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Départementales: des cartes pour comprendre

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Faut-il se désintéresser d'élections départementales qui risquent d'être désertées par les électeurs – le taux de participation promet d'être d'à peine 50 %, ce qui aura des conséquences en cascade sur les résultat finaux ? À Mediapart, nous répondons non, bien sûr, et d'abord car de très faibles taux de participation sont le symptôme d'une profonde crise démocratique que nous ne pouvons ignorer.

Alors que la campagne officielle des élections départementales des 22 et 29 mars vient d'être lancée, la rédaction se mobilise et s'associe avec la start-up Liegey-Muller-Pons pour vous expliquer les enjeux des premières élections de l'année 2015 – il y aura ensuite les élections dans les 13 nouvelles régions, prévues pour décembre prochain.

À plusieurs titres, les élections départementales des 22 et 29 mars sont une échéance importante. Malgré la réforme territoriale en cours et la montée en puissance des régions, les départements, souvent menacés, existent toujours. Ils distribuent chaque année 34 milliards d’euros d’aides sociales, de l’allocation d’autonomie (APA) au RSA. Ils aident les communes pour leurs projets d'investissement. Ils s’occupent aussi des collèges et de leurs personnels techniques, et des routes. Manuel Valls et François Hollande avaient annoncé leur disparition programmée l'an dernier. C'est beaucoup plus flou désormais. La loi "Notre", qui fixe leurs compétences exactes, est encore en discussion au Parlement. Tout juste adoptée ce mardi 10 mars à l'Assemblée nationale en première lecture, elle ne sera pas votée avant les élections… Finalement, les départements devraient conserver l'essentiel de leurs prérogatives. Pour les candidats, cette incertitude est d'ailleurs un vrai casse-tête pour faire campagne, d'autant plus que nos concitoyens connaissent mal les prérogatives exactes des différents échelons administratifs.

© Vie-publique.fr


Ces élections vont également provoquer un réel renouvellement politique, et c'est assez rare pour être signalé. Grâce à une loi votée par l'actuelle majorité, la figure du vieux conseiller général élu depuis des lustres, à qui la mainmise sur son canton a permis de faire une longue carrière en politique, a peut-être vécu. Alors que les conseils généraux étaient plutôt peuplés de sexagénaires, voire de conseillers beaucoup plus âgés, les partis ont présenté des candidats rajeunis. Longtemps immuables, les cantons ont été redécoupés sur des bases démographiques et agrandis. Beaucoup de vieux briscards de la politique, voyant leur terrain de jeu perturbé (et le département perdre en influence dans la grande réforme territoriale en cours...), ont jeté l'éponge.

Pour la première fois en France, les nouveaux conseils départementaux seront intégralement paritaires, alors que les conseils généraux étaient, avec 13 % de femmes, les cancres de toutes les assemblées. Pour la première fois, c'est un ticket homme-femme qui sera élu dans chaque canton.

Le nombre de cantons a été divisé par deuxLe nombre de cantons a été divisé par deux © Ministère de l'intérieur

Cliquer ici pour afficher la carte des anciens et nouveaux cantons (site du ministère de l'intérieur, pdf)

Et là pour afficher la liste des candidatures dans les 2054 cantons français

 

Le scrutin départemental en quelques dessins ©Ministère de l'intérieurLe scrutin départemental en quelques dessins ©Ministère de l'intérieur

Bien sûr, des enjeux souvent très locaux sont au cœur de la campagne. Mais ces élections départementales, organisées le même jour dans les 2 000 cantons (jusqu'ici, les cantons étaient renouvelés par moitié tous les trois ans), auront aussi une puissante signification politique nationale.

Trois ans après l'élection de François Hollande, quelle sera l'ampleur de la défaite du PS, menacé par une abstention massive de ses électeurs de 2012 ? L'UMP arrive-t-il à séduire les électeurs de droite, ou est-il encore jugé inapte à gouverner ? À deux ans de la présidentielle, le FN, annoncé comme le grand vainqueur de ce scrutin, en partie grâce à la très forte abstention, arrivera-t-il à gagner des conseils départementaux ? Au "troisième tour", quand il s'agira d'élire les présidents des conseils départementaux, le parti de Marine Le Pen fera-t-il alliance avec des élus de droite, au risque de raviver le spectre des régionales 1998, quand plusieurs présidents de régions de droite avaient été élus grâce à des accords avec le Front national ? Avant les élections régionales de décembre prochain, cette élection marquera-t-elle un pas supplémentaire dans cette fusion entre le Front national et la droite, déjà à l'œuvre dans le sud-est ou le nord de la France ?

Pour la gauche, les enjeux sont considérables. Un nouveau cycle politique, incertain, s'ouvre. Même si l'ampleur de la bascule ne sera connue que le 29 mars au soir, la France des conseils départementaux, aujourd'hui majoritairement socialiste (et à la marge, communiste ou radicale de gauche) va basculer à droite. Après les municipales catastrophiques, où le PS a perdu la moitié de ses élus (qui sont souvent ses militants), ce sera un nouveau coup dur, en termes d'influence dans les territoires mais aussi, plus prosaïquement, de ressources financières. De la même façon que les victoires du PS aux élections départementales et régionales avaient bâti le socle de la victoire, à la présidentielle 2012, de l'ancien président du conseil général de Corrèze François Hollande (qui risque d'ailleurs de voir le département passer à droite), ces départementales, et les régionales de décembre (le PS détient 21 des actuelles régions sur 22 !) pourraient bien préfigurer une défaite socialiste en 2017.

Cliquer sur la carte pour afficher la couleur politique actuelle des conseils généraux :

Non représentés sur la carte : Guadeloupe (PS), Martinique (gauche), Guyane (indépendantistes), Réunion (UDI), Mayotte (gauche)

Dans la majorité, les hostilités devraient donc commencer dès le 29 mars au soir. Comme après les municipales de mars 2014, qui avaient précipité le départ de Jean-Marc Ayrault de Matignon – sauf que cette fois, différence de taille, le premier ministre, d'accord avec la ligne de François Hollande, n'est pas sur la sellette.

Côté PS, nous serons alors à dix jours seulement du dépôt des motions au congrès du PS de début juin. Plus la défaite aux départementales sera lourde, plus la bataille pour la ligne et la direction du parti s'annonce dure.

L'exécutif, les "pragmatiques" du PS et les partisans de François Hollande diront à coup sûr que rien ne doit changer : ni la politique menée, ni la ligne économique, ni les hommes, si ce n'est quelques réaménagements du casting gouvernemental.

Mais les contestataires, eux, vont donner très vite de la voix. Invité de Mediapart jeudi dernier, Christian Paul, un des chefs de file des "frondeurs" socialistes qui ont récemment poussé Manuel Valls à employer le 49-3 sur la loi Macron, a prévenu : « Comment peut-on construire un contrat de majorité qui permette, avec des préalables sérieux, avec un agenda des réformes sur 2015 et 2016, de repartir, sans vivre pendant deux ans la chronique d'une immense catastrophe annoncée pour 2017 ? C’est l’enjeu des prochaines semaines. (…) On peut se battre pour changer les choses maintenant. » 

À gauche du PS aussi, le rendez-vous des départementales est crucial. Écologistes comme candidats Front de gauche concourent à cette élection avec des combinaisons variées (parfois ensemble, parfois l'un ou l'autre avec le PS, parfois seuls). La question de l'alternative à gauche va très vite se reposer. « Il faut changer de cap et définir de nouvelles priorités, a lancé ce lundi 9 mars l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, dans Libération, appelant à nouveau François Hollande à changer de politique. Il faut sortir du cadre. Alors, soit les écologistes renoncent à transformer la société, acceptent le cadre actuel, et rien ne changera. Soit nous participons à l’émergence d’une nouvelle force politique, (…) culturelle, sociale et civique. Une nouvelle force politique va émerger. J’y œuvrerai. »

Pour toutes ces bonnes raisons, Mediapart a choisi de couvrir intensément ces élections départementales. En plus d'une couverture spéciale les dimanches 22 et 29 mars au soir, la rédaction se mobilise. Enquêtes, reportages, analyses… nous avons choisi une dizaine de départements tests, illustrant différents enjeux de la campagne : les Hauts-de-Seine (le reportage d'Ellen Salvi est déjà publié), où l'UMP sarkozyste n'a plus la cote ; le Pas-de-Calais, vieille "fédé" socialiste où le Front national grignote les mandats ; l'Oise et l'Aisne, autres départements de cette nouvelle région "Nord-Pas-de-Calais Picardie" que Marine Le Pen pourrait convoiter en décembre prochain ; le Finistère, marqué par la contestation des "Bonnets Rouges" ; l'Isère aussi, où le parti de gauche et les écologistes, qui ont remporté ensemble la mairie de Grenoble l'an dernier, comptent bien pousser leur avantage face au PS, etc.

Pour cette élection, nous avons noué un partenariat éditorial avec Liegey-Muller-Pons. Derrière ce nom très sérieux se cache en réalité une toute jeune start-up. "LMP", c'est l'histoire de trois Alsaciens (Arnaud Muller, Vincent Pons, Guillaume Liegey) aux têtes bien pleines : MIT pour l'un, Harvard pour l'autre, HEC pour le troisième. Militants à la section du parti socialiste de Boston, ils ont suivi et étudié la campagne de Barack Obama en 2008, avant de développer un modèle scientifique de mobilisation électorale inédit destiné à cibler les publics abstentionnistes dans les quartiers populaires. En 2012, ils ont participé à la campagne de François Hollande en formant les militants (retrouver ici les articles que Mediapart leur a consacrés). Ils sont revenus sur cette expérience dans un livre, Porte-à-Porte (2013), paru en 2013. Après la campagne, ils se sont notamment rendu compte que le porte-à-porte systématique et ciblé qu'ils ont organisé avait permis d'endiguer le score du Front national.

Très récemment, les trois amis ont créé leur agence de conseil en ingénierie électorale. Leur métier quotidien consiste à fournir aux candidats des outils logiciels pour les campagnes électorales (cartographie de l'électorat, gestion de la campagne, campagnes de "mailing" militants, etc.). Cette activité n'est évidemment pas notre affaire. En revanche, la mine de données électorales sociodémographiques brutes qu'ils ont récoltées ces dernières années permet de cartographier de façon originale les enjeux de la campagne. Dans l'article d'Ellen Salvi sur les Hauts-de-Seine, les équipes de Liegey-Muller-Pons ont ainsi fait apparaître la façon dont les listes divers droite sont en train de grignoter l'UMP sarkozyste :

Chute du vote UMP (violet) et progression du vote DVD (bleu) dans le 9-2 entre les européennes de 2009 et de 2014.Chute du vote UMP (violet) et progression du vote DVD (bleu) dans le 9-2 entre les européennes de 2009 et de 2014. © Liegey Muller Pons

Sur notre dizaine de départements tests, les journalistes de la rédaction ont donc demandé aux équipes de "LMP" de faire apparaître les données qui les surprennent ou leur paraissent particulièrement significatives, afin de prolonger les analyses de la rédaction. Entretien avec Vincent Pons, cofondateur de Liegey-Muller-Pons et professeur à Harvard :

Pouvez-vous nous décrire le métier historique de Liegey-Muller-Pons ? Comment avez-vous commencé à travailler sur la stratégie électorale ?
Liegey-Muller-Pons est une "start-up" de stratégie électorale, que j'ai fondée il y a deux ans avec Guillaume Liegey et Arthur Muller. Nous nous sommes rencontrés pendant la campagne de Barack Obama en 2008, puis nous avons dirigé la campagne de porte-à-porte de François Hollande en 2012. Nous proposons aux candidats et aux élus des outils fondés sur la science politique et l'"open data" (données numériques en accès libre) pour révolutionner leur manière de faire campagne.

Pourquoi travailler aujourd'hui avec des médias ? Comment rester indépendant dans cette activité d’analyse politique à destination des médias, alors que certains partis (PS, EELV) sont vos clients ?
Grâce aux outils et aux analyses que nous leur fournissons, les partis politiques peuvent intensifier et multiplier leurs contacts avec les citoyens. Cela leur permet de toucher les électeurs les plus éloignés de la politique, de les informer sur leurs propositions et de se mettre à leur écoute. Selon nous, c'est une condition nécessaire pour renforcer la démocratie. Travailler avec les médias est une façon complémentaire de toucher les citoyens, en les aidant à décrypter les enjeux des élections. Les données, notamment les résultats d'élections passées, sont au cœur de nos analyses, ce qui garantit leur objectivité et notre indépendance.
 
Pourquoi travailler avec Mediapart ? En quoi consiste votre collaboration avec nous ?
Dans le cadre de notre partenariat avec Mediapart, nous préparons une série de cartes qui représentent les résultats électoraux passés et les mettent en relation avec des données sociodémographiques, par exemple le taux de chômage, le taux de mobilité, ou le niveau de vie de la population. Notre ambition est de contribuer à sensibiliser tous les électeurs, et d'abord tous les lecteurs de Mediapart, aux enjeux des élections départementales.
 
Comment collectez-vous les données brutes ? Comment les exploitez-vous ensuite ?
La plus grande partie des données que nous utilisons sont des données publiques, ouvertes à tous. Notre travail consiste à collecter ces données, de sources multiples, à les nettoyer, les combiner, et les représenter sur des cartes. Ces cartes sont préparées par nos équipes grâce à la dernière version de notre logiciel "Cinquante Plus Un", qui nous donne une grande flexibilité dans le choix des données cartographiées. Nous pouvons tantôt représenter le parti arrivé en tête, commune par commune, à chaque élection, les scores réalisés par chacun des candidats, ou encore des données issues des recensements de l'Insee, etc. Les choix cartographiques que nous effectuons nous permettent de rajouter notre propre couche d'intelligence sur ces données brutes et de mieux comprendre les évolutions électorales récentes.

Des liens supplémentaires sur les départementales sous l'onglet "Prolonger"

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Retour sur l’utilisation de Mumble


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