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Sivens : l'inspection de la gendarmerie dédouane les gendarmes

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L'enquête administrative confiée à l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), après la mort la nuit du 25 octobre de Rémi Fraisse à Sivens, a dédouané les gendarmes, mardi 2 décembre, de toute « faute professionnelle ». C’est bien un gendarme mobile qui a lancé la grenade offensive qui a tué le jeune manifestant, mais, selon cette enquête interne, il a agi de façon on ne peut plus réglementaire, après avertissement. « L'enquête administrative ne fait pas ressortir de manquement aux règles juridiques et déontologiques et aux techniques enseignées au maintien de l’ordre », conclut l’IGGN.

Rémi Fraisse (DR)Rémi Fraisse (DR)

Selon son rapport, les grenades et autres armes ont été utilisées conformément à la loi qui autorise les forces de l’ordre à en faire usage en cas de « violences contre la force publique ou impossibilité de défendre autrement le terrain qu'elle occupe ». L’IGGN avait pour mission de se pencher sur les modalités des opérations de maintien de l'ordre sur le chantier du barrage, le respect des procédures et de la déontologie depuis fin août 2014. Seuls des représentants des forces de l'ordre et de la préfecture ont été entendus : préfet du Tarn et son directeur de cabinet, ainsi que des gendarmes du Tarn, de la gendarmerie mobile de Limoges, de La Réole ainsi qu'un officier de la CRS 20 de Limoges. Sollicité, Ben Lefetey, le porte-parole du collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, n'a pas répondu selon l'IGGN.

  • La nuit du 25 au 26 octobre

Le journal de bord du Groupement tactique gendarmerie (GTG) révélé par Mediapart montrait que dès la mort du jeune manifestant, les gendarmes mobiles avaient immédiatement fait le lien avec le tir d’une grenade offensive (depuis interdites par Bernard Cazeneuve). Les gendarmes mobiles y ont écrit à 1 h 45 : « Un opposant blessé par OF », c’est-à-dire une grenade offensive. À 1 h 59, le journal du GTG indique : « Opposant blessé serait décédé. Hémorragie externe au niveau du cou. » Mais ce journal, pourtant sans équivoque, est délibérément ignoré par l’IGGN qui a reconstitué la chronologie de la nuit du 25 au 26 octobre uniquement à partir des films enregistrés par l’escadron de gendarmerie mobile de La Réole, ainsi que des enregistrements de ses échanges téléphoniques avec le Centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie (CORG) du Tarn. Auditionné le 2 décembre par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le chef de l'IGGN, le général Pierre Renault, a expliqué préférer se baser sur des enregistrements sonores où « on entend les voix » « plutôt que de se fier à des écrits qui, parfois, le sont en des termes sibyllins voire flous ».

Au moment de la mort de Rémi Fraisse, c’est un escadron de 72 gendarmes mobiles – « l’effectif minimum concevable » selon Pierre Renault – qui fait face à « une centaine » de manifestants sur la base de vie du chantier, entourée de douves et de grillages. Cet escadron, venu de La Réole (Gironde), connaît bien le site puisqu’il est « sur zone depuis le 16 octobre » et a déjà « tenu le site la nuit précédente ». À 0 h 25, « 50 à 70 manifestants recommencent à envoyer des projectiles sur les forces de l'ordre ». Le niveau de violence s'accroît alors  « rapidement ». Mais le rapport de l’IGGN confirme qu’aucun gendarme mobile ne sera blessé cette nuit-là. En revanche, deux gendarmes et six CRS (dont deux grièvement et deux contusionnés) ont été blessés dans l’après-midi.

À 0 h 49, les premières grenades lacrymogènes sont tirées, suivies à 1 h 03 de grenades explosives, GLI F4 (mixtes lacrymogènes-effet de souffle) et OF F1 (offensives). Au total, « 237 grenades lacrymogènes, 41 balles de défense, 38 grenades F4 et 23 grenades offensives » sont tirées par les gendarmes mobiles entre 0 h 20 et 3 h 27 du matin. Suite à un tir de lanceur de balle de défense (LBD 40), une première manifestante tombe au sol et est secourue. « Il s'avère que c'est une jeune femme qui n'est pas blessée et qui est laissée libre de rejoindre les rangs des manifestants », assure le rapport.

Vers 1 h 40, les opposants auraient reçu des renforts. Puis c’est au tour de Rémi Fraisse de tomber, mortellement touché. Le maréchal des logis chef J. repère à « une quinzaine de mètres » « un groupe de manifestants hostiles, équipés de casques et de boucliers, qui lance des projectiles, suivi d'un autre groupe plus important qui occupe le terrain ». Ce groupe serait « dirigé par un homme dont on entend les ordres ». Après avoir utilisé ses jumelles de vision nocturne et effectué un avertissement, le gendarme « lance sa grenade (offensive, ndlr) dans le secteur préalablement identifié et réputé inoccupé, par un mouvement de lancer en cloche » au-dessus du grillage de 1,80 m.

Lors de son audition, un major du même peloton a reconnu avoir aperçu un manifestant tomber au sol après la détonation. Mais « il n'est pas en mesure de faire la relation entre les deux situations », assure le rapport. « Une masse sombre à terre » est signalée quelques instants plus tard. À 1 h 45, des gendarmes sont chargés de ramener le manifestant pour le secourir, « sous les jets de projectiles ». Dans un fourgon, un secouriste « lui prodigue les premiers soins dont un massage cardiaque. Il est interrompu par la découverte d'une plaie importante dans le haut du dos ». À 1 h 51, le commandant du dispositif appelle le Centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie (CORG) du Tarn sans préciser « que la victime est déjà décédée » ni donner « aucune précision sur l'origine des blessures ». À 1 h 53, le même commandant signale la mort de Rémi Fraisse ainsi que « la concomitance avec un tir de LBD et un lancer de grenade offensive ». « À ce moment, il ne s'agit que de supputations », insiste le rapport de l’IGGN.

À 4 h 12 du matin, « un premier examen sommaire du corps » a lieu dans le véhicule des pompiers par un médecin légiste, puis de façon plus approfondie à 5 heures du matin à la maison funéraire. « Cet examen ne permet pas plus que le premier de lier la blessure mortelle aux effets d'une grenade offensive », selon l’IGGN. Selon qui seuls les résultats des analyses le mardi 28 octobre permettront de lever le doute sur l’origine de la mort du jeune manifestant.

  • La transmission de l’information

On constate que, dans la nuit du 25 au 26 octobre, l’autorité judiciaire sera la dernière à être alertée des faits. Un premier message sur la boîte vocale du parquet d'Albi a bien été laissé à 2 heures. Mais ce n’est qu’à 2 h 42 que les gendarmes parviennent à joindre le substitut de permanence, juste avant que les enquêteurs et les techniciens de la section de recherche de la gendarmerie de Toulouse arrivent à Sivens  – « peu avant 3 heures ».

Entre-temps, le cabinet du préfet du Tarn a, lui, été alerté dès 2 h 08 « sans indiquer la cause de la mort, en l'absence de renseignements précis ». À 2 h 23, le téléphone sonne à la permanence du cabinet du ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve pour annoncer « la découverte du corps d’un opposant à Sivens dans des circonstances non établies ».

Arrivé à Sivens au petit matin avant que ses troupes lèvent le camp, « le commandant en second de la région de gendarmerie Midi-Pyrénées évoque le fait que le jet d’une grenade offensive par un gendarme mobile et la chute à terre d’un opposant ont eu lieu dans un temps proche ». La brève envoyée au cabinet du ministre de l’intérieur à 4 h 29 du matin est encore plus « prudente » : « Ce document confirme le décès d’un opposant lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, sans pouvoir affirmer que la mort est imputable au lancer d'une grenade offensive. » Pourquoi cette retenue d’information ? L’IGGN y va au culot de sa petite leçon de journalisme : « Il est en effet indispensable de transmettre un renseignement consolidé après recoupement des différentes informations obtenues du terrain mais aussi des services de permanence des autres ministères et administrations. L'expérience prouve que la transmission d'une information sans vérification préalable présente un risque élevé de démenti ultérieur. »

« Imaginons l’effet que peut avoir l’information qu’un manifestant a été tué par une grenade offensive sans qu’elle soit recoupée », s’est exclamé le général Pierre Renault devant les députés le 2 décembre. C’est donc par un louable souci d’éviter toute « désinformation » – selon l’expression du général – que les gendarmes ont sous-informé... À 9 h 55, la préfecture du Tarn indiquera dans un communiqué validé par le cabinet du ministère de l’intérieur que « le corps d’un homme a été découvert dans la nuit de samedi à dimanche sur le site du barrage contesté de Sivens (Tarn) ». Sans plus de détails, comme s’il s’agissait d’une découverte fortuite. Cet élément de langage sera repris en fin de journée, à 19 h 40, par un communiqué du ministère de l’intérieur : « Le corps d’un jeune homme a été découvert vers 2 h 00. Les secours ont malheureusement constaté son décès. »

  • La décision de positionner des forces de l’ordre pour le rassemblement du 25 octobre

C’est l’un des points les plus controversés car il n’y avait plus rien à protéger sur le chantier, les engins ayant été retirés dès le 23 octobre comme le confirme le rapport. Mais suite à l’incendie de l’Algéco et du générateur laissés sur place, le commandant de la gendarmerie du Tarn et le directeur de cabinet du préfet décident de « protéger la base vie du chantier jusqu'au lundi 27 matin par une présence permanente de forces de l'ordre ». Le rapport liste quatre raisons, dont la dernière semble la plus importante :

« – la protection du site ne peut être assurée par les vigiles seuls en cas d'agression ;


– les organisateurs de la manifestation sont dans l'incapacité de tenir leur engagement de rester à l'écart de la base vie ;

– la présence d'un EGM (escadron de gendarmerie mobile) sur zone permet de s'interposer en cas de contre-manifestation par les riverains et agriculteurs favorables au projet, pour éviter des faits de violence graves ;


– enfin, la reprise des travaux le lundi matin impose de ne pas laisser les opposants les plus déterminés occuper et piéger le site et ses accès, sauf à devoir conduire des opérations de grande envergure le 27 octobre au matin pour dégager les axes routiers et reprendre le contrôle du site. Or ces opérations comporteraient un risque important d'incidents et mettraient en jeu la sécurité des manifestants présents sur le site et des gendarmes. »

Bref, il ne fallait surtout pas retarder les travaux du barrage et laisser un nouveau Notre-Dame-des-Landes s’installer. C’est tout de suite l’escalade. Dès le vendredi 24 au soir, l’escadron de gendarmerie mobile de La Réole utilise « 68 grenades CM6 lacrymogènes, 38 grenades F4 mixtes explosives/lacrymogènes, 17 grenades offensives et 27 cartouches pour lanceurs de balles de défense » pour « se maintenir sur le site afin d'éviter sa prise de contrôle par les radicaux ». Ceux-ci sont décrits comme « équipés de protections (casques, masques, boucliers) et qui emploient des projectiles de toutes sortes (cailloux lancés à l'aide de frondes et de lance-pierres puissants aux montants plantés en terre, mortier artisanal, cocktails incendiaires) ».

Malgré cela, CRS et gendarmes mobiles sont de retour le lendemain. Le commandant du GTG a alors pour « mission d'assurer la protection des engins à Montans et de la base vie du chantier (…) sauf s'il estime que la situation devient intenable pour la sécurité de la force mobile ». Pourquoi ne pas s’être retiré dans la nuit comme il en avait reçu la consigne s’il estimait « que la sécurité de ses hommes (était) menacée » ? Selon l’IGGN, le lieutenant-colonel aurait jugé « qu'une manœuvre de désengagement à courte distance des manifestants et sous leurs jets de projectiles ferait courir davantage de risques aux gendarmes que le maintien sur place ».

Sur PV, ce même commandant du GTG, entendu comme témoin dès le 26 octobre à 4 h 30 du matin, avait évoqué des consignes « d’extrême fermeté » de la part du « préfet du Tarn, par l'intermédiaire du commandant de groupement ». Le rapport de l’IGGN passe complètement sous silence ce point et ne parle que de consignes d’« apaisement ».

  •  Une enquête entravée ?

Le dimanche 26 octobre, le procureur d’Albi avait déploré que les enquêteurs n’aient pu accéder au site en raison de « l’hostilité » des opposants. En fait, d’après le rapport de l’IGGN, il semble qu’ils n’aient même pas tenté d’y retourner. « Tout déplacement sur les lieux risque d'être interprété comme une provocation de la part des forces de l'ordre et comporte des risques pour la sécurité des personnels », indique le rapport.

  • Deux mois d’affrontement

Le rapport décrit une « montée brutale en violence de l'opposition au projet à compter du 25 août 2014 ». Celle-ci coïncide avec les travaux préparatoires au début du déboisement (1er septembre) et la prise de fonction de l’actuel préfet du Tarn, juste après celle d’un nouveau commandant de groupement de gendarmerie du Tarn et du commandant de la compagnie de Gaillac (début août). Les premiers affrontements entre gendarmes et contestataires remontaient aux premières expulsions en février et mai 2014. Mais ces heurts « se résument à une résistance symbolique qui ne nécessite pas l'emploi de munitions spécifiques au maintien de l'ordre ». Entre gendarmes départementaux et militants se crée même un véritable « dialogue ».

Mais à partir du 23 août, les autorités changent de braquet. L’heure est aux conseils de guerre. Pendant deux mois, chaque soir, « le directeur de cabinet (du préfet, ndlr) anime une audio-conférence vers 19 heures avec les responsables du conseil général, le maître d'ouvrage délégué (la CACG), la mairie de Lisle-sur-Tarn et le commandant du Groupement de gendarmerie du Tarn, ce qui permet de dresser un bilan quotidien et de décider des opérations du lendemain ». Cette tactique correspond selon l’IGGN à l’apparition  d’une « poignée de radicaux regroupés dans un collectif baptisé "Tant qu'il y aura des bouilles" » et à l’influence de « 13 zadistes de Notre-Dame-des-Landes (…) formellement identifiés par les services de renseignements ». 

Le rapport évoque « une stratégie de harcèlement quotidien des forces de l'ordre ». « Les plus violents viennent au contact des GM et les harcèlent, mais dès que les gendarmes passent à l'action pour sécuriser le chantier et ses ouvriers, les meneurs se retirent et mettent en avant des opposants non-violents (écologistes, clowns, badauds...) généralement inconnus de la gendarmerie et de la police, qui s'interposent entre les forces de l'ordre et les radicaux, détaille-t-il. Des prises de vues des réactions des forces de l'ordre sont réalisées pour caractériser l'idée de réponse disproportionnée. » Photos à l’appui, l’IGGN estime que « le niveau de violence dépasse celui rencontré à Notre-Dame-des-Landes par la sophistication des moyens employés (mortiers, bouteilles d'acide, piégeages de barricades, herses artisanales) ».

L’IGGN n’hésite pas à citer le témoignage d’un journaliste de TV Libertés « infiltré » chez les zadistes pour prouver des entraves au travail des médias. Il s’agit d’une web télé apparue en janvier 2014 qui rassemble des figures des extrêmes droites françaises (Renaud Camus, Robert Ménard, les ex-FN Roger Holeindre et Martial Bild), en particulier de la Nouvelle Droite et du Club de l'Horloge (Jean-Yves Le Gallou, Yvan Blot).

  • Le décompte des blessés

Bilan de cette extrême violence des zadistes ? En deux mois, l’IGGN a recensé 13 agressions physiques sur les forces de l’ordre, dont 8 ont en fait eu lieu la nuit du 25 au 26 octobre (il s’agit des 6 CRS et 2 gendarmes dont nous avons déjà parlé). La blessure la plus sérieuse est celle d’un adjudant du PSIG touché à la main le 15 septembre lors d’une interpellation (45 jours d’ITT). Comme nous l’avions déjà écrit, deux zadistes, accusés de lui avoir porté un violent coup de pied ainsi qu’à un autre gendarme, ont été condamnés en comparution immédiate, le 17 septembre, à deux mois et quatre mois de prison avec sursis, plus un mois pour l’un d’eux pour refus de prélèvement ADN. Les deux militants ont fait appel, car ils affirment que le gendarme aurait en fait reçu un coup de ranger d’un de ses collègues au cours de l’interpellation. Le chef des renseignements territorial, qui s'était pris un coup de tête dans le nez à la sortie d'une réunion au Conseil général, a également reçu 3 jours d'ITT.

Le rapport ne compte en revanche que 7 blessés chez les manifestants, alors que plus d’une vingtaine de plaintes ont été déposées depuis début septembre. S’appuyant sur les chiffres des sapeurs-pompiers, le général Pierre Renault affirme également qu’aucun manifestant n’a été blessé la nuit du 25 au 26 octobre (en dehors de Rémi Fraisse tué). Nous en avons relevé au moins deux :

– Marc P., 56 ans, a été blessé au thorax, selon lui par un tir de projectile (sans doute un tir de LBD) en provenance des forces de l’ordre, entre 1 heure et 1 h 30 du matin. Il souffre d’une contusion pulmonaire et a reçu une ITT de 13 jours. Il a déposé plainte auprès du procureur d’Albi fin novembre, selon son avocate Me Claire Dujardin.

– Paul B., qui selon Me Dujardin, a déposé plainte le 26 novembre auprès du procureur d’Albi. « Il est tombé dans les pommes suite au jet d’une grenade assourdissante la nuit du 25 au 26 octobre et a perdu 30 % d’audition », affirme-t-elle.

Plusieurs opposants, blessés cette même nuit, ont été directement pris en charge par l'équipe médicale bénévole de la ZAD, sans passer par les secours. Ils n'ont donc pas été comptabilisés. L’un d’eux, rencontré à Sivens le 31 octobre, avait ainsi reçu une balle de LBD en haut du torse à droite. Six jours plus tard, le contour de l’impact était encore très net. Florian, un autre zadiste, présentait, lui, un énorme hématome violacé sur la cuisse : il disait avoir reçu un tir tendu de grenade lacrymogène non dégoupillée peu après minuit. Parmi les militants, certains ne veulent pas déposer plainte, soit parce qu'ils n'ont plus de papiers, plus confiance en la justice, ou parce qu'ils ont affronté les forces de l'ordre et ne veulent pas être identifiés. Ce qui rend le décompte des blessés compliqué. 

  • Déontologie : seulement deux manquements relevés

Sur l’ensemble des vidéos et plaintes des opposants, l’IGGN relève uniquement « deux cas de manquements à la déontologie » qui ont tous deux eu lieu lors de l’expulsion du lieu dit « Gazad » le 7 octobre 2014. Chance pour les opposants, ces actes de violence ont été filmés par leurs camarades. Pour le reste, «si d'autres manquements avaient été commis, il est probable que les opposants qui filmaient systématiquement les comportements des gendarmes, les auraient médiatisés », balaie négligemment l’IGGN. Nulle condamnation donc des actes de destruction des affaires personnelles des zadistes, parfois en dehors de toute expulsion judiciaire.

Dans les deux cas, ce sont des sous-officiers affectés en PSIG (peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie nationale) qui sont mis en cause. Le « manquement » le plus grave, révélé par Mediapart dès le 27 octobre, concerne Elsa Moulin, militante de 25 ans, dont la main a été grièvement blessée par une grenade de désencerclement jetée dans une caravane par un gendarme du PSIG. Devant la commission des lois, le général Pierre Renault a confirmé qu’il s’agissait d’une grenade de désencerclement et condamné « une faute professionnelle grave » du gendarme. Ce qui n’empêche pas son rapport de mettre en doute « le lien entre la blessure et le jet d'une grenade DMP dans la caravane » qui ne serait « pas établi avec certitude ». « En effet, les images ne permettent pas d'identifier l'objet dont l'explosion a provoqué le flash et la blessure », poursuit le rapport.

Le 5 novembre, lorsque nous avons rencontré Elsa Moulin, une longue cicatrice marquait sa main, à cause d'une incision réalisée par le chirurgien pour éviter une nécrose des tissus.

Elsa Moulin a failli perdre sa main après un jet de grenade par un gendarme.Elsa Moulin a failli perdre sa main après un jet de grenade par un gendarme. © LF

L’IGGN met également au conditionnel le dépôt d’une plainte car « aucun service d'enquête ne semble avoir été saisi de ces faits ». À toutes fins utiles, voici le numéro sous lequel le parquet de Toulouse nous indiquait le 6 novembre 2014 avoir enregistré la plainte avec constitution de partie civile d’Elsa Moulin : 14303000235.

L’autre « manquement » concerne un manifestant au sol roué de coups de pied par un gendarme du PSIG d’Albi. Mais selon l’IGGN, il s’agissait d’« un geste pour faire se relever l'individu sans intention de le blesser ». Le gendarme s’en est tiré par une réprimande verbale du commandant de groupement « compte tenu du contexte de sur-exposition prolongée des personnels des PSIG soumis depuis plusieurs mois à la fatigue physique et à la pression psychologique dues aux événements ».

Au bout du compte, l’IGGN ne relève donc aucun dérapage généralisé des forces de l’ordre. « Avant le décès de Rémi Fraisse, le bilan particulièrement réduit des blessures dans les rangs des manifestants depuis la fin du mois d'août, malgré la violence des confrontations, démontre que les forces de l'ordre, toutes catégories confondues (GM, CRS et GD), ont rempli leur mission avec professionnalisme et retenue », les félicite-t-elle. À un mort près.

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