Ce jour de décembre 2011, à cinq mois de la présidentielle, Nicolas Sarkozy se fait le VRP de son bilan économique à l’Élysée. « C'est une véritable révolution qui a commencé, vend-il aux 5 000 militants UMP réunis à Toulon. Pour les rémunérations des traders, pour les paradis fiscaux, pour les banques, rien ne sera plus comme avant ! » Coût de ce meeting supporté par le candidat Sarkozy ? 2 798 euros seulement.
Sous prétexte qu'il n'était pas encore officiellement candidat et qu'il s'exprimait en chef de l'État, l'Élysée avait réglé toute la facture à sa place, alors que Nicolas Sarkozy aurait dû inclure ces dépenses dans son compte de campagne. C'est d'ailleurs cette « irrégularité », identifiée par le conseil constitutionnel, qui lui avait valu le rejet de son compte en juillet 2013 (entre autres abus).
Mais alors qu'une enquête préliminaire a été ouverte en octobre 2013 sur de possibles faits de « détournements de fonds publics », la justice a classé le dossier sans suite fin décembre 2014, d'après des informations obtenues par Mediapart. C’est un simple citoyen, Raymond Avrillier, qui avait saisi le parquet de Paris.
Au terme des investigations menées par l'Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales de la police judiciaire, le parquet national financier, qui avait récupéré la procédure, estime aujourd'hui que l’infraction de détournements de fonds publics n'est « pas caractérisée », faute d'« élément intentionnel démontré ».
Les magistrats ne contestent pas que Nicolas Sarkozy s'est comporté ce jour-là davantage en candidat qu'en président, vu le nombre de phrases consacrées aux enjeux électoraux plutôt que régaliens. Ils ne contestent pas non plus que Nicolas Sarkozy aurait dû rembourser, après coup, une partie des frais à l'Élysée.
Mais l'équipe du candidat a fait valoir aux enquêteurs qu'elle avait bien tenté – malheureusement sans succès – de défrayer la présidence. Surtout, le parquet n'a trouvé aucun élément susceptible de démontrer que le président Sarkozy aurait planifié son discours de Toulon avec l'intention préalable de lui conférer un caractère électoral. Subtile ligne de crête.
L'« irrégularité » constatée vis-à-vis du code électoral, définitivement jugée par le conseil constitutionnel, n'implique donc pas forcément la commission d’une infraction pénale.
L'actuel patron de l'UMP semble ainsi débarrassé de cette épine dans le pied – bien qu'un élément nouveau puisse toujours conduire à la réouverture du dossier. Après son non-lieu dans l'affaire Bettencourt, il va devenir difficile pour l'ex-président de jouer sa rengaine victimaire sur l’instrumentalisation de la justice à ses dépens.
Pour rappel, le conseil constitutionnel avait tout de même évalué les frais du meeting de Toulon à 155 715 euros, « qui auraient dû figurer au compte de campagne » – candidature officialisée ou non. Aux yeux des « Sages », le caractère électoral de la réunion ne faisait aucun doute, malgré les dénégations de l'équipe Sarkozy, « compte tenu de l'implication de l'UMP dans cette manifestation, de l'ampleur du public convié comprenant notamment des adhérents et sympathisants de l'UMP, des modalités d'aménagement des locaux et des moyens de communication déployés ». Un pur meeting de campagne.
En laissant l'Élysée supporter ces dépenses, Nicolas Sarkozy avait donc enfreint la loi électorale, aux yeux du conseil constitutionnel : celle qui interdit aux candidats de faire financer leur campagne par une personne morale (ici l'État).
En première instance, la commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP) s’était même montrée plus sévère encore que les « Sages », puisqu’elle avait estimé qu’en plus de Toulon, sept autres meetings de Nicolas Sarkozy antérieurs à sa candidature officielle auraient dû être financés par l’argent du candidat plutôt que par l’Élysée. De combien le contribuable avait-il été lésé ? Impossible à évaluer. En effet, jamais l’équipe de Nicolas Sarkozy n’a daigné répondre à la commission sur le montant des dépenses irrégulièrement engagées dans ces meetings-là.
Outre les irrégularités liées aux réunions publiques, le citoyen Raymond Avrillier avait d’ailleurs signalé d’autres bizarreries au parquet de Paris. Par exemple, comment comprendre que le candidat Sarkozy n’ait officiellement commandé ni réglé aucun sondage de sa poche ? Durant sa campagne, l’Élysée avait continué de payer ses sondeurs préférés, aux seuls frais du contribuable…
Ces objections sont désormais balayées. Nicolas Sarkozy reste bien évidemment menacé par deux informations judiciaires en cours visant le financement de sa campagne présidentielle : celle qui porte sur les fausses factures de Bygmalion et la dissimulation de 17 millions d’euros de frais de meeting. Et celle qui porte sur les pénalités financières infligées à Nicolas Sarkozy en personne par le conseil constitutionnel mais réglées par l’UMP, qui devrait lui valoir une convocation rapide chez les juges d’instruction.
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