Au PS, les huiles marchent sur des œufs, la moutarde ne monte pas encore au nez, mais on ne sait pas si la mayonnaise va prendre. À sept mois du congrès socialiste, ce week-end a été l’occasion pour diverses composantes du parti de se positionner en vue de l’événement interne qui devrait animer le premier semestre 2015, avec les élections départementales.
Samedi, le collectif « Vive la gauche » s’est réuni dans un gymnase du XIVe arrondissement de Paris, afin de se montrer à lui-même que, malgré les abstentions à répétition à l’Assemblée, les socialistes critiques pouvaient nourrir un projet commun. Devant près de 500 personnes, ils n’ont toutefois pas tenu de meeting enflammé, mais plutôt un espace de parole ferme mais polie, sur la nécessité de retrouver un ancrage à gauche dans la politique gouvernementale.
Rares ont été les grandes envolées contre la dérive libérale du gouvernement, venant surtout de hérauts de l’aile gauche du parti, comme Emmanuel Maurel (« Nous ne laisserons pas fracturer la gauche en notre nom ! ») ou Jérôme Guedj (« Les mots de nos dirigeants tournent le dos à l’histoire de la gauche ! »), qui ont pourtant déclenché les applaudissements les plus vifs, de la part d’une assistance semblant frustrée de tant de tempérance.
Car la plupart des intervenants ont privilégié de courts discours sans effet de manche, cherchant à apporter leur pierre à l’édifice d’une fin de quinquennat enfin utile, chacun y allant de ses espérances. De façon concrète, comme Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry (« abolir le droit de dissolution, élire la moitié des députés à la proportionnelle, soutenir la croissance plutôt que de gaspiller notre argent dans le CICE »), ou plus générale, comme le député Christian Paul (« Nous ne sommes pas condamnés à un duel Le Pen-Sarkozy ») ou l’ancienne ministre Aurélie Filippetti, nouvelle venue à « Vive la gauche » (« Il n’y a pas de fatalité ni de déterminisme pour la gauche à exercer le pouvoir sans se renier »).
Quant à Benoît Hamon, qui continue de tracer son sillon comme chef de file possible d’un tel attelage de congrès, rassemblant ailes gauche (les courants Maintenant la gauche et Un monde d’avance), anciens de la « motion Stéphane Hessel » et aubrystes, il a appelé le président de la République à prendre « quelques risques », plaidant notamment pour un référendum sur les institutions, une reprise de la bataille du droit de vote des étrangers. Et pour « faire en sorte que ce quinquennat soit associé à une grande réforme sociale ». Tout en retenue, il a plaidé pour l'unité à gauche et a estimé que « le congrès du PS ne peut être que le point de départ d’un nouveau cycle politique, dont 2017 ne sera qu’une étape, et qui implique que toutes les formations de gauche se dépassent ».
En coulisses, le sujet du congrès est davantage sur les lèvres des responsables locaux, partagés entre leur envie d’en découdre et le sentiment que la situation va rester bloquée jusqu’aux lendemains des élections départementales. « Localement, c’est clair que ça bloque un peu les velléités avec les élus, qui sont déjà en campagne et n’ont pas envie de rentrer dans le congrès », explique une députée. D’autres redoutent que la construction d’un gros « pôle gauche » du parti ne résiste pas aux stratégies de congrès. « Jusqu’ici, tout va bien, la mobilisation ne faiblit pas et s'élargit, résume Frédéric Hocquard, proche de Benoît Hamon. Quand la dynamique est bonne, c’est compliqué de se diviser sur des prétextes. » Mais beaucoup redoutent que les proches de Martine Aubry, si ce n’est carrément elle-même, affichent leur soutien à Jean-Christophe Cambadélis.
Le premier secrétaire « par intérim » (son titre officiel tant qu’il n’a pas été élu par les militants) cherche de son côté à rester le maître du jeu socialiste. Après avoir annoncé il y a deux semaines qu’il « y aura une contribution et une motion Cambadélis », le député de Paris a dévoilé dimanche, sur Europe 1, un peu plus sa stratégie. Se félicitant qu’avec l’élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP, « le temps du “tous contre le PS” s’achève », Jean-Christophe Cambadélis a cherché à se positionner comme le pivot intangible de l’exercice interne socialiste. Face à Jean-Pierre Elkabbach, il a défendu « l’autonomie de jugement du PS » face au gouvernement, tout en résumant sa ligne : « Ni godillot, ni gaucho. »
« Camba » a enfin, et surtout, mis sa majorité actuelle au pied du mur, en expliquant qu’il présenterait une contribution « au nom du secrétariat national du PS » et qu’il demanderait à « l’ensemble » des dirigeants actuels du parti de la « soutenir ». Façon de rééditer la blitzkrieg réussie par Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault lors du congrès de Toulouse de 2012 et de contraindre une large majorité du parti à se réunir dans une grande motion. « Il est entré dans les habits du premier secrétaire de la synthèse permanente, estime le porte-parole du PS, Olivier Faure. Il réussit un travail de régulation du débat dans le parti qui n’existait pas depuis le début du quinquennat, et qui a contribué à le plomber. »
Mais l’époque est différente, nous sommes à mi-mandat plombé, et il n’est pas évident que la majorité de Toulouse, déjà amputée des proches de Benoît Hamon, suive à nouveau comme un seul homme. En tout cas comme une seule grosse motion. Cambadélis, lui, veut le croire. Et quand il lui est demandé si les amis de Martine Aubry seront à ses côtés, il répond : « Ils seront dans ma contribution, évidemment, comme tout le secrétariat national. »
Pour les principaux intéressés, en dépit de la rumeur selon laquelle l’ancienne première secrétaire aurait « topé » avec son successeur, l’accord semble moins évident. « Je confirmerai cela, ou pas, quand viendra l’heure du congrès. C’est-à-dire en février », évacue François Lamy, proche de la maire de Lille et « conseiller spécial » de Cambadélis à Solférino. D’autres secrétaires nationaux aubrystes sondés disent n’être « au courant de rien ». « Je ne vois pas comment certains “frondeurs” pourraient la suivre si cela arrivait, explique un proche de Benoît Hamon. Avec quelle perspective ? Être dans la même motion que Stéphane Le Foll et les proches de Manuel Valls ? »
À l’aile droite du parti, auto-défini « pôle des réformateurs », on se dit tout aussi circonspect. Réunis ce samedi à Strasbourg, autour du maire de Lyon Gérard Collomb, du ministre Jean-Marie Le Guen ou des parlementaires Nicole Bricq et Christophe Caresche, eux ont décidé de « s’engager dans le congrès » et de déposer leur propre contribution. « On veut faire en sorte de peser dans les débats avec un texte identitaire fort sur le droit du travail ou l’ouverture du parti (au centre) », explique Caresche, qui espère pouvoir rassembler dans ce pré-congrès « les rocardiens, les proches de Moscovici et ceux de Vincent Peillon ».
S’ils entendent « participer ensuite au rassemblement » et ne voient pas d’obstacle à se ranger derrière Cambadélis, les « réformateurs » craignent de retomber dans l’« unité de façade » et « les vieux réflexes qui font qu’une fois au pouvoir, on ne sait pas vraiment comment l’exercer », comme le résume Caresche. À ses yeux, « si le premier ministre n'a pas vocation à animer un courant, il est naturellement dans la majorité du parti ». Et d’estimer que « si c’est pour dire qu’il faut faire autrement, ça va poser problème ». Au risque de voir la mayonnaise tourner vinaigre.
BOITE NOIREJe me suis rendu à la réunion de « Vive la gauche », samedi, à Paris. Olivier Faure a été rencontré la semaine dernière. Christophe Caresche a été joint par téléphone, ce lundi, tout comme François Lamy et d'autres aubrystes.
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