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La Parisienne Libérée : «Les maisons mères indignes»

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LES MAISONS MÈRES INDIGNES


Paroles et musique : la Parisienne Libérée

Dans le consortium du déni
Il n'y a pas d’accident du travail
Des décès ? Jamais de la vie !
Et encore moins de funérailles

Quand les gens « tombent » sur un chantier
Quand une usine les ensevelit
On ferme le château à clef
Et on remonte le pont-levis

En cas de pépin, en cas de souci
Elles ouvrent grand le parapluie
Elles ne connaissent pas leurs victimes
Les maisons mères indignes

Certaines grandes compagnies
Ont la sous-traitance malheureuse
Et souffrent d'une épidémie
De filiales tueuses

Elles asservissent les migrants
Et font travailler des bambins
Laissant derrière elles des polluants
Quelques déchets, et puis plus rien

En cas de pépin, en cas de souci
Elles ouvrent grand le parapluie
Elles ne connaissent pas leurs victimes
Les maisons mères indignes

Toutes tartinées de charte éthique
Elles s’empiffrent de transparence
Pendant que leurs armées juridiques
Assurent l’attaque et la défense

Elles pratiquent l’évasion fiscale
Et cajolent leurs actionnaires
En haut des tours du capital
Cachées derrières des meurtrières

En cas de pépin, en cas de souci
Elles ouvrent grand le parapluie
Elles ne connaissent pas leurs victimes
Les maisons mères indignes

Citation
« Vinci dément toutes ces accusations (...) Une plainte pour travail forcé et réduction en servitude à l'encontre de Vinci a été déposée (...) Les travailleurs ont tous peur de "tomber" (...) L'envers du décor ce sont des milliers d'ouvriers privés de leurs droits fondamentaux, hébergés dans des conditions indignes et la plupart du temps privés de passeport. »

CONTEXTE

Les multinationales ne se contentent pas, grâce à l'évasion fiscale, de se dispenser d’impôt : elles refusent aussi tout simplement d'assumer la responsabilité civile et pénale de leurs activités. Pour cela, elles créent des filiales et ont recours à la sous-traitance, puis réfutent avoir donné des ordres quand une catastrophe humaine ou environnementale survient. Cela avait été le cas lors de l'effondrement du Rana Plaza, où des marques comme Auchan, Carrefour et Camaïeu ont tout fait pour nier leur implication.

Ce refus de responsabilité, très avantageux sur le plan financier, trouve son illustration sans ambiguïté dans le mail que Mediapart a révélé et dans lequel le Medef et l'Afep (association française des entreprises privées) écrivaient, le 7 avril 2014 : « Les entreprises seraient confrontées à de graves problèmes d’insécurité juridique et de compétitivité si la France adoptait une loi introduisant une présomption quasi irréfragable de responsabilité civile et pénale des sociétés mères et donneuses d’ordre, qui serait en contradiction avec les principes généraux qui gouvernent le droit français et en particulier le principe d’autonomie des personnes morales. »

C'était pourtant un engagement du candidat Hollande, qui avait écrit en avril 2012, dans un courrier à Amnesty International France : « Je souhaite que soient traduits dans la loi les principes de responsabilité des maisons mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l’étranger lorsqu’ils provoquent des dommages environnementaux et sanitaires. »

En deux ans, comme sur beaucoup d'autres sujets touchant aux questions sociales et environnementales, l'influence des organisations patronales a eu tout le loisir de s'exercer sur le gouvernement, au point que le projet de loi a failli être abandonné. La discussion et le vote ont finalement été programmés pour les 30 mars et 31 mars 2015, mais les députés ont largement minoré la proposition de loi initiale. Ce qui s'est finalement appelé un « devoir de vigilance des entreprises donneuses d'ordre » ne concernera qu'un nombre réduit d'entreprises et la preuve restera à la charge des victimes. Bref, en l'absence d'amendements significatifs, le risque est grand de se trouver face à une « vigilance » toute théorique.

Or l'enjeu consiste justement à transformer ce principe en obligations effectives, concrètes, en lui donnant un fondement juridique suffisamment solide pour permettre aux victimes et à des ONG de mettre les multinationales face à leurs responsabilités. En effet, sur le plan théorique, les multinationales sont tout à fait prêtes à se dire « vigilantes » et un groupe tel que Vinci affiche par exemple dans son « manifeste » des principes éthiques très appuyés : respect des chartes éthiques, croissance verte, zéro accident, égalité des chances...

Le "manifeste" du groupe industriel français VinciLe "manifeste" du groupe industriel français Vinci

Ces slogans contrastent fortement avec les informations que les ONG et syndicats ont recueillies sur le terrain, en particulier concernant les conditions de travail sur les chantiers du mondial 2022 au Qatar : logements non conformes à la réglementation, heures supplémentaires trop nombreuses, absence de protection adéquates, rétention de passeport par l'employeur. Afin de dénoncer cet écart manifeste entre principes et pratiques, l'association Sherpa a porté plainte le 24 mars dernier contre Vinci et sa filiale qatarie pour travail forcé, réduction en servitude et recel.

Dans un communiqué, Vinci s'est empressé de démentir et d'annoncer une contre-attaque juridique, en précisant : « Nous avons construit de nouveaux logements pour offrir en début d'année à nos ouvriers de meilleures conditions d’hébergement. » En début d'année ? La pression des ONG et syndicats aurait-elle pesé pour convaincre les employeurs de construire ces logements légaux et les obliger à rendre les passeports aux travailleurs ? L'enquête le dira sûrement, si toutefois elle est diligentée.

La documentation est disponible sous l'onglet Prolonger.

BOITE NOIRELes chroniques de la Parisienne Libérée sont placées sous licence creative commons pour les usages non commerciaux.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Après il sera trop tard


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