C’est une nouvelle tempête pour la police judiciaire française. Après le vol cet été de scellés de cocaïne à la brigade des stups et l’éviction fin 2013 de l’ancien patron de la PJ parisienne en marge de l’affaire des financements libyens de Sarkozy, plusieurs responsables policiers ont été interpellés et placés en garde à vue, mardi 3 et mercredi 4 février, dans le cadre d’une affaire de « violation du secret de l’instruction ».
Parmi eux figure Bernard Petit, l’actuel directeur de la police judiciaire à la préfecture de police de Paris. Soit l’un des plus hauts responsables policiers du pays. Il est actuellement entendu par l’Inspection générale de police nationale (IGPN), généralement présentée comme étant « la police des polices ».
Outre les interpellations, des perquisitions ont également été menées au siège de la PJ parisienne, au 36, quai des Orfèvres, à Paris, mais aussi à l’Association nationale d’action sociale des personnels de la police nationale (ANAS), dont le siège est situé à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne). Son président, le syndicaliste Joaquin Masanet, a lui aussi été placé en garde à vue.
D’après les premiers éléments recueillis par Mediapart, le dossier porte sur une « violation du secret de l’instruction » liée à l’affaire dite “Rocancourt”, du nom de cet escroc, qui après avoir été condamné aux États-Unis et en France, est aujourd’hui soupçonné d’avoir monnayé des régularisations de titres de séjour moyennant des versements en espèces.
Dans cette affaire, dont l’enquête a été confiée aux juges d’instruction Roger Le Loire et Charlotte Bilger, plusieurs personnes, soupçonnées d’avoir participé directement ou indirectement à ce système, sont déjà mises en examen : Christophe Rocancourt, mais aussi l’ancien ministre Kofi Yamgnane, l’avocat Marcel Ceccaldi, ou le "célèbre" gendarme Christian Prouteau, créateur en 1974 du GIGN.
C’est une fanfaronnade de ce dernier devant les policiers, lors de sa garde à vue en octobre 2014, qui a mis les juges sur la piste d’une éventuelle violation du secret de l’instruction. Le fondateur du GIGN a dit aux policiers qui l’auditionnaient qu’il savait beaucoup de choses de leur enquête et même ce qu’il lui était précisément reproché. Découvrant cela, les juges en charge du dossier sont furieux. Et s’interrogent : Christian Prouteau, que la vantardise n’effraie pas, s’est-il poussé du col ou a-t-il profité de fuites illégales ? Une enquête est ouverte, des vérifications sont entamées.
Selon nos informations, début octobre, Christian Prouteau a été appelé par la Brigade de répression des infractions financières (BRIF) de la préfecture de police de Paris pour l’informer de sa future convocation dans l’affaire Rocancourt. Jusque-là, rien d’anormal. Mais Christian Prouteau veut en savoir plus. Il appelle un certain Philippe L. pour lui demander d’aller à la pêche aux infos. Le soir même, le téléphone de la femme dudit Philippe L. appelle Bernard Petit, le patron de la PJ parisienne.
Les investigations menées à partir des relevés téléphoniques montrent que, dans les jours qui suivent, de nombreux appels ont lieu entre Philippe L., Christian Prouteau, Bernard Petit et son chef de cabinet, Richard A. Des SMS laissent aussi apparaître qu’un ou plusieurs rendez-vous ont eu lieu physiquement entre certains protagonistes. Les appels, eux, ne s’interrompent pas. Les téléphones chauffent. Notamment le 6 octobre, soit la veille de la garde à vue de Christian Prouteau. Puis tout se calme après la mise en cause judiciaire du fondateur du GIGN.
Cette suractivité téléphonique et les fanfaronnades de Christian Prouteau suffisent-elles désormais à établir la réalité des fuites illégales et l’implication de chaque personne aujourd’hui entendues sous le régime de la garde à vue ? Les magistrats ont l’air de le penser. L’enquête ne fait que commencer.
BOITE NOIREDans une précédente version de cet article, j'ai improprement prénommé "Robert" le chef de cabinet du directeur de la PJ parisienne. Il se prénomme en réalité "Richard".
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