« Mais que fait la police ? Elle assassine ! », « Flics, porcs, assassins »... Dans un climat parfois très tendu, les manifestants rassemblés à Paris, samedi 8 novembre, pour dénoncer les violences policières après la mort de Rémi Fraisse ont scandé tout l’après-midi des slogans sans équivoque. « J’ai la rage », a inscrit un jeune sur une petite pancarte quand un autre tient un carton où il a écrit « Et moi, vous allez me tuer ? ».
Parti plutôt clairsemé de la place de la Bastille, le cortège parisien s’est peu à peu étoffé et comptait à l’arrivée, place Gambetta, quelques milliers de personnes. Des associations de quartiers populaires ouvrent la marche en brandissant des photos de plusieurs victimes de bavures policières : des portraits de Rémi Fraisse côtoient des photos de Zied et Bouna (les deux adolescents tués dans un transformateur électrique en 2005, alors qu’ils étaient poursuivis par la police) ou de manifestants molestés. Une rangée de CRS qui protège une station-essence à l’intersection de l’avenue Parmentier et de la rue Oberkampf essuie des tirs de projectiles pendant une dizaine de minutes sous les huées de la foule. « Cazeneuve démission », peut-on encore entendre à intervalle régulier.
Des lycéens – dont les blocages de lycées jeudi et vendredi ont pris tout le monde de court – sont bien présents et défilent eux aussi en tête, loin devant les partis politiques ou les organisations traditionnelles de jeunesse qui paraissent depuis la mort de Rémi Fraisse totalement dépassées. Un lycéen proche du MILI (Mouvement inter luttes indépendant), un collectif créé l’an dernier par des lycéens suite aux mobilisations contre les expulsions de jeunes sans papiers dans le sillage de l’affaire Leonarda, voit d’ailleurs d’un très mauvais œil les quelques drapeaux d’organisations comme la Fidl ou l’UNL, des organisations de lycéens plus ou moins proches du Parti socialiste qui sont, selon lui, venues « faire de la récupération ».
En fin de cortège, une poignée seulement de lycéens défilent sous le drapeau de l’UNL (Union nationale des lycéens) aux côtés des rangs tout aussi clairsemés des partis politiques et des organisations syndicales. Ce qui ne trouble d’ailleurs pas outre mesure Sylla Kalilou, membre du bureau national de l'UNL, qui explique l’absence de son organisation dans les premiers rassemblements après la mort de Rémi Fraisse par le fait qu’« il n’y avait pas vraiment de débouché syndical. C’était juste des hommages ».
Même son de cloche dans le « cortège » de l’Unef qui ne compte guère plus d’une vingtaine de personnes au démarrage de la manifestation. « Il y a beaucoup de jeunes dans la manifestation, c’est ça qui est important », prévient Pauline Raufaste, une responsable parisienne de la principale organisation étudiante qui n’a appelé à manifester ce samedi – après moult tergiversations – que la veille à 20 h 30…
Depuis la mort du jeune militant écolo, étudiant de 21 ans, l’Unef a d’ailleurs fait preuve d’une étonnante retenue publiant simplement un communiqué demandant – au cas sans doute où personne n’y aurait songé – une « enquête indépendante » sur les circonstances de la mort du jeune homme et se gardant bien de tout appel à manifester. Et de toute condamnation des violences policières.
Contacté vendredi, William Martinet, le président de l’Unef, expliquait les hésitations de son organisation à participer à la manifestation par « un contexte un peu compliqué. Certains groupes utilisent ces manifestations pour aller à la castagne. Nous sommes donc très prudents dans les appels que nous pouvons lancer ». L’attitude de la préfecture, qui a d’abord interdit la manifestation de ce samedi avant de l’autoriser in extremis, n’a pas beaucoup aidé à construire une mobilisation. À Toulouse, où le rassemblement a été interdit, de violents heurts ont d'ailleurs eu lieu avec la police.
Pour une militante du MJS (Mouvement des jeunes socialistes) présente dans le cortège et qui se désole franchement de la faible participation, « il n’y a pas que l'attitude de la préfecture ». « C’est dur à admettre mais je crois que beaucoup à gauche ont encore un problème avec l’écologie. Rémi Fraisse a en plus été présenté par la presse comme un vilain casseur. Beaucoup ne se sentent pas concernés », lance-t-elle amèrement, avant d’expliquer qu’elle préfère ne pas donner son nom. Le communiqué des MJS appelant à la manifestation est d’ailleurs parti une minute avant le départ du cortège. Les jeunes écologistes, une petite vingtaine de personnes, pointent eux aussi un problème d'organisation et des « appels partis très tard», explique Martin, jeune militant écolo.
Les syndicats de salariés, à part Solidaires sont, eux, tout simplement aux abonnés absents.
Dans les rangs à peine plus fournis du NPA, Alain Krivine reconnaît « qu’une nouvelle génération ne se reconnaît plus dans les partis et les syndicats. Même d’extrême gauche. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’indignation mais elle ne s’exprime plus de la même façon ».
Tout aussi démuni Laurent Sorel, du mouvement Ensemble, ne peut que constater « une méfiance de la jeunesse vis-à-vis des organisations politiques. Nous sommes nous aussi – il faut l’admettre – pas suffisamment en phase avec elle ».
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