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Assistants du FN: ce qu'a écrit le parlement européen à Taubira

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Le parlement européen a alerté lundi 9 mars la ministre de la justice française sur « une possible utilisation frauduleuse de fonds européens » concernant 20 assistants du Front national à Strasbourg, et des soupçons d'emplois fictifs pour certains. Dans une lettre envoyée lundi à Christiane Taubira, que Mediapart a pu consulter, le président de l'institution liste d'éventuelles irrégularités financières et « (s') engage à transmettre tout document aux autorités compétentes en France qui permettrait de vérifier si cette utilisation de l'argent public européen ne contrevient pas aux lois de la République française ». Il s'inquiète de « l'ampleur » des « constatations qui touchent un parti politique français de premier plan ».

Lundi soir, Le Monde révélait que le président du parlement Martin Schulz avait saisi l'Olaf, l'office européen anti-fraude, et évoquait son courrier adressé à Christiane Taubira.

Dans cette lettre, le président Schulz, un social-démocrate allemand, s'« engage à transmettre à l'Olaf tout document sur une possible utilisation frauduleuse de fonds européens, en l'occurrence de salaires versés à des assistants qui ne compenseraient pas un travail effectif pour le Parlement et pourraient financer de façon indue les activités d'un parti politique ».

Les services du parlement européen ont croisé le nouvel organigramme du Front national – rendu public le 19 février –, avec la liste des eurodéputés et assistants frontistes. Résultat: sur les 82 personnes occupant des fonctions officielles dans l’organigramme, 16 sont des députés européens et 20 sont des assistants d’eurodéputés. Or, la rémunération des assistants par le parlement européen est très encadrée. Le règlement interne à l'institution précise que les salaires versés aux assistants « ne peuvent servir directement ou indirectement à financer des contrats établis avec des groupes politiques du Parlement ou des partis politiques ». 

L'organigramme du Front national, annoté par le parlement européen avec les 20 assistants d'eurodéputés frontistes.L'organigramme du Front national, annoté par le parlement européen avec les 20 assistants d'eurodéputés frontistes. © PE / Mediapart

Mais, d'après le décompte de l'institution, pas moins de 19 assistants locaux du FN ont conclu un contrat de travail avec leurs députés respectifs, qui donne l'adresse du siège du FN, à Nanterre, comme lieu d'exécution du contrat de travail. De plus, pour dix d'entre eux, « la description de leur fonction contractuelle avec le député diffère en tout point de la nature des fonctions détaillées dans l’organigramme du Front national ou sur le site internet du parti ». Autre difficulté relevée par Martin Schulz : « Certains assistants ne travaillent pas pour le député auquel ils sont liés par un contrat de travail. »

Les services du parlement se sont même livrés à une projection, à partir des grilles salariales mensuelles fixées pour les assistants européens. « La masse salariale globale des 20 assistants parlementaires représente 1 500 000 euros par an, ce qui représenterait 7 500 000 euros pour la totalité de la législature en cours », lit-on dans le document.

« Compte tenu de la sensibilité et de l'ampleur de ces constatations qui touchent un parti politique français de premier plan ainsi qu'une délégation importante de députés français au Parlement européen, j'estime qu'il est de mon devoir de vous en informer directement », écrit le président du parlement. « Étant donné le non-respect possible des dispositions de la loi relative à la transparence financière de la vie politique, je tenais également à vous assurer que je m'engage à transmettre tout document aux autorités compétentes en France qui permettrait de vérifier si cette utilisation de l'argent public européen ne contrevient pas aux lois de la République française. »

Au parlement européen, chacun des 751 élus dispose d'une enveloppe maximale de 21 000 euros par mois, pour employer des assistants. Certains sont « accrédités » (leur nombre peut aller jusqu'à trois), et travaillent entre les murs du parlement, à Bruxelles et Strasbourg. D’autres sont des assistants « locaux », qui travaillent pour le député dans la circonscription locale et leur contrat obéit au droit de l'État membre dont est originaire l'élu. La majorité des 20 collaborateurs pointés du doigt par le parlement européen sont des assistants « locaux ».

Lundi soir, la présidente du FN a réagi elle-même sur Twitter:

De même que Florian Philippot :

À l'issue des élections européennes, en mai 2014, le Front national était arrivé en tête du scrutin et avait remporté 23 sièges à Strasbourg. Dans la foulée, il avait recruté 42 assistants censés travailler sur les dossiers européens avec leurs élus.

Mediapart avait alors enquêté sur le « business » des assistants des eurodéputés au parlement européen et raconté comment l’enveloppe du parlement permet de soulager les finances des partis en employant leurs cadres ou militants comme assistants (lire notre enquête). En France, le Front national est la formation qui a poussé la logique le plus loin, rémunérant au parlement nombre de ses cadres et dirigeants. Le parti s’était ainsi constitué une importante cagnotte (lire notre enquête).

Sous la législature précédente, deux cas frontistes avaient déjà attiré l’attention du parlement européen : les deux vice-présidents du FN, Louis Aliot et Florian Philippot. Marine Le Pen les avait embauchés comme assistants « locaux » au parlement européen en pleine campagne électorale. Louis Aliot et Florian Philippot furent en effet, pendant la campagne présidentielle, les deux directeurs de campagne de Marine Le Pen, mais aussi les deux porte-parole du FN lors des législatives.

Comme Mediapart l’avait révélé, les services financiers du parlement européen avaient demandé des explications à Marine Le Pen à l’été 2012. Ils s'étaient notamment intéressés au cas de Louis Aliot, compagnon de la présidente du FN, salarié depuis 2011 plus de 5 000 euros en brut par mois, pour un temps partiel. Le parlement avait choisi de classer l'affaire, jugeant que Marine Le Pen profitait d'un certain flou juridique concernant la catégorie des assistants parlementaires « locaux ». Après la publication de notre article, la présidente du FN avait rétorqué qu'« aucune situation de conflit d’intérêts n’existe dans les contrats la liant à ses assistants parlementaires ».

BOITE NOIREMise à jour: cet article a été actualisé le 10 mars à 17h15.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Retour sur l’utilisation de Mumble


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