Quantcast
Channel: Mediapart - France
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Affaire Morelle : pourquoi la justice classe l’affaire

$
0
0

Aquilino Morelle serait donc une victime. C’est en tout cas la manière dont il présente les choses dans Le Parisien, après que le parquet national financier a classé sans suite l’enquête le concernant pour prise illégale d’intérêts. L’ancien conseiller politique de François Hollande, également en charge de sa communication, avait démissionné le 18 avril dernier suite aux révélations de Mediapart sur ses différents abus à l’Élysée et sur ses liens cachés avec l’industrie pharmaceutique.

En dehors de son comportement à l’Élysée (qui ne relevait pas du judiciaire), l’enquête a pourtant établi la réalité des faits : Aquilino Morelle a travaillé pour le laboratoire danois Lundbeck fin 2007 alors qu’il était inspecteur à l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales). Ce type d’activité parallèle est formellement interdit, sauf autorisation spécifique, par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 sur les obligations des fonctionnaires, qui leur interdit « d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ». Or, contrairement à ce qu’il avait déclaré dans un premier temps, Aquilino Morelle n’a jamais demandé l’autorisation nécessaire. Probablement car comme nous l'avait expliqué son chef de service de l'époque, cette autorisation ne lui aurait pas été accordée.

Le parquet national financier, en charge de l’affaire, considère donc qu’« Aquilino Morelle a enfreint les règles déontologiques sur plusieurs points ». Il estime cependant que « l’infraction est insuffisamment caractérisée ». En l’état, les manquements ne relèvent pas du délit : « Il faut distinguer la sphère disciplinaire de la sphère pénale. »

Le parquet a considéré que la situation d’Aquilino Morelle ne pouvait relever de la prise illégale d’intérêts car « il n’appartient pas à l’IGAS de surveiller les laboratoires privés » (le terme de « surveillance » apparaît dans l’article 432-12 du code pénal). 

Dès lors, peu importe qu’Aquilino Morelle, tout en travaillant pour Lundbeck, ait eu pour mission d'auditer les politiques publiques de santé et du médicament, ou qu'il ait écrit des rapports sur l’industrie pharmaceutique en général, pouvant ainsi avoir une influence sur les laboratoires en particulier.

Comme il importe peu, visiblement, que pour le compte de l’IGAS, il ait coécrit, en 2010, un rapport sur le Mediator, qui s’intéresse presque autant au laboratoire Servier, qui fabrique le médicament, qu’à l’administration française. Un exemple qui montre que dans les faits, l’activité des labos n’échappe pas, même indirectement, à la vigilance de l’IGAS.

Bien évidemment, dans sa communication, Aquilino Morelle ne s’embarrasse pas de ces détails. Les faits sont établis ? Il n'en a rien à cirer. Il se dit « lavé de toutes les allégations mensongères », « sûr de sa bonne foi et de son honnêteté ». La double activité qu’il n’a jamais déclarée ? « Un simple oubli. » Ses leçons de morale à l’époque du Mediator sur les liens d’intérêts que les médecins se devaient absolument de déclarer ? Il ne lui est même plus demandé de se justifier, en dépit d'une carrière cachée dans les années 2000 auprès des laboratoires. Quant aux raisons de sa chute ? Il n'en a pas fini avec ses fantasmes sur les raisons de notre enquête, et notamment « l’amitié qui le lie à Valls » qui aurait conduit certains à se venger, réjouissant par là-même « des puissances industrielles »...

Aquilino Morelle caresse ainsi l’espoir de revenir en politique. Et cela est d’autant plus envisageable que l’IGAS rechigne à le sanctionner. Près d’un an après la révélation des faits, Aquilino Morelle n’a non seulement toujours pas écopé d’une quelconque punition. Mais il a en fait repris du service.  

Comme nous l’avons déjà raconté, la procédure prévoit en effet qu’une sanction doit être prise par l’autorité qui l’a officiellement nommé à ce poste, à savoir le président de la République. Or l’IGAS cherche à éviter à François Hollande d’avoir à taper une nouvelle fois sur les doigts de celui qui, quand il ne se faisait pas cirer les chaussures au beau milieu du salon Marigny, partageait nombre des secrets du président. Un décret a donc été un temps tout spécialement pensé pour que François Hollande n’ait pas à agir de la sorte, au grand dam des syndicats de ce corps d’inspection. Mais aujourd'hui, la procédure semble au point mort.

Aquilino Morelle compte décidément beaucoup de talents. Dont celui de savoir passer entre les gouttes.  

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : SteamOS pousse les jeux à venir sous Linux


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Trending Articles