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A Reims, exclusions et refus d’adhésions rythment l’avant-congrès du PS

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Reims n’est définitivement pas synonyme de socialisme heureux et transparent. Après avoir accueilli en 2008 un congrès marqué par des fraudes en tous genres, le chef-lieu champenois voit aujourd’hui le PS local se déchirer. Dans la foulée des municipales perdues par la gauche dans la ville, et dans l’optique du futur congrès de Poitiers (en juin), 128 adhésions n’ont pas été enregistrées par la fédération du parti.

Celles-ci, réalisées par Internet depuis 2011, sont restées « en attente de validation », faute de convocation des nouveaux adhérents à se présenter dans les sections. Or, selon les statuts, si cette convocation n’est pas envoyée, les adhérents le deviennent de droit, ainsi que le font valoir la conseillère générale Sabrina Ghallal et Moussa Ouarouss, chefs de file des courants Un monde d’avance (proche de Benoît Hamon) et Maintenant la gauche (proche d’Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann).

Sabrina GhallalSabrina Ghallal © capture d'écran Facebook

Le refus par les dirigeants de la fédération, proches de l’ancienne maire Adeline Hazan (nommée depuis contrôleure générale des prisons) et des amis de Martine Aubry, de reconnaître ces adhésions a peu à peu vu la situation dégénérer, sur fond de règlement de comptes post-défaite municipale. Sûrs d’avoir les statuts pour eux, les militants radiés ont protesté à plusieurs reprises, allant jusqu’à occuper la fédération et « séquestrer » les permanents, le 1er décembre dernier, selon le premier fédéral, Nicolas Marandon. Ce « traumatisme », ajouté au fait que deux jours plus tard, le local d’un vote militant se soit retrouvé cadenassé, l’ont décidé à lancer contre ces militants une procédure d’exclusion devant la commission des conflits de la fédération.

Celle-ci a décidé le 31 janvier, en l’absence des intéressés ayant refusé de s’y présenter, d’exclure définitivement Sabrina Ghallal et l'un de ses proches, Adem Isik. Deux autres militants (Moussa Ouarouss et Ambre Perriguey) sont exclus pour un an et l’ancienne présidente locale de SOS-Racisme (Tiguda Diaby) a reçu un blâme. Autant de sanctions qui ont été signifiées par huissier aux intéressés, la veille des votes d’investiture aux départementales, où les exclus étaient candidats (et n'ont finalement pas participé aux scrutins). Les sanctionnés ont néanmoins trente jours pour faire appel.

Afin de « ne pas envenimer davantage les choses », explique le premier fédéral à Mediapart, il a été décidé dans un premier temps de ne pas présenter de candidats en interne face à Sabrina Ghallal, bien que celle-ci soit exclue. Celle-ci a donc été investie ce jeudi par les militants, avant que ne lui soit retirée ce vendredi l’étiquette PS, la laissant donc candidate “divers gauche”. « Nous avions un accord politique, dit Marandon. On ne présentait pas de candidat contre elle et elle n’en présentait pas contre mes candidats. Or ce n’est pas ce qui s’est passé. Je n’ai aucune volonté de l’évincer, sinon j’aurais fait le nécessaire s’il avait fallu… »

En revanche, il assume le refus d’intégrer les cartes de ses opposants internes. « On m’a sorti du chapeau des cartes tout à fait bidons, explique-t-il. Quand vous êtes une fédération de 800 adhérents et qu’on vous sort autant de cartes, avec des adhésions le même jour, à la même heure, avec le même ordinateur ou la même carte de crédit… Je tiens bien à préciser que ces adhésions n’ont pas été radiées, mais jamais enregistrées. Et jusqu’à il y a peu, on n’avait pas reçu de coups de fil des 128 adhérents pour s’alarmer de ne pas avoir été convoqués. »

Sabrina Ghallal ne partage pas cette version. Ancienne de l’UNEF, entrée en politique lors de la mobilisation contre le CPE, en 2005, elle raconte longuement ses difficultés au sein du PS, son refus de se présenter aux côtés d’Adeline Hazan aux municipales de 2008, puis son élection au département en 2009 qui fait d'elle alors la plus jeune conseillère générale de France, et son opposition aux projets de la maire socialiste, notamment sur la reconversion d’une base aérienne militaire en “aéroport d’affaire”.

Elle conteste toute « séquestration » des permanents, et être à l’origine du cadenassage du lieu de vote. « On avait prévenu la presse le matin qu’on allait faire une chaîne humaine devant le local. Le vote a été annulé une heure et demie avant. On aurait été débile d’y mettre un cadenas… »  « On est dans une situation ubuesque, s’indigne-t-elle, où on m’exclut tout en me laissant seule candidate et en m’investissant, puis où on me retire mon investiture alors même que j’ai trente jours pour déposer un recours contre mon exclusion. » « Furax », elle entend désormais « aller au bout de (son) engagement » et se « battre vraiment contre ce signal envoyé à ceux qui veulent s’investir sans être du sérail ».

De quel signal parle-t-elle ? « Les jeunes issus des quartiers, on n’est bien que quand on colle et on distribue des tracts, mais pas pour être candidat ou perturber les équilibres internes du parti, s’agace-t-elle. Nous, on n'est pas des alimentaires. Moi j’ai un bac +5 et je donne des cours à la fac. On ne jongle pas d’un poste de permanent à un poste d’attaché parlementaire à un poste de collaborateur de cabinet. Dès que certains veulent briser cet entre-soi, on les dégage. » « L’accusation de racisme est de l’ordre du point Godwin, réplique Nicolas Marandon. Je défends des candidats d’Afrique noire, des candidats d’origine algérienne… On peut jouer à ça, mais ça détourne des désaccords politiques. »

Sabrina Ghallal est aussi très remontée sur son implication présumée dans une affaire de mariage blanc entre une de ses amies et un militant de la CGT, pour laquelle une information judiciaire a été ouverte et où elle se retrouve mise en examen (lire ici). « J’ai subi 34 heures de garde à vue, ma mise en examen est purement technique, les policiers m’ont dit qu’aucune charge n’était retenue contre moi », dit-elle posément, avant de soupçonner certains de ses « camarades » d’avoir manœuvré pour la disqualifier (lire ici).

« On m’a dit que je ne pouvais pas me représenter après avoir fait une garde à vue, on laisse courir le bruit que je suis une “folle furieuse”, une organisatrice de mariage blanc », déplore-t-elle.

Lors des réunions au bureau national des adhésions, rue de Solférino, où le cas des cartes non enregistrées a été par trois fois examiné sans être réellement tranché, certains auraient parlé d’« entrisme communautaire » ou de gens qui « ne parlent même pas français »… Le président de SOS-Racisme, Dominique Sopo, a été alerté. Contacté, il se dit « stupéfait » de la situation : « De ce que je connais de l’histoire, entre la violation grossière des règles et les propos jetant la suspicion sur l’origine des gens, c’est assez atterrant. Au PS comme dans beaucoup d'autres partis, l’accusation d’entrisme communautaire ne survient jamais quand il s’agit de paquets de cartes avec des noms bien de chez nous. »

À l’intention de la direction du PS, il adresse le message suivant : « L’antiracisme de dame patronnesse, c’est bien. Mais l’antiracisme, c’est aussi l’égalité et le partage. Et notamment le partage du pouvoir. »

Remontée au “national”, l’affaire provoque des secousses internes, alors même que l’imminence du congrès tend les relations, et notamment le fait que la liste du corps électoral militant n’a toujours pas été arrêtée et communiquée (elle devait l’être ce samedi). « La fédération de la Marne va se jouer à une centaine de voix, dit Marie-Noëlle Lienemann. C’est une volonté délibérée du national, avec des méthodes inquisitoriales : les règles s’appliquent selon qui vous êtes et où vous êtes. » Roberto Romero, représentant de Benoît Hamon dans les instances internes, entend « rester sur la question du viol des statuts, les individus se défendant sur le fond et faisant valoir leurs droits ». À ses yeux, « cette décision de refuser cette centaine de cartes est inacceptable, car elle ouvre la porte à l’arbitraire. On ne peut pas accepter qu’une majorité fédérale décide elle-même de son corps électoral. En termes de droit, c’est complètement inique ».

Joint par Mediapart, Christophe Borgel tempère nettement l'ambiance. Secrétaire national aux élections et lieutenant de Jean-Christophe Cambadélis, il parle d’une « situation locale compliquée depuis les municipales » et de « problèmes depuis longtemps avec un petit groupe de gens qui viennent en force, séquestrent des permanents et cadenassent un local ». Il nie aussi tout lien avec le congrès à venir. « Depuis huit mois, on a dû annuler environ 2 000 cartes, et ça touche tous les courants. Le congrès ne va pas se jouer sur cette centaine de cartes. Sur lesquelles, en plus, il n’y en aurait eu que quarante qui seraient venus voter. » Et de marteler : « Il n’y a pas un parti plus transparent sur ses adhésions que le PS. »

Sur la situation champenoise, Borgel « assume totalement d’avancer pas à pas » et estime que « le premier fédéral fait ce qui est juste et conforme à ce qu’il faut faire politiquement ». Et de minimiser : « C’est la vie politique. Le problème, c’est quand ça se fait au détriment de l’intérêt général. » Avant de conclure : « Le sujet là-bas, c’est comment solidifier le PS dans une zone de reconquête où le FN fait la course en tête. Ce sont des types d’endroit où il faut être attaché plus qu’ailleurs à un cheminement collectif. Moi, je n’ai jamais fonctionné sous la contrainte. Parfois, il faut accepter d’être minoritaire. »

En tout état de cause, Borgel dit « savoir quels sont les dirigeants sur lesquels on peut s’appuyer et reconstruire pour demain ». Et visiblement, il ne s’agit pas de Sabrina Ghallal et ses amis.

BOITE NOIREToutes les personnes citées dans cet article ont été contactées par téléphone ces jeudi et vendredi.

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