L'ancien président de l'UMP, Jean-François Copé, a été mis en examen, mardi 3 février, pour « abus de confiance » dans le cadre de l'enquête sur le règlement par le parti de la pénalité financière de 363 615 euros imposée à l'ancien candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy après le rejet de son compte de campagne de 2012. Le parquet de Paris avait ouvert début octobre une information judiciaire sur des soupçons d'« abus de confiance », « complicité » et « recel de ce délit », au préjudice de la formation politique.
Il s'agit de la seconde mise en examen dans ce dossier, après celle en décembre de l'ex-trésorière de l'UMP Catherine Vautrin, également pour « abus de confiance ».
Comme Mediapart l'a raconté dès juillet dernier, la loi est en effet très claire : c’est le candidat sanctionné par le conseil constitutionnel qui doit « verser (la pénalité financière) au Trésor public », pas son parti. Dans une note transmise à la direction par intérim de l'UMP, un avocat sollicité par François Fillon avait pointé ce risque d'abus de confiance.
Ce sont finalement les deux commissaires aux comptes de l’UMP, chargés de certifier les comptes du parti pour l'année 2013, qui ont alerté la justice sur le paiement potentiellement illégal de cette amende, ainsi que des 153 000 euros que Nicolas Sarkozy était censé rembourser personnellement à l’État (et qui correspondaient à une avance de frais de début de campagne).
Par ailleurs, s’il se confirme que Nicolas Sarkozy a caché 17 millions d’euros de frais de meeting aux autorités de contrôle, ce n’est pas une sanction de 363 615 euros que le conseil constitutionnel aurait dû lui infliger, mais une méga-sanction de 17 millions d’euros, égale au dépassement du plafond légal.
Nous republions ci-dessous notre analyse sur le sujet publiée le 3 juillet 2014. Entre-temps, début décembre, Nicolas Sarkozy a remboursé intégralement l'UMP... parti dont il venait de prendre la présidence.
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« Ma campagne n’a pas coûté un centime au contribuable », s’est flatté Nicolas Sarkozy mercredi 2 juillet, lors de son intervention sur TF1 et Europe 1. Il est vrai que le rejet de son compte de campagne par le conseil constitutionnel, à l’été 2013, l’a privé du moindre remboursement de frais par le Trésor public. Mais cette assertion ne manque pas de sel. En réalité, sa campagne truquée aurait dû rapporter beaucoup d’argent à l’État français.
Car s’il se confirme que Nicolas Sarkozy a caché 17 millions d’euros de frais de meeting aux autorités de contrôle, ce n’est pas une « amende » de 363 000 euros que le conseil constitutionnel aurait dû lui infliger, mais une méga-sanction de 17 millions d’euros, au profit de Bercy.
En effet, en cas de dépassement du plafond de dépenses légales, la loi prévoit que le conseil constitutionnel « fixe une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public ». En l’occurrence, si les "Sages" n’ont infligé qu’une pénalité de 363 615 euros à Nicolas Sarkozy, c’est qu’ils ont repéré seulement 363 615 euros de dépenses hors plafond, faute d’investigations réelles. Mais ils étaient loin du compte.
D’après la comptabilité cachée d’Event & Cie (la filiale de Bygmalion chargée d’organiser les meetings), l’entreprise s'est contentée de facturer 4,3 millions d’euros au candidat UMP alors que ses prestations valaient en fait 21,2 millions d’euros – soit quelque 17 millions d’euros de frais dissimulés aux autorités de contrôle (voir les révélations de Mediapart dans le détail). L’ancien directeur de campagne adjoint de Nicolas Sarkozy, Jérôme Lavrilleux, a d’ores et déjà raconté, lors de ses aveux, qu’Event & Cie s’était rattrapé en adressant de fausses factures à l’UMP.
Les trois juges saisis d'une instruction ouverte pour « faux et usage de faux », « abus de confiance » et « tentative d’escroquerie », s’efforcent désormais de vérifier tous ces chiffres. « Ma campagne sera-t-elle à nouveau réexaminée ?!, s’est d’ailleurs agacé Nicolas Sarkozy, mercredi soir. Elle ne l’a pas déjà été assez ? »
Assurément non. Un militant de la transparence, Raymond Avrillier, vient ainsi d’écrire à la commission des financements politiques (CNCCFP), qui a épluché le compte du candidat UMP en première instance, pour lui demander de « se considérer comme abusée en fait et en droit » et de « réviser » ses décisions – sur le montant de la pénalité comme sur les comptes 2012 de l’UMP, qu’elle a validés sans tiquer.
« La CNCCFP et le Conseil constitutionnel ont été grandement trompés quant au dépassement du plafond des dépenses électorales de M. Sarkozy qui est en réalité de plusieurs millions d’euros, écrit cet ancien élu écologiste, déjà très actif dans « l’affaire des sondages » de l’Élysée. La CNCCFP et le Conseil constitutionnel n’ont pas fixé la somme réelle, égale au montant du dépassement, que le candidat est tenu de verser au Trésor public ! »
Certains s'en inquiètent aussi à l’UMP, depuis quelques jours. Et quelques-uns poussent le raisonnement encore plus loin : « S’il s’avère que onze millions d’euros de dépenses ont été dissimulés (ndlr, le montant hors taxe initialement évoqué par l'avocat de Bygmalion), cela signifie que non seulement la pénalité aurait dû être de onze millions d’euros, mais aussi que des comptes faux ont été sciemment présentés au Conseil constitutionnel pour limiter le montant de cette sanction. En clair, qu’on pourrait parler d’une "escroquerie au jugement" du Conseil constitutionnel », analyse un proche de la nouvelle direction intérimaire.
D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, l'escroquerie au jugement est une déclinaison de l’article 313-1 du code pénal sur l’escroquerie, qui concerne « le cas où un individu parvient, en trompant un tribunal par la production d’une pièce fausse, à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d’autrui ».
Sollicité par Mediapart, le secrétaire général du conseil constitutionnel n’a pas répondu à nos interrogations sur le sujet.
En fait, l’UMP commence tout juste à réaliser les risques juridiques relatifs à cette sanction de 363 000 euros. François Fillon, en particulier, s’est récemment interrogé sur la légalité de son paiement par le parti en 2013, alors qu’elle avait été infligée à Nicolas Sarkozy en personne.
Consulté à son initiative il y a quelques jours, un avocat a ainsi produit une note (déjà évoquée par L’Express) pointant un risque d’« abus de confiance ». La loi est en effet très claire : c’est le candidat sanctionné qui doit « verser (l’amende) au Trésor public », pas sa formation politique.
Or la somme a été réglée en octobre 2013 par l’UMP de Jean-François Copé, après que l’avocat du parti, Me Philippe Blanchetier, a produit une première note affirmant que c’était légalement possible.
Interrogé par Mediapart, celui-ci s’étonne des embarras soudains à la tête de l’UMP. « Rien n’était caché, déclare-t-il. On aurait pu verser l’argent à Nicolas Sarkozy qui aurait payé le Trésor public, et personne n’y aurait vu que du feu. Nous avons préféré assumer. Pour moi, il n’y a pas d’abus de confiance. Il ne s’agit pas d’une amende pénale à proprement parler. Et il est quand même normal pour un parti d’essuyer les conséquences pécuniaires de la campagne présidentielle de son candidat. D’ailleurs l’administration fiscale n’a rien trouvé à y redire. »
D’après nos informations, l’UMP ne s’est d’ailleurs pas contentée de régler ces 363 000 euros. La formation a effectué un second virement de 153 000 euros, le même jour, correspondant à une avance de l’État que Nicolas Sarkozy avait touchée en début de campagne et qu’il était contraint de rembourser.
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