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Alain Claeys (PS) : « En matière de fin de vie, il faut une loi en faveur des malades »

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À la fois trop et pas assez… Le projet de loi sur la fin de vie, rapporté par Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP), est d’abord celui d’une recherche de consensus. Passé en commission la semaine dernière, et présenté à l'Assemblée à partir du 10 mars, il ne veut effaroucher personne. Ni ceux qui s’opposent à toute idée d’euthanasie, ni ceux qui la réclament. Il est donc très prudent, mais revendique l'ouverture de nouveaux droits.  

Parmi ces droits, les « directives anticipées ». Cette disposition donne lieu à des débats intenses. Ces directives écrites que chacun pourra rédiger figuraient déjà dans la loi Leonetti, mais elles deviendraient un droit opposable. Elles dicteraient aux médecins la décision à prendre aux abords de la fin de vie. Un principe écrit noir sur blanc, mais qui ne dit rien de la clause de conscience qu’un médecin pourrait brandir pour refuser les « directives ».

Dès le début de l'entretien, Alain Claeys défend la nécessité d'une nouvelle loi : « Il y a face à la mort une inégalité insupportable, souligne-t-il. Inégalité territoriale, inégalité en fonction des établissements. Plus de 51 % de nos concitoyens meurent aux urgences. Il y a très peu de soins palliatifs à domicile, dans les maisons de retraite, ils sont quasiment inexistants, et dans les CHU et hôpitaux, cela dépend de la taille des établissements. Même pour l’accès aux soins palliatifs, il y a une injustice totale. La deuxième certitude, c’est que nos médecins ne sont pas suffisamment préparés, et nous demandons une formation spécifique aux soins palliatifs dans les études de médecine ».

Ce constat n’est contesté par personne, mais les problèmes commencent dès qu’on aborde le cœur de la loi. À force de chercher le consensus, est-ce qu’on ne renvoie pas dos à dos ceux qui s’opposent à toute idée d’euthanasie, et ceux qui pensent au contraire qu’il faut aller vers le suicide assisté ?

Réponse d’Alain Claeys : « Ces deux tendances existent, mais repartons toujours de la préoccupation de nos concitoyens. Ils disent deux choses : on veut être entendu, et on veut, pour nous-mêmes et nos proches, une fin de vie apaisée et digne. »

Relance de Mediapart : « Certes, mais il y a un clivage. Est-ce qu’à force de consensus, vous ne risquez pas d’édulcorer votre texte ? »

« Il y a ce risque, dit Alain Claeys, et je ne veux pas préjuger de ce qui va se passer à partir du 10 mars à l’assemblée nationale. On va mettre les choses à plat : il y a des députés, y compris socialistes, qui voudraient qu’on aille plus loin, avec des amendements sur l’euthanasie ou le suicide assisté. De l’autre côté, il y a des députés qui disent on va trop loin. Tout cela, je l’ai en tête. Mais qu’avons-nous souhaité ? Nous avons souhaité, par rapport aux demandes de nos concitoyens, qu’on leur apporte de nouveaux droits. Prenons l’exemple des “directives anticipées”, c’est-à-dire, à un moment de sa vie, écrire “en fin de vie je souhaite telle et telle chose”. Jusqu’à présent, ces directives ne s’imposaient pas aux médecins. Dans notre proposition, elles s’imposeront. »

Mediapart : Vous ne pouvez pas retirer aux médecins le droit professionnel et éthique de donner leur avis…

Alain Claeys : C’est vrai… Il y a un dialogue singulier entre le patient et le médecin, entre la famille et le médecin… Il n’est pas question de supprimer ce dialogue singulier, qui est utile (...). Mais au-delà de cette réalité, ces directives anticipées doivent pouvoir s’imposer au médecin.

Mediapart : Elles « doivent pouvoir » mais il est possible qu’elles ne s’imposent quand même pas... Ce n'est pas du François Hollande, cette recherche d’un consensus qu’on ne trouve jamais ?

Alain Claeys : La proposition de loi est claire. C’est écrit noir sur blanc et je n’aurais pas accepté autre chose. La directive anticipée s’impose au médecin. Si c’est du François Hollande, c’est une mesure volontaire et extrêmement claire.

Mediapart : Mais que se passe-t-il si un médecin, dans sa conviction, dit à la famille que non… Que ce n’est pas le moment…

Alain Claeys : Ce que vous évoquez là, c’est la clause de conscience. Dans le travail en commission, on a abordé ce sujet. Nous considérons que la clause de conscience ne se pose pas. Mais il y a des membres de la commission qui n’ont pas le même avis. J’ai donc proposé que la commission puisse auditionner le Conseil de l’ordre des médecins. Il faut que l’Ordre prenne sur ce sujet des positions très importantes. Je suis convaincu qu’il ne demandera pas que la clause de conscience puisse jouer, mais c’est vrai, il y a un débat…

Ainsi, après des mois et des mois de réflexion, après le rapport des députés Claeys et Leonetti, inspiré par le travail du comité consultatif national d’éthique, et après la consultation de douze mille internautes, un nouveau rendez-vous est désormais fixé, cette fois avec l’Ordre des médecins...

En toute fin d’entretien, le très prudent Alain Claeys finira tout de même par lâcher sa préférence : « Bien sûr que j’ai des doutes… Toute fin de vie est une fin de vie singulière. Mais j’ai une conviction : on a fait trop de lois pour les médecins. Nous disons aujourd’hui qu’il faut une loi en faveur des malades. »

Retrouvez nos précédentes émissions ici

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