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Péril sur l’affaire Sarkozy, alias Paul Bismuth

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Stoppée, congelée, et peut-être même cryogénisée. La grave affaire de « corruption », « trafic d’influence » et « violation du secret professionnel » dans laquelle Nicolas Sarkozy, l’avocat Thierry Herzog et l’ex-magistrat Gilbert Azibert sont mis en examen depuis le mois de juin, est au point mort depuis le mois de septembre dernier et elle risque d’être enterrée officiellement au printemps prochain. La chambre de l’instruction 7-2 du pôle économique et financier de la cour d’appel de Paris, présidée par Édith Boizette, n’examinera en effet qu’au mois de mars prochain les demandes d’annulation de la procédure qui ont été déposées par la défense le 12 septembre 2014, selon des informations obtenues par Mediapart.

Les trois magistrats de la chambre de l'instruction mettront ensuite leur décision en délibéré, et les spécialistes s’accordent à dire que l’arrêt ne sera rendu qu’aux environs du mois de mai. Un délai qui n’a « rien d’anormal » compte tenu de la charge de travail de la chambre de l’instruction et de la complexité des dossiers (dont celui du Mediator) qui lui sont soumis, répond-on à la cour d'appel de Paris.

Pour expliquer cet exemple de lenteur de la justice – la chose est habituelle dans les affaires politiques et financières –, on explique également que de nouvelles requêtes en annulation ont été déposées à la fin de l’année par la défense de Gilbert Azibert, venant s’ajouter aux demandes antérieures de Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog, qui avaient amené Édith Boizette à prononcer de sa seule autorité, le 23 septembre, la suspension de l’instruction menée jusque-là par les juges Patricia Simon et Claire Thépaut (lire notre article ici). Une décision rare, et qui a abouti à geler entièrement l’enquête, ce jusqu’au printemps 2015.

Thierry Herzog.Thierry Herzog.

Dans les milieux judiciaires, on pronostique souvent une possible annulation de tout ou partie de cette procédure qui est parfois connue sous le nom d’affaire Bismuth (au grand dam du vrai Paul Bismuth). Les avocats de la défense ont en effet déposé de volumineux mémoires, dans lesquels ils s’attaquent à la régularité de l’instruction menée par les juges Simon et Thépaut. L’un des angles d’attaque vise l’acte par lequel les juges d’instruction ont été saisis : il s’agit du réquisitoire introductif, signé par le procureur national financier (PNF) Éliane Houlette, en accord avec le procureur général de la cour d'appel, François Falletti. En substance, les avocats soutiennent que cette affaire ne relevait pas de la compétence du procureur national financier. S’ils obtenaient gain de cause sur ce point essentiel, c’est toute la procédure qui s’écroulerait en conséquence.

L’autre cible de la défense réside dans les écoutes téléphoniques judiciaires qui sont à l’origine de l’affaire, et dont la régularité est également contestée. Initialement ordonnées par le juge Serge Tournaire dans l’affaire libyenne qui menace Nicolas Sarkozy, ces écoutes avaient fait apparaître l’existence de lignes téléphoniques secrètes ouvertes au nom de Paul Bismuth, grâce auxquelles Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, échangeaient discrètement sur les affaires en cours. Selon les retranscriptions, les deux amis s’inquiétaient alors du sort des agendas saisis dans l’affaire Bettencourt et qui semblaient constituer une menace sérieuse dans l’affaire Tapie.

Ces conversations avaient aussi fait apparaître des démarches officieuses en direction du haut magistrat Gilbert Azibert, alors en poste à la Cour de cassation, lancées pour qu’il se renseigne sur l’évolution de la procédure, et même qu’il essaie d’intervenir dans un sens favorable à Nicolas Sarkozy, avec l’espoir d’être récompensé par un poste à Monaco.

Gilbert Azibert.Gilbert Azibert. © (Capture d'écran)

Les perquisitions effectuées à la Cour de cassation, la garde à vue de Nicolas Sarkozy, puis sa mise en examen après celles de son avocat, Thierry Herzog, et du haut magistrat Gilbert Azibert, avaient constitué un événement à forte portée politique, ainsi qu’un véritable séisme au sein de la magistrature. L'affaire avait également irrité le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Claude Marin.

Aujourd’hui, nombre de magistrats et de policiers se disent inquiets pour leurs dossiers si jamais les écoutes Bismuth devaient être déclarées illégales. La majorité des affaires de banditisme et de trafics de stupéfiants, notamment, repose en effet sur des écoutes judiciaires.

Quoi que puisse décider la chambre de l’instruction au printemps prochain dans l’affaire Sarkozy-Azibert, le procureur général Falletti pourra toujours former un pourvoi et saisir la Cour de cassation, ne serait-ce que pour affiner la jurisprudence. Mais l’affaire elle-même ne serait alors examinée qu'un an plus tard environ. Autant dire que l’instruction serait plus que durablement freinée.

Comme par magie, depuis l’annonce officielle de son retour en politique, à l’automne 2014, l’avenir politique de Nicolas Sarkozy semble en tout cas s’être éclairci. Après avoir obtenu un non-lieu aigre-doux dans l’affaire Bettencourt, puis échappé à la Cour de justice de la République dans l’affaire Karachi, l’ex-chef de l’État semble maintenant avoir une chance de se sortir du guêpier Bismuth, qui lui vaut une mise en examen infamante pour corruption.

Restent tout de même plusieurs affaires qui font encore planer un risque judiciaire réel au-dessus de la tête de l'ancien et nouveau champion de la droite : celle du possible financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, ainsi que l'enquête à tiroirs sur Bygmalion, les finances de l’UMP et le financement de sa campagne de 2012. La course d'obstacles de Sarkozy se poursuit.

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