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Pénalités réglées par l’UMP: Sarkozy a-t-il déclaré cette faveur au fisc?

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Les deux avis du fisc sont arrivés le 18 septembre 2013 à l’hôtel particulier de Carla Bruni dans le XVIe arrondissement de Paris, adressés à Nicolas Sarkozy en personne. Le premier réclamait 363 615 euros à l’ancien chef de l’État, le second 153 000 euros. Mais plutôt que de régler lui-même ses pénalités financières, qui sanctionnaient le rejet de son compte de campagne présidentielle, l’ancien chef de l’État a prié l’UMP de sortir le carnet de chèques.

Comme on le sait (surtout depuis la polémique Jouyet-Fillon), cet arrangement fait désormais l’objet d’une information judiciaire ouverte sur des soupçons d’« abus de confiance », « complicité » et « recel » (le parti alors présidé par Jean-François Copé avait-il le droit de payer à la place du candidat ?). Mais une seconde question doit aujourd’hui se poser, d’ordre fiscal celle-là : Nicolas Sarkozy a-t-il déclaré au fisc ce cadeau de 516 615 euros ? Faut-il considérer qu’il a bénéficié d’une « donation » de la part de l'UMP ? S’est-il acquitté de « droits de mutation » ? Le devait-il ? L’administration lui en a-t-elle réclamé ?

Nicolas Sarkozy mène campagne pour la présidence de l'UMPNicolas Sarkozy mène campagne pour la présidence de l'UMP © Reuters

Sollicité à plusieurs reprises ces derniers mois, l’attachée de presse de Nicolas Sarkozy n’a pas répondu à nos sollicitations. Pas plus que la direction générale des finances publiques, chargée du recouvrement de l'impôt à Bercy (secret fiscal oblige).

La question, en tout cas, n’a rien d’iconoclaste puisque l’UMP se l’est secrètement posée, avant même de débourser les 516 615 euros. En effet, dans une « note blanche » remise à l’automne 2013 à sa direction, désormais entre les mains de la justice comme de la Commission nationale des financements politiques, l’avocat du parti, Me Philippe Blanchetier, estime non seulement que l’UMP a le droit de régler les pénalités financières du candidat, mais il analyse, en prime, « les incidences fiscales » qu’aurait un tel geste pour le contribuable Sarkozy.

Et il conclut, en tandem avec un fiscaliste du cabinet Ernst & Young, à la possibilité pour l’ancien chef de l’État d’échapper à toute imposition. La démonstration, que Mediapart a pu consulter, peut toutefois surprendre.

L'un des avis adressés par le fisc à N. Sarkozy pour réclamer le paiement de ses pénalités financièresL'un des avis adressés par le fisc à N. Sarkozy pour réclamer le paiement de ses pénalités financières © DR

En effet, Me Blanchetier commence par reconnaître qu’en cas de prise en charge de la sanction financière de Nicolas Sarkozy par l’UMP, « l’administration fiscale pourrait considérer qu’il s’agit d’un don et réclamer le paiement des droits correspondants ». « En l’absence de lien familial » entre le parti et son champion, « le tarif applicable serait de 60 % », poursuit l’avocat, citant l’article 777 du code général des impôts sur les droits de mutation.

Mais ensuite, il semble trouver une astuce. Il rappelle en effet qu’une donation inférieure à 1 594 euros est dispensée de « droits de mutation » – c’est-à-dire que son bénéficiaire ne paie aucun impôt. Il suffirait donc de considérer que la pénalité financière de Nicolas Sarkozy a été réglée par une addition de dons inférieurs à 1 594 euros !

Il se trouve, justement, que le "Sarkothon" a donné lieu à « 120 680 dons inférieurs à 1 594 euros », d’après des chiffres confidentiels visiblement obtenus par Me Blanchetier (sur 132 925 au total). De quoi, selon lui, couvrir largement les 516 615 euros de pénalités dues par Nicolas Sarkozy au Trésor public, sans exposer celui-ci à aucun droit de mutation.

Au téléphone, quand on oppose à Me Blanchetier le fait que les donateurs ont adressé leur argent à l’UMP lors du Sarkothon, et non pas à Nicolas Sarkozy, l’avocat balaie : « La collecte a été organisée par l’UMP, mais c’est Nicolas Sarkozy qui l’a lancée, qui a écrit aux Français. Il n’allait pas l’organiser lui-même, recevoir directement les chèques, les ouvrir, aller les déposer au Trésor public… Mais il est clair pour tout le monde que la collecte avait pour objet d’apurer toutes les conséquences financières de la décision du Conseil constitutionnel », y compris la pénalité financière infligée au candidat.

Il faudrait donc considérer que le versement des 516 615 euros de l’UMP au Trésor public ne constitue pas « un don direct de l’UMP » à Nicolas Sarkozy, mais une multitude de micro-dons de particuliers à l’ancien président, qui ont juste transité par l’UMP…

Une analyse juridique tirée par les cheveux ? « Ce n’est pas mon analyse, c’est le code général des impôts ! » nous répond aujourd’hui Me Blanchetier, en contrat avec l'UMP jusqu'en décembre, également défenseur de Nicolas Sarkozy en 2013 devant le Conseil constitutionnel (ce que des proches de François Fillon ont qualifié de « conflit d'intérêts »).

Quand on lui demande si sa démonstration a convaincu Nicolas Sarkozy, au point que l’ancien chef de l’État l’aurait suivie et qu’il n’aurait rien déclaré au fisc, l’avocat s’agace : « Je n’en sais rien, je ne suis pas le conseiller fiscal de l'ancien président. Mais selon moi, Nicolas Sarkozy n’avait rien à déclarer, pas d’impôt à payer. »

Pour rappel (voir notre analyse), si le Conseil constitutionnel avait eu connaissance des 17 millions d’euros de frais de meeting dissimulés pendant la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, réglés à Bygmalion par l’UMP dans le plus grand secret, la pénalité financière de Nicolas Sarkozy n’aurait pas été fixée à quelques centaines de milliers d’euros, mais bien à 17 millions.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Comment ne pas être traqué lors de vos visites web


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