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La réforme qui vise à corriger le collège

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Parce qu’il est le lieu où se révèlent toutes les difficultés de notre système éducatif, tous ses échecs, sa réforme est, de l’avis général, devenue impérative. Mais parce que le collège est aussi au cœur de tous les clivages sur l’école, notamment syndicaux, celle-ci n’a cessé d’être repoussée. Le bilan du fonctionnement actuel du collège est pourtant aujourd’hui sans appel.

Les faux-semblants du « collège unique », instauré en 1975 avec l’ambition de porter l’ensemble d’une classe d’âge à un même niveau de base, sont bien connus. Avec des filières d’excellence et des filières de relégation, par le biais d’options ou de dispositifs spéciaux, le collège est devenu une implacable machine à trier. La ségrégation scolaire et sociale, avec des établissements totalement ghettoïsés, y est très forte et 140 000 jeunes sortent chaque année du collège sans aucun diplôme.

Les résultats scolaires en français, maths et histoire des collégiens n’ont cessé de se dégrader ces dix dernières années. Pire, certaines études montrent que la proportion d’élèves en difficulté s’accroît nettement entre la 6e et la 3e. Ainsi quand la proportion d’élèves ne maîtrisant pas les compétences de base en français est de 12 % en CM2 , elle est de 25 % en 3. En maths, 9 % des élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux en CM2 contre 13 % en 3e (chiffres issus des enquêtes PISA). Le collège est aussi le lieu où la reproduction sociale est la plus marquée avec 95 % des enfants de cadre qui réussissent, ils sont 20 % de moins pour ceux qui ont un parent ouvrier.

C’est aussi au collège que la souffrance enseignante, souvent liée à des conditions de travail difficiles et à un fort sentiment d’impuissance face à des classes très hétérogènes, est la plus forte. De leur côté, les élèves disent, études après études, s’y ennuyer plus qu’ailleurs.

La loi de refondation de l'école avait renvoyé à plus tard l’épineuse question du collège qui divise, en effet, profondément le paysage syndical. Entre ceux qui y voient une préparation au lycée et sont très attachés aux disciplines, comme le Snes-FSU, majoritaire, et ceux qui considèrent qu’il est le prolongement de l’école primaire et doit permettre l’acquisition par tous d’un « socle commun » en fin de scolarité obligatoire, comme le SE-Unsa ou le Sgen-CFDT, le terrain est particulièrement miné.

Najat Vallaud-BelkacemNajat Vallaud-Belkacem © Reuters

Fruit d’un compromis entre des conceptions radicalement opposées, la réforme présentée ce mercredi, et qui entrera en vigueur à la rentrée 2016, ne bouleversera pas le fonctionnement actuel du collège mais apporte néanmoins de substantielles évolutions en matière d’autonomie pédagogique des établissements ou sur l’interdisciplinarité, et ce sans toucher aux horaires de chaque discipline.   

Principale nouveauté, 20 % des cours des collégiens seront désormais définis par le conseil pédagogique, c’est-à-dire le chef d’établissement et les enseignants. Aujourd’hui, ces marges d’autonomie sur les cours représentent 7 % des enseignements. Sans toucher aux horaires de chaque discipline, ces temps devront permettre de mettre en place des « heures d’enseignement pratiques interdisciplinaires ». Le dispositif consistera à faire travailler ensemble des enseignants de diverses disciplines sur un projet donné pour lequel ils définiront, en équipe, le contenu des cours. Ces projets interdisciplinaires devront s’inscrire dans huit thématiques : développement durable ; sciences et société ; corps, santé et sécurité ; information, communication citoyenneté ; culture et création artistique ; monde économique et professionnel ; langues et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures régionales et étrangères.

Pour le ministère, qui répond à une critique récurrente – notamment de l’OCDE – à l’égard de l’enseignement français, jugé trop théorique et excluant les élèves les plus fragiles, cette approche par projets interdisciplinaires doit permettre aux élèves de « comprendre le sens de leurs apprentissages en les croisant, en les contextualisant et en les utilisant pour réaliser des projets collectifs concrets ». Pour Najat Vallaud-Belkacem, qui a défendu ces « pédagogies plus actives », « la raison pour laquelle tant de collégiens disent qu’ils s’ennuient, c’est la passivité dans laquelle les laisse le fonctionnement actuel du collège ».

Alors que les enseignants au collège sont souvent isolés dans leur discipline, l’autre objectif affiché de la réforme est de développer chez les enseignants une culture du travail en équipe. 

L’autre grand axe de la réforme est la mise en place de « temps d’accompagnement personnalisés » pour tous les élèves. Sur le temps normal de cours, chaque élève de 6e aura ainsi trois heures consacrées à acquérir les méthodes nécessaires au collège : prise de notes, recherche documentaire, etc. Ces heures se dérouleront soit en petits groupes soit en classe entière. À partir de la 5e, et jusqu’en 3e, cet « accompagnement personnalisé » sera d’une heure minimum par semaine. Alors que la Cour des comptes a rendu récemment un rapport très sévère sur les multiples dispositifs d’accompagnement personnalisé mis en place ces dernières années, illisibles et trop souvent dévoyés, le ministère veut croire qu’en rendant ces heures obligatoires, leur finalité sera mieux respectée.

Alors que l’apprentissage de l’anglais débutera au CP, l’apprentissage d’une deuxième langue débutera en classe de 5e. Les classes européennes et les classes bilangues, souvent dénoncées comme étant une manière de regrouper ensemble les bons élèves, sont ainsi supprimées. « Pour améliorer le niveau en français, des éléments culturels et linguistiques des langues anciennes seront intégrés dans le programme de français » pour tous les élèves, indique le ministère, sans se prononcer sur l’avenir incertain du latin et du grec au collège.

Le brevet ne sera pas supprimé, comme l’avaient espéré ceux qui le jugeaient inutile, mais servira à évaluer la maîtrise du « socle commun de connaissances et de compétences », dont le nouveau contenu sera présenté dans les jours prochains. À cet égard, la ministre s’est félicitée de pouvoir mener, en même temps, la réforme du collège, des programmes, et celle de l’évaluation quand la succession de réformes non coordonnées a souvent abouti à un empilement de dispositifs parfois contradictoires entre eux.

Au chapitre des moyens, le ministère a précisé que 4 000 postes, parmi les 60 000 annoncés sur le quinquennat, seront consacrés à mettre en œuvre ces évolutions. Cela équivaut à moins d'un poste par établissement puisque la France compte quelque 7 000 collèges. 

Sur la question cruciale de la ghettoïsation de certains collèges, encore accrue par l’assouplissement de la carte scolaire décidée sous le précédent quinquennat, le ministère renvoie à un état des lieux qui va se dérouler « jusqu’en 2016 ». Il affiche néanmoins d’ores et déjà le principe d’élargir à plusieurs collèges la sectorisation pour mettre en place des mesures favorisant la mixité sociale.

« Nous sommes plutôt favorables à la philosophie portée par ce projet », indiquait en début de semaine Christian Chevalier, le secrétaire général du SE-Unsa. « Il va conduire les élèves à apprendre autrement et les enseignants à travailler différemment. Il y aura sans doute des récalcitrants au début chez les enseignants mais il vaut mieux avancer par la conviction et la pratique que par l’obligation bête et méchante », assure-t-il, faisant allusion au fait que les projets interdisciplinaires seront portés par les enseignants volontaires au sein des établissements. Au Snes, devant ces premières annonces, qui vont faire l’objet de discussions avec les organisations syndicales dans les prochaines semaines, on se montrait nettement plus dubitatif. « J’ai des interrogations sur ce que vont devenir sur le terrain ces grands principes », affirme ainsi la co-secrétaire générale du Snes Frédérique Rolet, qui craint des « mesures d’affichages. L’interdisciplinarité, c’est très bien, mais ce n’est certainement pas la solution miracle aux difficultés du collège ». Elle regrette, notamment, que la question du taux d’encadrement et donc du nombre d’élèves par classe, essentielle aux yeux du Snes, n’ait pas été évoquée.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Retour sur l’utilisation de Mumble


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