Ahmed, un enfant de 8 ans, a été auditionné au commissariat de Nice avec son père mercredi 28 janvier 2014 pour apologie du terrorisme. Il lui est reproché d’avoir refusé de faire la minute de silence au lendemain de l'attentat à Charlie Hebdo le 8 janvier et d'avoir tenu des propos de solidarité avec les auteurs des attentats. C’est le directeur de son école, à Nice, qui, le 21 janvier, a signalé à la police l’élève de CE2.
« Le 8 janvier 2015, Ahmed, élève en CE2, est interpellé par son instituteur qui lui demande s'il est Charlie, rapporte le site du collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Étant de confession musulmane, et âgé de seulement 8 ans, il s'oppose à Charlie Hebdo en raison des caricatures du Prophète et répond naïvement qu'il est du côté des terroristes. Ulcéré, son professeur l'envoie vers le directeur de l'établissement, qui se trouve dans la classe d'à côté, et qui lui pose alors la question trois fois devant toute la classe : "Est-ce que tu es Charlie ?"»
Son avocat Me Sefen Guez Guez, qui défend également le CCIF, a tweeté une partie de l’audition libre qui a duré environ deux heures.
Question de l'OPJ: "qu'est ce que vue dire le mot terrorisme pour toi?
- je sais pas." Ahmed. 8 ans. "Est ce que tu as bien dit que les journalistes méritaient la mort? - c'est faux j'ai jamais dit ça." Précision: les parents ont jouer le rôle de l'école en expliquant au gamin que le terrorisme c'est mal. Alors que l'école a dénoncé le petit
« L’administration rapporte d’autres propos, explique-t-il. Ahmed aurait dit "Je vais tuer tous les Français", ce qu’il dément, alors qu’il reconnaît qu’il a dit "Je suis avec les terroristes". Pourquoi un gamin reconnaîtrait une phrase et mentirait sur l'autre ? » Selon l’avocat, l’enfant a rapporté avoir ensuite fait l’objet de brimades et notamment de cette réflexion du directeur alors qu’il jouait dans le bac à sable : « Arrête de creuser, tu ne vas pas trouver de mitraillette pour tous nous tuer. »
Son père était quant à lui convoqué pour « intrusion » au sein de l’établissement scolaire. « Comme le fils était complètement traumatisé et s’enfermait dans les toilettes à chaque récré, le père l’accompagnait à l’intérieur de l’école pour le rassurer et lui dire de ne pas rester dans les WC, dit Me Guez Guez. Au bout de trois jours, on lui a interdit de rentrer et une semaine plus tard, il découvre que le directeur a été déposer plainte au commissariat. » Le ministère de l’éducation a confirmé mercredi soir au site Libération qu’une plainte a bien été déposée contre le père de l’enfant, et un signalement à la protection de l’enfance effectué.
Issu d’une famille de nationalité algérienne, Ahmed était scolarisé depuis la maternelle dans cette école, située à l'Arenas, un quartier plutôt populaire de Nice. Contacté, le directeur de l'école primaire en question n'a pas souhaité répondre. Gilles Jean, secrétaire départemental du Snuipp dans les Alpes-Maritimes, s'est longuement entretenu avec ce « jeune directeur, très pacifique » mercredi soir. « Ce qui est relaté est seulement partiellement vrai, indique Gilles Jean. Le 8 janvier, l'enfant a créé un incident en refusant de respecter la minute de silence puis il s'est répandu dans la cour en criant "Ils l'ont bien mérité, je vais partir au djihad". Enfin, ce que les médias ont rapporté. Puis le papa s'est montré menaçant avec le directeur de l'école. Il a accusé l'enseignant de son fils, qui est diabétique, de ne pas lui donner son traitement (insuline), de le laisser mourir. C'était n'importe quoi. D'après le directeur, ce père, sans être un activiste forcené, est quelqu'un de très marqué par la religion et dont la femme est voilée. Le directeur est allé déposer plainte, car l'équipe était très secouée. »
Le syndicaliste trouve cependant l'audition au commissariat « disproportionnée ». « Ce n'est pas étonnant que ça tombe dans une ville comme Nice, où Christian Estrosi veut donner des cours d'instruction civique le soir durant le temps périscolaire et donner un livret à chaque famille. Ça va encore exacerber les tensions. » Devant l'indignation montante sur les réseaux sociaux, la police a tenté mercredi soir de justifier cette audition. « Dans le contexte actuel, le directeur de l’école a décidé de signaler ce qui s’est passé à la police », a expliqué à l'AFP Marcel Authier, directeur départemental de la sécurité publique des Alpes-Maritimes. « On a convoqué l’enfant et son père pour essayer de comprendre comment un garçon de 8 ans peut être amené à tenir des propos aussi radicaux, a poursuivi le commissaire. Visiblement, l’enfant ne comprend pas ce qu’il a dit. On ne sait pas où il est allé chercher ses propos. »
« S'agissant d'un enfant de huit ans, l'audition était peut-être maladroite, a reconnu son adjointe Fabienne Lewandowski à Nice-Matin. Cela aurait pu se passer sous l'angle de la médiation et de l'entretien avec le père. Contacté dès le 21 janvier, celui-ci avait préféré être entendu ultérieurement en présence de son avocat. »
« C’est l’illustration complète de la mauvaise foi de l’administration : on est sur du racisme d’État, estime Me Guez Guez. C’était écrit noir sur blanc sur les PV : "Ahmed, 8 ans, poursuivi pour apologie du terrorisme". » Depuis les attentats de Paris, les gardes à vue et condamnations pour apologie du terrorisme s’accumulent. Jusqu’à l’absurde, visant parfois des collégiens et lycéens. Mais c’est la première fois qu’un enfant aussi jeune est concerné. La loi sur le terrorisme du 14 novembre 2014 a fait sortir cette infraction des délits de presse et a durci les peines encourues. « Nous avons atteint un point de non-retour par rapport à cette infraction, soulignait mercredi soir Me Guez Guez, encore éberlué. Il faut de la pédagogie, pas des sanctions, on provoque l’effet inverse à celui recherché ! »
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