Marine Le Pen l'a sorti du chapeau en plein conflit avec son conseiller international, qui avait dénoncé dans une vidéo une « cinquième colonne » islamiste en France. Jeudi, la présidente du FN a annoncé qu'Édouard Ferrand remplaçait Aymeric Chauprade comme chef de la délégation frontiste au parlement européen, mais aussi à la tête de la fédération des Français de l'étranger. Inconnu du grand public, cet eurodéputé de 49 ans évolue au Front national depuis plus de 30 ans et a noué des liens avec la nébuleuse des anciens du GUD qui entoure la présidente du FN.
Au Front national, il a grimpé les échelons, dans la plus grande discrétion, depuis son arrivée en 1983. Patron de la fédération de l'Yonne, conseiller municipal de Sens jusqu'en 2014, président du groupe FN à la région Bourgogne, il a été élu député européen en mai. Lors du congrès de Lyon, en novembre, Marine Le Pen l'a propulsé au comité central et reconduit au bureau politique. Elle en a fait, avec Leif Blanc, son spécialiste des questions d'agriculture et de ruralité.
Dans le parti, il est décrit comme un ambitieux discret et loyal, « “mariniste” de longue date », « toujours dans la ligne ». « Il est très dévoué, mais ce n'est pas le plus qualifié, je ne sais pas s'il va apporter grand-chose », explique à Mediapart un membre du bureau politique, qui raconte que « sa désignation fait un peu sourire : on met à la tête de la délégation quelqu'un qui ne parle pas anglais ».
Je remercie Marine Le Pen (@MLP_officiel) pour sa confiance et mènerai avec pugnacité la délégation FN/RBM au Parlement européen. En avant !— Édouard Ferrand (@e_ferrand) 23 Janvier 2015
C'est un honneur pour moi d'être reconduit au Bureau Politique du @fn_officiel ! Merci @mlp_officiel ! En route vers la victoire !— Édouard Ferrand (@e_ferrand) 30 Novembre 2014
C'est avec joie et détermination que j'apprends ma nomination au Comité Central par @mlp_officiel ! #CongresFN #Merci
— Édouard Ferrand (@e_ferrand) 30 Novembre 2014
Très proche de Marine Le Pen, dont il se définit comme « l'un des plus fidèles », il est aussi ami avec le vice-président Louis Aliot, qui lui a accordé une bonne place sur sa liste dans le Sud-Ouest aux européennes. Ferrand a émergé ces deux dernières années en suivant sans faire de vagues la ligne de la présidente du FN.
Au Front national, la frange catholique a un temps vu en lui un potentiel porte-drapeau pour peser au sein du parti, un rôle que Ferrand n'a pas voulu endosser. Dans un entretien à National Hebdo, il y a quelques années, l'élu revendiquait ses valeurs, dans la droite ligne de sa famille : nostalgie de l'Algérie française, sympathie pour les royalistes de l'Action française, héritiers de Charles Maurras. En août dernier, l'eurodéputé était d'ailleurs intervenu à l'université d'été de l'Action française. L'un de ses collègues du bureau politique décrit cet amateur de chasse, père de cinq enfants, comme « l'extrême droite bourgeoise, le notable frontiste à l'ancienne ».
Gérant de plusieurs sociétés et groupements fonciers agricoles dans l'Yonne et à Rambouillet, Édouard Ferrand a montré de l'intérêt pour le suivi des financements du Front national. Il s'est aussi rapproché, ces dernières années, du vieil ami et prestataire de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon. En 2011, l'élu est apparu aux côtés de l'ancien leader du GUD – qui portait un badge « organisation » –, en marge du défilé du 1er mai du FN, comme l'a rapporté Politis :
Édouard Ferrand fréquente un autre membre de cette nébuleuse : Christophe Boucher, prestataire du FN qui s'est installé avec sa société au QG de la rue des Vignes, à Paris, où est domicilié Jeanne, le micro-parti de la présidente du FN. M. Boucher est aussi un ami de vingt ans d'Axel Loustau, le trésorier de Jeanne, et Frédéric Chatillon, auquel il fut associé dans la revue Sentinel. « Je connais Édouard (Ferrand) depuis 20 ans, de manière amicale », explique-t-il à Mediapart.
L'eurodéputé connaît également très bien un autre ami de Frédéric Chatillon, Jean-Lin Lacapelle, soutien inconditionnel de Marine Le Pen qui fut le vice-président de l'association Générations Le Pen. Ensemble, ils ont écrit en 2003 un livre de portraits de militants frontistes, parmi lesquels figurait l'actuelle présidente du FN.
En plaçant l'un de ses fidèles, Marine Le Pen veut réaffirmer sa ligne au sein du parti, après les libertés prises par son conseiller international Aymeric Chauprade, soutenu par plusieurs responsables du FN. L'« affaire » Chauprade a révélé de fortes tensions entre deux clans qui s'opposent violemment depuis plusieurs mois : d'un côté, le cercle des anciens du GUD qui entourent Marine Le Pen (Philippe Péninque, Frédéric Chatillon, Axel Loustau, etc.) ; de l'autre, un axe autour d'Aymeric Chauprade, soutenu par Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen, de nombreux eurodéputés et des historiques du parti comme Bruno Gollnisch (lire notre article).
Sollicité à plusieurs reprises, Édouard Ferrand n'a quant à lui pas donné suite.
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