« Que restera-t-il de la Manif pour tous ? » La question taraudait Gaël Brustier, essayiste, docteur en sciences politiques, par ailleurs adhérent du parti socialiste. Il esquisse quelques réponses convaincantes dans cet essai publié par les éditions chrétiennes Cerf.
Au départ, il y a l'irruption, dès la fin de l'année 2012, d'une mobilisation structurée contre l'engagement 31 de François Hollande, le droit pour les couples de même sexe de se marier. Un « Mai-68 conservateur », rendu possible par la « panique morale » qui saisit la société française et que les années Sarkozy, avec leur mise en avant de l'« identité nationale », n'ont fait qu'accentuer. Quant à la gauche, elle porte une lourde responsabilité elle aussi : « insensible à son évolution électorale », faisant le choix de « ne pas mobiliser un front social » en faveur du mariage des couples de même sexe, laissant traîner le débat au Parlement. En un mot, c'est tout l'espace public qui a été laissé aux « antis », organisés d'abord derrière Frigide Barjot, bientôt exfiltrée par les plus durs du mouvement.
Mais l'originalité du livre est aussi d'insister sur des évolutions qui expliquent la vitalité de cette mobilisation : droite « grassroots » post-gaulliste contestant la légitimité des partis de droite, avec des moyens de propagande moderne et des symboles souvent empruntés à la gauche ; influence des théories « antigender » développées par le Vatican ; essor du Renouveau charismatique au sein même de l’Église catholique, etc. Sans oublier le soutien de presque tous les groupuscules traditionalistes et identitaires, trop heureux de se respectabiliser.
Voilà comment on a pu retrouver dans la rue la droite dure (Wauquiez, Peltier) ou catholique, les Identitaires, le pôle conservateur du FN et tous les remugles de l'extrême droite maurrassienne. La préfiguration d'une possible fusion des droites dans les années à venir, que les élections de 2015 pourraient matérialiser.
De ce « conservatisme nouveau » aux contours nébuleux, qui « mène un combat pour l'hégémonie culturelle », la gauche aurait « beaucoup à apprendre », explique Brustier. Mais son délabrement actuel lui permet-elle seulement d'envisager la riposte ?
Gaël Brustier
Le Mai 68 conservateur – Que restera-t-il de la Manif pour tous ?
230 pages, 18 euros
Éditions du Cerf
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