pour la Cour des comptes, l’opération n’est pas non plus préjudiciable pour le logement social en Île-de-France, puisqu’elle a permis d’accroître le nombre de logements sociaux. « Ces logements n’avaient, pour une minorité d’entre eux, jamais été conventionnés [bénéficiant de loyers sociaux] ou, s’ils l’avaient été, ne l’étaient plus, ou, s’ils l’étaient encore, étaient en voie de dé-conventionnement progressif. Les acquéreurs du patrimoine d’Icade ont entrepris de conventionner ou de re-conventionner les logements acquis. Par conséquent, les loyers des occupants au moment de la transaction devaient baisser pour une grande partie des locataires, sous réserve des plafonds de ressources et des "surloyers" éventuels. À tout le moins, une partie d’entre eux a évité des hausses de loyer qui auraient résulté de dé-conventionnements », écrit-il. Il émet une légère remarque toutefois : « Il s’agit d’un mouvement de maintien ou de retour dans le secteur social, non de création nette. »
Quant à l’attitude de la Caisse, elle est félicitée pour sa décision de ne pas prendre part au vote, sur les dossiers qui la concernent. « Cette abstention, bien qu’elle revête un caractère formel, est de bonne pratique », insiste le rapport définitif.
Revenant sur le fonctionnement du conseil, la Cour des comptes n’a guère de remarques. Bien sûr, elle note, au détour de phrases, le fait que les différents comités d’Icade, la direction de la Caisse des dépôts et le conseil de surveillance de la Caisse n’ont pas toujours été informés des choix faits par la direction ou réunis pour en discuter, surtout aux moments les plus décisifs comme la privatisation ou l’opération de rachat des ORA. Mais elle n’en tire aucune conséquence.
Sa grande affaire, c’est le non-respect du code Afep-Medef, la bible de la gouvernance du monde des affaires en France, marqué par l’absence d’une majorité d’administrateurs indépendants dans le comité de rémunération. Ce comité très compréhensif a permis à Étienne Bertier, le dirigeant d’Icade entre 2003 et 2007 qui a mené toutes les opérations, de partir avec une indemnité forfaitaire de 1,3 million d’euros, soit trois ans de salaire, et le maintien de toutes ses stock-options représentant un gain potentiel de 780 000 euros. Ce cas semble avoir fait école, à en croire la Cour des comptes qui note, là encore en gras : « S’agissant des "stock-options" la levée de la clause d’activité en faveur de M. Bertier a créé un précédent, suivi dans plusieurs dizaines de cas, y compris pour des options dont l’acquisition était soumise à des clauses de performance. Cependant, la clause d’activité a été appliquée strictement dans près de 130 autres cas. Cette différence de traitement démontre le caractère discrétionnaire de l’avantage accordé à M. Bertier et à ceux qui ont bénéficié de la même exemption », écrit-il.
Son successeur, Serge Grzybowski, ne sera pas moins gourmand. Le rapport note que sa rémunération s’est élevée à 734 800 euros en 2011 et 590 400 euros en 2012. Il relève aussi qu’il est bénéficiaire de trois plans de stock-options « actuellement sous l’eau, c’est-à-dire avec des prix d’exercice qui dépassent le cours de Bourse ». Entre-temps, les cours ont monté. Le dirigeant d’Icade a pu exercer ses stock-options en 2014, ce qui lui a rapporté un montant total de 2,1 millions d’euros. Un détail, qui a conduit à la démission de Serge Grzybowski mais que n’a pas relevé le rapport puisque celui-ci s’arrête en 2013. Celui-ci note juste que la rémunération de président d’Icade est désormais plafonnée à 450 000 euros, comme le veut la loi pour les dirigeants travaillant dans la sphère publique. Mais il ne parle pas des stock-options, qui font l'objet de plusieurs scandales au sein de la Caisse des dépôts (voir l’article de Laurent Mauduit : Caisse des dépôts, le scandale des stock-options).
Personne ne s’est vraiment interrogé sur les raisons qui ont poussé l’ancien dirigeant d’Icade à vendre très vite ses stock-options. Est-ce parce qu’il pouvait enfin les exercer à un prix intéressant ? Ou est-ce parce qu’il anticipait des lendemains moins glorieux pour l’entreprise ? Icade a vécu entre 2007 et 2012 une période faste. La vente des actifs de la société, acquis ou réalisés parfois depuis des décennies, lui a permis d’extérioriser plus de 2 milliards d’euros de profits. Quoi qu’en dise le rapport de la Cour, qui souligne l’importance de la contribution d’Icade dans les bénéfices de la Caisse (entre 16 % et 30 % selon les années), sa maison mère n’en a que peu profité. Elle a perçu à peine le quart des profits exceptionnels, tout le reste a été capté par des actionnaires privés.
Aujourd’hui, Icade s’est transformé en promoteur immobilier, aménageur de zones commerciales et de bureaux, promoteur de cliniques privées. Des métiers qui normalement ne relèvent pas de la sphère publique. Des métiers à risque aussi au moment où tout l’immobilier de bureaux est en train de se retourner. Icade se retrouve en difficulté dans plusieurs opérations de bureaux et d’aménagement.
Est-ce le rôle de la Caisse de soutenir de telles activités ? La présence de la Caisse des dépôts, comme actionnaire, ne constitue-t-elle pas un aléa moral, ne lui apporte-t-elle pas une garantie publique implicite pour des activités totalement privées ? La Cour des comptes réfute l’argument. La Caisse, assure-t-elle, n’a jamais apporté de financement privilégié à sa filiale. Mais elle reconnaît que plusieurs emprunts souscrits par Icade comportent des clauses de garantie spécifiant le maintien de la Caisse comme actionnaire de référence avec au moins 33 % du capital. Les créanciers veulent donc bien s’assurer de la présence d’une garantie explicite publique.
Icade ne devrait-il pas alors être totalement privatisé ? « Plusieurs raisons militent pour le maintien (d’Icade) dans le groupe CDC, au stade actuel », répond le rapport. « Une cession prématurée de sa participation dans Icade priverait la CDC d’importantes chances de plus-value à long terme », précise-t-il en se référant notamment aux opérations d’aménagements à Aubervilliers et à son rôle dans le projet du Grand Paris. C’est finalement la seule recommandation de la Cour des comptes sur toute cette ténébreuse affaire.
Dans les faits, l’espoir de plus-values à long terme risque de masquer les risques à court terme. Après avoir privatisé les profits, ce montage laisse la porte grande ouverte à la solution de socialiser les pertes, en cas de besoin.
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