Quantcast
Channel: Mediapart - France
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Guaino relaxé malgré ses attaques contre la justice

$
0
0

La nouvelle fait enrager la plupart des magistrats, et redonne le sourire aux amis de Nicolas Sarkozy. Le député (UMP) Henri Guaino, qui était poursuivi pour ses attaques violentes et répétées, en 2013, contre le juge d’instruction Jean-Michel Gentil après la mise en examen de Sarkozy dans l’affaire Bettencourt, a été relaxé ce jeudi par le tribunal correctionnel de Paris. Le parquet avait requis une amende de 3 000 euros contre le parlementaire des Yvelines, poursuivi pour « outrage à magistrat » et « discrédit jeté sur une décision de justice ».

Au lendemain de la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour « abus de faiblesse » au préjudice de la milliardaire Liliane Bettencourt, le 21 mars 2013, Henri Guaino avait multiplié dans les médias les sorties au bazooka contre le juge Gentil. L’ex-chef de l’État avait, finalement, bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire Bettencourt.

Son ancien conseiller spécial à l’Élysée, Henri Guaino, avait notamment accusé le magistrat d’avoir « déshonoré la justice », évoquant aussi « une salissure de la France et de la République elle-même ». L'Union syndicale des magistrats (USM, syndicat modéré et majoritaire) avait saisi le parquet de Paris. Une fois les poursuites lancées, le député avait refusé de répondre à une convocation de police avant ce procès.

Henri GuainoHenri Guaino © Reuters

Ce 27 novembre, le tribunal a estimé que, s’agissant de propos tenus par un parlementaire, sur un sujet d’intérêt général, les limites admissibles de la liberté d’expression n’avaient pas été dépassées, a expliqué la présidente Anne-Marie Sauteraud.

Pour pouvoir réprimer les délits visés, le texte « exige que l'auteur, excédant la limite de la libre critique permise aux citoyens, ait voulu atteindre dans son autorité, par-delà les magistrats concernés, la justice considérée comme une institution fondamentale de l’État », peut-on lire dans le jugement rendu par le tribunal. Citant l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, d'une part, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, d'autre part, le tribunal place le principe de la liberté d'expression au-dessus du délit d'outrage visé par l'USM et le juge Gentil.

Toujours selon le jugement de la XVIIe chambre correctionnelle, les « limites » à la liberté d'expression d'un député qui « s'exprime sur un sujet relatif à la vie publique » sont « élargies », même s'il ne peut prétendre à bénéficier d'une immunité complète (la Constitution accorde aux députés une immunité liée à leur activité de parlementaire, cela pour éviter les arrestations arbitraires, mais aussi une immunité concernant les propos tenus dans l'hémicycle, ce qui n'est pas le cas ici).

« Henri Guaino a tenu des propos très violents et réitérés » à l'égard du juge Gentil, reconnaît le tribunal. Mais il n'a fait « qu'exprimer son indignation sans proférer d'injures, ni de diffamation ni de menaces », et « sa position a été partagée par 107 parlementaires qui n'ont pas été poursuivis », expose par ailleurs le jugement.

« Dans ces conditions, compte tenu de ces éléments, ainsi que du contexte, et en dépit de la violence de ses propos qui a pu légitimement choquer, il serait disproportionné de prononcer une sanction pénale à l'encontre d'Henri Guaino qui, s'exprimant en qualité d'élu dans le cadre d'un débat d'intérêt général, n'a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression concernant la critique de la décision d'un magistrat », conclut le tribunal.

« Ce jugement honore la justice », a réagi l'intéressé en sortant de la salle d'audience, dans une allusion ironique aux propos qui lui ont valu ce procès. « Je ne peux que remercier le tribunal d’avoir rendu la justice et reconnu la liberté d’expression des parlementaires qui est un élément absolument essentiel du bon fonctionnement d’une démocratie », a-t-il ajouté devant la presse.

Les avocats du juge Gentil ont annoncé que leur client ferait appel de la décision. Si le parquet ne fait pas de même, le procès en appel ne concernera que le volet civil du jugement. Le magistrat, désormais en poste à Lille, qui demandait 100 000 euros de dommages et intérêts, a été débouté du fait de la relaxe de M. Guaino.

« Dans ce dossier, nous considérons que l’outrage était évident, et qu’un parlementaire ne peut pas se permettre de dire tout de n’importe quelle façon », a déclaré Me Léon-Lef Forster, l'avocat du juge Gentil.

Lors de l’audience le 22 octobre, dans une salle de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris comble où plusieurs de ses collègues parlementaires UMP avaient pris place, Henri Guaino s’était attaché à transformer son procès en débat sur la liberté d’expression. Pour le moment, il a obtenu gain de cause.

BOITE NOIRELe parquet de Paris a fait appel du jugement de relaxe vendredi 28 novembre. Henri Guaino sera donc rejugé par la cour d'appel de Paris.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Nettoyer la base de données de WordPress


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Trending Articles