La justice est saisie. La Haute autorité de santé (HAS) a annoncé jeudi soir 26 mars à Mediapart avoir transmis au procureur de la République nos informations sur les relations d'affaires entre certains membres de la commission de la transparence et des laboratoires pharmaceutiques. La HAS demande que soient menées « les investigations nécessaires à l’établissement de la vérité sur l’ensemble des faits relatés, dont certains sont antérieurs à la création de la HAS en 2005 ».
La Haute autorité de santé a par ailleurs décidé de déclencher un audit interne sur les procédures d’évaluation des produits cités dans notre article, notamment le Seroplex (laboratoires Lundbeck) et le Cymbalta (laboratoires Lilly). Gilles Bouvenot, qui a présidé la commission de la transparence de 2003 à 2014, est nommément mis en cause par des dirigeants de laboratoires et par des membres du groupe d'amis avec lesquels il conseillait les laboratoires.
Depuis janvier 2005, la commission de la transparence est placée sous la tutelle de la HAS. La HAS rappelle donc que dès 2005, elle a mis en place des dispositifs de gestion des liens d’intérêts, avec des déclarations d'intérêts obligatoires, et qui se doivent d'être sincères et exhaustives. Toute personne (expert ou membre de la commission) ayant une situation potentielle de conflit d’intérêts, doit être écartée des débats et des votes.
Mercredi, la ministre de la santé Marisol Touraine avait réagi et réclamé une enquête. Elle avait expliqué à Mediapart que « si les faits rapportés sont exacts, ils sont inacceptables, et même d'une extrême gravité », estimant que « la transparence est une condition essentielle de la confiance dans notre système de santé ».
La ministre avait demandé « à l'ANSM [Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé] et à la HAS [Haute autorité de santé] de mettre en œuvre tout ce qui est en leur pouvoir pour faire la lumière sur ces affirmations ». Elle avait annoncé qu’elle « les réunirait prochainement pour faire le point avec elles ».
Mardi 24 mars, nous révélions en effet que Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence jusqu’en 2014, ainsi que d’autres éminents membres de sa commission ou de la commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments, ont secrètement conseillé contre rétribution, pendant près de 20 ans, des laboratoires pharmaceutiques sur la meilleure façon de présenter leurs dossiers afin d’obtenir les autorisations et les remboursements recherchés.
Mais depuis, à l’omerta qui règne dans le milieu, a succédé... le silence. Ni les laboratoires mentionnés, ni les principaux mis en cause, ni les agences qui ont la tutelle de ces commissions, n’ont démenti les faits relatés. La ministre estime donc, au vu de la gravité des faits et de ses possibles conséquences, que le monde du médicament ne peut pas se contenter de détourner le regard.
Sa réaction tranche avec celle de certains membres de ce groupe d’amis qui étaient à la fois consultants et décisionnaires et qui, lors de notre enquête, ont pour la plupart eu tendance à minimiser les faits, à défaut de pouvoir les contester. Gilles Bouvenot, aujourd’hui membre titulaire de l’Académie de médecine, explique par exemple que cela n’était pas grave d’avoir ce type d’activités lorsqu’il était vice-président de la commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments car « c’était un poste potiche ».
Reste à savoir les conséquences que les autorités tireront de ces liens cachés. Car au-delà de la responsabilité des individus, la mise en cause de ceux qui étaient censés garantir la probité du système sanitaire français pose la question des conséquences de leurs actes. Comment agir pour que ce type de comportements ne soient plus possibles à l’avenir ?
La ministre rappelle que depuis son arrivée, elle a mis en œuvre le décret dit « sunshine act », publié en mai 2013, et qui marque selon elle « une avancée majeure en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêts ». Sauf que ce décret ne va pas du tout assez loin selon des associations comme Anticor (association anticorruption) ou le Formindep (association de médecins indépendants). Et qu’à lui seul, il ne peut empêcher la délinquance en blouse blanche.
BOITE NOIREAprès l'annonce de la HAS qu'elle saisissait le procureur de la République, nous avons actualisé le papier publié mercredi.
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