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François Hollande tente de prolonger « l'esprit de janvier »

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Deux heures tout compris, dont dix-sept minutes de propos liminaire. D'habitude, François Hollande aime bien s'étendre lors de ses conférences de presse semestrielles. Pour cette cinquième édition, la première post-attentats de Paris, le président de la République a voulu changer les règles. Finis les longs tunnels, gommées les petites blagues.

Remis en selle par sa gestion des attentats, le chef de l’État tenait d'abord à "faire" président, dans cet exercice de grand oral un peu compassé où personne ne l'a malmené – impossible, puisque les journalistes, à qui le service de presse de l’Élysée attribue le micro en vertu de règles mystérieuses, ne peuvent pas "relancer" le chef de l’État.

« Le président de la République doit se mettre à la hauteur qui est celle du pays », a expliqué François Hollande, invoquant dès son introduction « l'esprit de ce mois de janvier » qu'il se doit, dit-il, de « prolonger ». Comme si les attentats devaient marquer, pour lui et son quinquennat, un nouveau départ. « J'ai forcément changé à la suite de ces événements », s'est-il épanché, sans que personne ne lui ait posé la question.

François Hollande, ce jeudi 5 février, à l'ElyséeFrançois Hollande, ce jeudi 5 février, à l'Elysée © Présidence de la République


Au nom de l'« unité de la République », le chef de l’État s'est bien gardé, comme il le fait depuis les attaques meurtrières de début janvier, d'employer des mots qui divisent. Il refuse aussi d'employer le mot d'« apartheid social, territorial, ethnique », pourtant utilisé par son premier ministre. Et évoque une vision plutôt apaisée de la laïcité, dans l'esprit de la loi de 1905. « La laïcité n'est pas négociable. Elle doit être comprise pour ce qu'elle est : la liberté de conscience et de religion (…). C'est la séparation de l’État et des cultes, ce n'est pas leur ignorance. »

Mais trois semaines après les attentats, la réponse politique reste encore vague. À part une annonce (attendue) sur un « service civique universel » de huit mois pour tout jeune qui en ferait la demande à partir du 1er juin prochain, le chef de l’État a surtout égrené les têtes de chapitre de son action d'ici 2017 « pour que la République soit plus forte et plus juste » : « faire vivre la cohésion nationale », « promouvoir l'école de la République », l'« égalité entre les territoires » et « l'engagement civique ». Sur les moyens, cela reste très flou, d'autant que la réduction des déficits publics n'est pas remise en cause.

En réalité, il n'y eut qu'une seule surprise : l'annonce par François Hollande de son départ, l'après-midi même, pour Kiev en compagnie d'Angela Merkel, afin de faire « une nouvelle proposition de règlement sur le conflit ». « En Ukraine, c'est la guerre », a dit François Hollande, « une guerre qui peut être totale ». Vendredi, le tandem se rendra à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine.

À l'aise quand il s'agit de vanter "ses" guerres (au Mali, en Irak, en soutien à l'Union africaine contre l'organisation islamiste Boko Haram), François Hollande est un peu plus alambiqué pour parler d'Europe. Certes, il tance « l'austérité à tout jamais », qui « ne peut être une solution pour les Grecs et les Européens ». Au lendemain de la visite d'Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre grec à Paris, le chef de l’État se dit à nouveau disponible pour « trouver une solution, un accord » sur la dette grecque. Mais il se garde bien de commenter sur le fond la décision très contestée de la Banque centrale européenne de supprimer les lignes de financement des banques grecques.

La victoire de Syriza en Grèce ne sera pas pour lui l'occasion d'engager avec l'Allemagne cette fameuse « confrontation » qu'une partie de sa majorité souhaite depuis deux ans et demi. « Il n'y a pas d'Europe sans lien solide et robuste entre la France et l'Allemagne », dit-il, évoquant les « compromis » nécessaires avec Berlin. « Allez-vous mener une politique européenne plus à gauche désormais ou rester dans l'orthodoxie actuelle ? » demande un journaliste économique allemand. « Je suis européen », répond Hollande, bottant en touche.

Sur le plan intérieur, les attentats ont au moins eu une conséquence : François Hollande ne passe plus son temps à faire des leçons d'économie, préoccupation quasi unique de ses deux premières années et demie à l’Élysée. Depuis les attaques, le chef de l’État manifeste une préoccupation nouvelle pour les questions de société, dont il n'a jamais été un spécialiste. Après avoir beaucoup consulté, François Hollande a détaillé la façon dont il entend faire vivre « l'esprit de janvier » dans la République.

Des mots, de grands mots peut-être, mais que François Hollande, pourtant élu sur la promesse de « remettre l'éducation et la jeunesse au cœur de l'action publique », n'avait pas prononcés si souvent avant les drames de janvier. « La France a un devoir de faire que chacun de ses enfants puisse réussir sa vie et n'ait pas le sentiment d'être ségrégué, séparé, discriminé, mis de côté », a expliqué le chef de l’État, préférant ces termes à l'« apartheid » de Manuel Valls, critiqué dans les rangs de la majorité. « Quand il y a des fatalités de destins parce qu'on vit dans une cité », qu'on n'a pas accès « aux bonnes écoles », il y a « une souffrance, une colère » et « la séparation, le sentiment de la ségrégation, qui sont des insultes pour la République ».

Au rayon des mesures, le chef de l’État a fait, ou confirmé, quelques annonces sur l'école (« maîtrise du français dès la maternelle », « lutte contre le décrochage scolaire », « lycées professionnels renforcés », formation initiale et continue des professeurs renforcée, enseignement du numérique). Il s'est également attardé sur des propositions pour favoriser « l'égalité entre les territoires » : plus de mixité sociale, le renforcement des sanctions pour faire appliquer la loi SRU (qui fixe le taux de logements sociaux à 20 % au minimum dans chaque commune), une augmentation (non chiffrée) de crédits pour les associations, ou la création (à moyens constants) d'une agence nationale pour le développement économique par le territoire, sur le modèle de l'Agence de la rénovation urbaine (ANRU).

Ceux qui, à gauche, espéraient un big-bang en seront sans doute pour leurs frais. Les économies budgétaires ne sont pas remises en cause. La ligne du gouvernement reste la même. « Nous avons défini la bonne politique », a affirmé François Hollande, citant par deux fois les mérites de la loi Macron, en cours de discussion à l'Assemblée. « Nous devons aller encore plus loin sur les réformes », a-t-il assuré, annonçant d'ores et déjà une loi sur le dialogue social, qui inquiète certains syndicats de salariés, et des mesures contre le chômage.

Par ailleurs, s'il réactive la « démocratie participative » chère à sa ministre de l'écologie, Ségolène Royal, le président de la République ferme la porte à d'autres mesures, attendues par une partie de ses électeurs de 2012 : la lutte contre les contrôles au faciès (sujet pas abordé), le droit de vote des étrangers (il s'y dit « favorable » mais regrette le blocage de l'opposition, alors qu'il pourrait tenter de l'instaurer par référendum), la réduction du nombre de parlementaires (à eux de le faire…), le recours accru aux référendums (« on sait très bien ce qu'ils peuvent provoquer »), ou encore les statistiques dites "ethniques", un débat « qui ne sert à rien ».

François Hollande n'oublie pas non plus de faire de la politique. En ouverture d'une année 2015 où la France accueillera la conférence sur le climat, il vante sa politique "verte" et fait un appel du pied appuyé aux écologistes, « bienvenus » s'ils souhaitent revenir au gouvernement. En réponse à une question du patron de Libération, Laurent Joffrin, François Hollande dit aussi : « Je suis un président de gauche depuis le début. » Dans les semaines et les mois à venir, il lui revient désormais d'en convaincre à nouveau ceux qui l'ont élu.

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