Les digues ne tiennent plus, elles ont été submergées. Face au succès du Front national attendu ce soir, à l'occasion du second tour des élections départementales, les frontières à droite tanguent déjà, quelques heures avant le dépouillement. Corinne Païocchi, présidente de l’UDI dans le Vaucluse depuis dix-huit mois, quitte le navire centriste. Vendredi 27 mars, à 11 heures, elle a adressé un courrier aux instances nationales de son parti pour annoncer son départ immédiat. « Si, demain, je dois me présenter à une élection en Vaucluse, je souhaite le faire avec le Rassemblement Bleu Marine. Je suis disponible, confie-t-elle à Mediapart. Rien en Vaucluse ne peut se faire sans le RBM. » En attendant, elle appelle à voter FN.
La droite, longtemps toute-puissante dans le Vaucluse, ne tient plus rien. Marie-Josée Roig, maire d’Avignon pendant dix-neuf ans, ne s’est pas représentée l’an dernier et a laissé un champ de ruines. En 2014, la cité des Papes a été remportée par la socialiste Cécile Helle, talonnée par le FN. Depuis, la droite républicaine ne parvient plus à sortir la tête de l’eau. Les désertions vers le camp frontiste ne vont pas arranger les choses. Le week-end dernier, deux dinosaures imbattables de la droite locale, Jean-Michel Ferrand et le sénateur Alain Dufaut, ont mordu la poussière dès le premier tour.
L’exemple le plus concret – et peut-être le plus surprenant – des ralliements politiques vers le parti d’extrême droite est celui de la présidente de l’UDI dans le département. Corinne Païocchi régnait depuis dix-huit mois seulement sur les troupes centristes. Chantre du fédéralisme européen et imperméable en façade au discours des Le Pen, la présidente luttait en vérité depuis plus d’un an pour ne pas succomber aux sirènes du FN, gage d’un carton plein électoral.
« En Vaucluse, on récupère le logo FN et on est sûr de récolter au minimum 35 % des voix. Même si vous êtes inconnus sur le territoire, vous êtes certains du résultat. Malheureusement, le FN, ici, c’est la certitude de compter dans un scrutin. Les gens ambitieux, sans scrupule, sans morale et sans idéologie affirmée partent vers ce parti sans hésitation », affirme un élu UMP, qui pense assister à des désertions en série dans son camp dans les prochains mois. Là où avec l’étiquette UDI un candidat parvient, en labourant le terrain et avec une patience de bénédictin, à récolter quelques voix, l’affiche FN permet d'engranger de nombreuses voix. Sans commune mesure.
Le départ de Corinne Païocchi pourrait, de fait, précipiter d’autres défections vers le FN. Des bruits de couloirs annoncent depuis des semaines l’attrait du Front national chez certains responsables de la droite vauclusienne qui ne savent plus comment s’en sortir électoralement près d’Avignon sans l’appui ou l’investiture d'extrême droite.
Si l’an dernier, lors de municipales catastrophiques pour l’UMP dans la cité des Papes, certains avaient été pris la main dans le sac en train de fricoter avec le parti de Marine Le Pen, ce printemps, la phase d’observation est terminée. La première à officialiser son ralliement est donc Corinne Païocchi : « Je ne suis plus du tout d’accord avec la ligne de ma direction, qui demande à faire barrage au FN en votant notamment à Avignon pour des socialistes et des communistes ; que l’on combat et que l’on traite de tous les maux depuis des années. Les électeurs ne comprennent plus. On se fait insulter sur les marchés par nos propres troupes. »
Et lorsqu'on lui demande pourquoi quitter l’UDI entre les deux tours, alors qu’elle aurait pu le faire avant, la responsable de l’UDI, qui a mis en place les binômes avec l’UMP pour ces élections départementales, réplique : « La volonté de notre direction nationale de faire un barrage au FN pour le deuxième tour des départementales, quitte à voter pour des socialistes et des communistes, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Je ne suis plus du tout d’accord avec cette ligne. Moi, j’appelle à voter pour le FN », poursuit Corinne Païocchi.
« Et puis attendez, il y a ici de nombreux élus de droite qui sont déjà au Front national, aujourd’hui la vraie droite est là-bas, c’est autour du Rassemblement Bleu Marine que l’on doit reconstruire avec les ruines de l’UMP et de l’UDI », poursuit-elle. Surprise d’être interrogée sur les divergences qu’il pourrait y avoir entre la droite et le centre, où elle a milité près de quinze ans, et le parti des Le Pen, Corinne Païocchi tranche : « Ils ont raison sur l’immigration, sur la sécurité, sur l’emploi, toutes les personnes que l’on rencontre ici pensent comme le Front national, le seul avenir en politique ne peut se faire qu’au FN. »
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