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L’ex-conseiller spécial de Christiane Taubira perd un procès en diffamation

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L’ancien conseiller spécial de Christiane Taubira au ministère de la justice, Jean-François Boutet, qui a quitté ses fonctions au mois de juin dernier, vient d’être débouté d’un procès en diffamation qu’il avait intenté à L’Express.

Dans un article publié le 27 mars 2013 (on peut le lire ici), l’hebdomadaire avait notamment écrit ceci : « Si la ministre de la justice est sortie renforcée du débat sur le mariage pour tous, les départs se multiplient dans son équipe. La place de son conseiller spécial n’y est pas étrangère. » Et de préciser : « L’un de ses collaborateurs, Jean-François Boutet, va devenir un cas. Ce conseiller spécial – c’est l’intitulé de sa fonction – l’est à plus d’un titre : membre à temps plein du cabinet, il est aussi le compagnon de la ministre. En soi, ce n’est pas interdit. L’embarras tient à un autre mélange des genres : Boutet détient une charge d’avocat près la Cour de cassation et le Conseil d’État. Autrement dit, il appartient au petit nombre de ces juristes habilités à plaider devant ces juridictions. En dépit de ses fonctions au cabinet, il poursuit son activité. Jean-François Boutet a beau exercer, au côté de Christiane Taubira, une mission bénévole, et s’engager à ne pas plaider contre l’État, cette situation inédite ne peut que déplaire à Christian Vigouroux (NDLA : alors directeur de cabinet Place Vendôme), auteur d’un manuel de référence intitulé "Déontologie des fonctions publiques". »

Christiane TaubiraChristiane Taubira © Reuters

Dans une réponse à un « twit » ironique de Christiane Taubira, le directeur de L’Express, Christophe Barbier, s’était défendu de mélanger vie publique et vie privée, et avait ajouté, à l’intention de la ministre, que « la présence de son compagnon au sein de son équipe est un réel problème ».

Jean-François Boutet demandait 2 euros de dommages et intérêts à l’hebdomadaire. Mais dans un jugement rendu le 15 octobre dernier (et dont Mediapart a pris connaissance), la 17e chambre civile du tribunal de grande instance de Paris, présidée par Marie Mongin, a estimé que cet article n’était pas diffamatoire (la loi sur la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »). Le tribunal a débouté Jean-François Boutet de toutes ses demandes, et l’a condamné aux dépens ; il devra verser 3 000 euros de frais de procédure.

Jean-François BoutetJean-François Boutet

Sollicité par Mediapart, l'intéressé annonce son intention de faire appel du jugement. « Même si je ressens une certaine lassitude, j’estime que le tribunal a botté en touche dans cette affaire. Je mettais en cause le fait que l’on évoque une prétendue relation privée entre la ministre et moi-même qui n’a jamais existé. Ça me choque. Tout cela est une mayonnaise qui a été montée, mais dans quel but, je l’ignore », lâche Jean-François Boutet.

Reste qu'au sein du ministère de la justice, à l'époque, ce n’est pas tant cette « prétendue relation privée » qui créait un certain embarras, mais le fait que le conseiller spécial de la ministre continue à plaider. Un mélange des genres qui constituait un conflit d’intérêts aux yeux de plusieurs conseillers et magistrats. Jean-François Boutet explique pour sa part que les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation n'ont pas la possilité de se faire « omettre » (désinscrire) de leur ordre professionnel, et que sa situation ne posait pas de problème.

Quoiqu'il en soit, la leçon semble avoir été retenue. Le nouveau directeur de cabinet de Christiane Taubira, Gilles Le Chatelier, ancien conseiller d’État devenu avocat, a ainsi pris soin de se faire omettre du barreau avant de prendre ses fonctions Place Vendôme, en avril dernier. Alors associé et actionnaire du cabinet lyonnais Adamas, il a cessé de plaider, même s’il a conservé ses parts dans le cabinet, explique Romain Granjeon, le président d’Adamas. « Nous avons tout étudié avec le Conseil de l’ordre des avocats et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique », précise-t-il à Mediapart.

Le risque de conflit d’intérêts était en effet réel, puisque Gilles Le Chatelier avait plaidé un dossier contre l’Agence publique pour l'immobilier du ministère de la justice, en 2012, au sujet de la reconstruction de la prison de Draguignan, et que cette agence a, depuis lors, fait appel aux services du cabinet Adamas pour ce même dossier, en septembre 2014. Un cas unique, qui est seulement dû à l’arrivée d’un nouvel associé au cabinet, et aucunement aux nouvelles fonctions de Gilles Le Chatelier, selon Romain Granjeon.

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