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Le Sénat écarte une possible légalisation du cannabis

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C'est une première en France, le Sénat a examiné mercredi 4 février la proposition de loi de la sénatrice (EELV) Esther Benbassa autorisant l'usage contrôlé du cannabis. Les débats sont intervenus alors qu'il y a un an, presque jour pour jour, la sénatrice déposait ce texte dans le sillage de l'Uruguay, premier pays du monde à légaliser le cannabis, puis des États-Unis (Colorado et Washington).

Dans un hémicycle particulièrement clairsemé (nous avons compté 36 sénateurs) et en l'absence de la ministre de tutelle, Esther Benbassa a ouvert la séance : « L’initiative qui nous vaut d’ouvrir ici un débat (...) n'est pas sortie de la tête embrumée – ou enfumée – d'une écologiste présumée amatrice de joints (comme le voudraient certains clichés). Elle est le fruit d'un long cheminement. Nous avons choisi, nous, écologistes, de regarder le problème en face. Les Françaises et Français ont eux-mêmes brisé le tabou que certains veulent maintenir. Ils s'interrogent. »

Le texte de la sénatrice du Val-de-Marne propose que la vente de cannabis soit contrôlée par l'État, en passant par l'intermédiaire de débitants comme c'est le cas pour le tabac, en interdisant la publicité et la vente aux mineurs. Les rentrées fiscales évaluées par la sénatrice à 1,5 milliard d'euros permettraient selon elle d'améliorer la prévention dans les écoles et de prendre le problème à la racine.

Hasard du calendrier, quelques jours plus tôt un article du magazine Rolling Stone présentait les bienfaits fiscaux de la légalisation du cannabis au Colorado. Les taxes sur la vente de marijuana rapportent tellement d’argent que l'État pourrait bien reverser une partie de cette somme aux habitants. « Au Colorado, 33 millions d'euros du produit des taxes du cannabis légalisé ont été alloués aux écoles. N’y a-t-il donc pas lieu de s’inspirer d’une telle expérience ? » a interrogé la sénatrice. Le rapporteur de la commission des affaires sociales, Jean Desessard (EELV), a souligné l'échec de la politique répressive de l'État en la matière : « Interrogeons-nous sur le fait que l’on a la répression la plus grave, qu’on a des mafias et que pourtant on a la plus grande consommation de cannabis en Europe », a-t-il déclaré.

Les écologistes sont pourtant bien seuls à se prononcer en faveur d'une vente de cannabis contrôlée par l'État. La commission des affaires sociales qui a étudié le projet de loi a émis un avis négatif : « Certains d’entre nous estiment que la prévention est préférable à la légalisation qui enverrait un mauvais signal à nos citoyens », a expliqué le rapporteur de la commission. Son président et médecin de profession, Alain Milon (UMP), a quant à lui estimé qu'un « assouplissement du cadre légal paraîtrait contradictoire avec le message de prévention et rendrait tout retour en arrière particulièrement difficile »

« Les solutions proposées sont possiblement contre-productives », leur a répondu au nom du gouvernement la secrétaire d'État chargée des droits des femmes, Pascale Boistard. « Ne prenons pas le risque qu'une libéralisation entraîne une hausse de la consommation », a-t-elle ajouté, expliquant par ailleurs qu'encadrer la vente pour lutter contre les trafics ne va pas de soi puisqu'il existe une contrebande de cigarettes, produit pourtant légal. S'agissant des politiques de légalisation menées en Uruguay et aux États-Unis, elle s'est dite intéressée à en débattre tout en précisant qu'il était trop tôt pour en tirer des conclusions. Sa position n'est guère surprenante, nous avions déjà questionné Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sur le sujet, tous deux s'étaient montrés formellement opposés à toute légalisation. 

« La légalisation est-elle vraiment la solution ? », a questionné Laurence Cohen (Communiste, républicain et citoyen – CRC). « Il est temps de modifier cette loi qui ne correspond plus aux réalités du terrain, a-t-elle admis en se prononçant plutôt pour « la dépénalisation qui maintient l'interdit » et en annonçant l'abstention de son groupe. « En légalisant le cannabis, l’État deviendra un partenaire commercial », a affirmé le frontiste David Rachline. Les Verts cèdent à la démagogie. Il faut combattre la drogue par une lutte sans relâche, la dépénalisation n'arrange pas les problèmes, mais les accroît. » 

Le débat a été interrompu avant les interventions des orateurs UMP et centristes, dont les groupes sont majoritaires au Sénat. Mais dans un communiqué, et comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises, Bruno Retailleau, président du groupe UMP, avait annoncé que son groupe s'opposerait à la proposition de loi écologiste. La discussion reprendra à une date que fixera la Conférence des présidents de la Haute Assemblée.

Relire nos articles sur la légalisation du cannabis :

Sept mois après l’entrée en vigueur des lois autorisant la culture, la vente et la consommation de cannabis à usage récréatif dans le Colorado, les touristes affluent, le business de la marijuana et les taxes qu'il rapporte explosent, le cadre réglementaire évolue quasi quotidiennement… Reportage dans un État laboratoire, regardé de près par Washington.

Ils sont désormais une majorité d’Américains à soutenir la légalisation de la marijuana. Ils se laissent convaincre par des arguments divers, des bienfaits médicaux du produit jusqu’à la manne financière que représente un cannabis régulé et taxé. Des messages portés par des « faiseurs d’opinion » influents : des associations et lobbies très bien dotés, s’activant sur le terrain pour faire bouger les lignes.

Aux États-Unis, le cannabis est au cœur d’une industrie en plein boom, tant à des fins récréatives que médicales. Mais que sait-on de cette substance ? Alors que des vétérans l'utilisent contre le stress post-traumatique ou que des parents y recourent pour soigner leur enfant épileptique, le point sur les découvertes et les zones d’ombre laissées par la recherche scientifique.

Le mouvement de réforme des politiques en matière de cannabis signifie-t-il que la « guerre contre la drogue » américaine arrive à son terme ? Non, mais il indique bien une évolution tant aux États-Unis qu’en Amérique latine.

La loi prévoyant le contrôle par l’État de la production et de la vente de cannabis entre en application. L’exemple uruguayen provoque un mouvement en faveur de la légalisation au Mexique, au Brésil, au Chili, en Colombie et en Argentine.

Alors que l’Uruguay, le Colorado et Washington aux États-Unis ont légalisé la production de cannabis, que ses voisins européens en dépénalisent l’usage, la France reste arc-boutée sur sa loi du 31 décembre 1970, l’une des plus répressives en Europe. Avec des effets inefficaces puisque la consommation reste l'une des plus élevées du continent.

En Europe, le cannabis est de plus en plus produit dans le pays où il est consommé. Moins que la crainte de l’interpellation, c’est la question du budget, le souci de la qualité du cannabis et le refus de nourrir le trafic qui semblent motiver les cannabiculteurs marseillais rencontrés.

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