Quantcast
Channel: Mediapart - France
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Le Plan pour le numérique à l'école donne lieu à un mélange des genres

$
0
0

Le numérique à l’école est une filière industrielle d’avenir. Il a, en tout cas, été consacré comme tel par Bercy parmi 34 filières qui doivent dessiner la « nouvelle France industrielle » aux côtés de la nano-électronique ou la chimie verte et les biocarburants. Répondant à un rapport du cabinet Mc Kinsey qui avait identifié ces secteurs comme susceptibles de « jouer la rupture pour une Renaissance de l’industrie française », feu le ministère du redressement productif avait lancé, à l’automne 2013, 34 chantiers pour déterminer dans chacun de ces secteurs les leviers d’actions des pouvoirs publics pour permettre son émergence/développement en France.

Des chefs de projets – des industriels de chacun des 34 secteurs – ont été désignés dans la foulée pour coordonner la mission et produire une série de recommandations. Dans le cas du chantier de l’« E-éducation », Deborah Elalouf, dirigeante de la PME Tralalère, a été désignée chef de projet aux côtés de Jean-Yves Hepp, président de Unowhy, une PME produisant notamment des tablettes numériques.

Début juillet, les deux chefs de file ont présenté leurs conclusions à Bercy devant les ministres concernés et Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement. Ils préconisent d’équiper en outils numériques (tablettes/PC) 70 % des élèves d’ici 2020 et de développer parallèlement des contenus pédagogiques en France pour ne pas perdre dans ce domaine stratégique une souveraineté nationale.

Des recommandations qui offrent incontestablement de belles perspectives pour la société de Jean-Yves Hepp qui s’est positionnée depuis quelques années sur la production de tablettes éducatives made in France mais aussi sur les « ressources pédagogiques digitales ». L’offre Sqool de Unowhy « constitue un écosystème complet et sur mesure qui peut répondre à toutes les problématiques de l’Éducation nationale», indique la start-up sur son site.

« Est-ce que parce que j’ai fait ce travail pour le ministère, je dois être exclu de tous les marchés à venir ? Je ne le pense pas », répond le dirigeant de la petite société lorsqu’on évoque sa délicate situation. Son entreprise, qui a déjà décroché des financements publics via les programmes d’investissement d’avenir en 2010, pourrait évidemment être très prochainement amenée à répondre à des appels à projets qui satisferaient aux recommandations qu’il a lui-même co-définies…

Mi-octobre, un projet de la société de l’autre chef de file, Deborah Elalouf a, lui, été sélectionné dans le cadre de l’appel à projet numéro 3 du plan d’investissement d’avenir, intitulé « e-education – apprentissage fondamentaux à l’école ». Les dix lauréats – entreprises et partenaires – se partageront une enveloppe totale de 9,6 millions d’euros, soit de 625 000 euros à 1,1 million d’euros par projet. Ce qui n’a pas manqué de susciter un certain malaise au sein de l’Éducation nationale, le Syndicat national des lycées et collèges (SNALC) s'interrogeant sur la transparence des procédures suivies et évoquant prudemment un possible « scandale ». 

Contactée par Mediapart, Deborah Elalouf assure qu’« il n’y a aucun rapport entre les deux sujets ». Pour elle, la chronologie doit suffire à dissiper tout malentendu. « Nous avons répondu à cet appel à projet en septembre 2013. Il s’agissait d’un projet sur lequel nous travaillions depuis des années. J’ai été nommée un mois plus tard chef de projet “E éducation” », précise-t-elle, avant de souligner qu’il s’agissait d’une « mission bénévole au service du gouvernement et qui n’était pas facile à tenir tout en dirigeant une PME. »

Si elle dit comprendre les interrogations, elle récuse néanmoins tout conflit d’intérêts : « Il n’y avait aucune porosité entre la mission que j’ai menée et mon activité de chef d’entreprise. Il ne faut pas tout mélanger. J’ai sans doute été choisie par le ministère pour mener cette mission parce que les projets de Tralalère sont reconnus sur le terrain. Il fallait produire une analyse “macro” sur la liaison entre “numérique” et “école”, alors que de l’autre côté, nous avons répondu à un appel à projet très précis sur le numérique et les apprentissages fondamentaux. »

Pour Jean-Yves Hepp, le soupçon qui plane sur sa double casquette est inacceptable. « Si on suit cette logique, il faudrait que l’État ne construise jamais aucun plan avec des industriels. À l’étranger, en Corée ou aux États-Unis par exemple dans notre secteur, ils se posent moins de questions. » Que l’État confie à Carlos Ghosn, le PDG de Renault, la stratégie du « véhicule autonome », ou à Antoine Frérot, le PDG de Veolia, « recyclage et matériaux verts », ne lui paraît pas illogique.

À Bercy, on écarte énergiquement l’existence de possibles conflits d’intérêts dans les procédures suivies. « Les projets ont été examinés par un comité d’experts en toute indépendance. L’un des deux projets déposés par la société Tralalère n’a d’ailleurs pas été retenu », explique-t-on. Un demi-conflit d'intérêts ?

 

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Récupérer en clair tous les mots de passe Firefox avec un script Python


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Trending Articles