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Barrage de Sivens : l’Etat en première ligne

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Réunion très sensible ce mardi 4 novembre au ministère de l’écologie : la preuve, la liste des participants n'a été arrêtée que la veille, dans l’après-midi. Au départ, les associations environnementales, dont France Nature Environnement, la fédération à laquelle appartient Nature Midi-Pyrénées, où Rémi Fraisse était bénévole, n’étaient pas même conviées. Finalement, elles prendront place autour de la table avec des élus locaux, le préfet, le porte-parole du collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, Ben Lefetey, des représentants des services administratifs (dont l’Agence de l’eau Adour-Garonne) et des organisations agricoles.  

Manifestation devant le conseil général d'Albi, le 31 octobre (JL).Manifestation devant le conseil général d'Albi, le 31 octobre (JL).

Que faire du projet de barrage de Sivens (Tarn) après la mort d’un jeune manifestant tué par une grenade offensive lancée par les gendarmes ? Depuis une semaine, le gouvernement et le conseil général du Tarn, maître d’ouvrage, se défaussent l’un sur l’autre. Vendredi, le département a suspendu le chantier sans l’abandonner, et a demandé à l’État « de prendre ses responsabilités » par la voix de Didier Houles, vice-président divers gauche. Deux jours plus tard, Ségolène Royal a estimé qu’il y avait eu une « erreur d’appréciation » sur ce barrage et qu’« aujourd’hui, une décision de construction d’un ouvrage tel que celui-ci ne serait plus possible ». Pour autant, elle a renvoyé la balle dans le camp des conseillers généraux du cru : « Je ne me substituerai pas au maître d’ouvrage chargé de prendre la décision de construire. »

Pourtant, s’il le voulait, le gouvernement pourrait sans délai mettre fin à ce chantier contesté. « L’État peut retirer à tout moment une déclaration d’utilité publique », explique Hélène Bras, avocate spécialisée en droit de l’environnement. Une déclaration d’utilité publique (DUP) n’est pas un acte créateur de droit. Elle peut donc être annulée sans grande difficulté. Le seul problème juridique éventuel serait une action en justice des personnes expropriées par l’État. Un cas qui ne se pose pas pour le chantier du barrage de Sivens, puisque le site appartenait déjà au conseil général.

Il resterait alors à indemniser les sociétés ayant remporté les marchés ouverts par la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG), en charge des travaux. Les sommes ne seraient pas considérables. En tout cas, bien inférieures aux plusieurs centaines de millions d’euros que l’État devra payer à Ecomouv pour l’abandon de l’écotaxe.  

Retirer la déclaration d’utilité publique, c’est exactement ce que le gouvernement a toujours refusé de faire à Notre-Dame-des-Landes, autre grand projet contesté. Changera-t-il d’attitude pour le barrage de Sivens où les risques juridiques sont réels ? Cette déclaration d’utilité publique fait l’objet de plusieurs recours par des associations écologistes, dont France Nature Environnement, et la justice administrative pourrait bien suivre les arguments des opposants (lire ici notre précédent article).C'est d'ailleurs en pleine connaissance des failles juridiques du projet que le conseil général a décidé d'accélérer le lancement des travaux.

D’autres recours sont à venir, notamment à cause de la destruction d’une partie de la zone humide du Testet qui devait être préservée dans le cadre des mesures compensatoires, comme Mediapart l’expliquait la semaine dernière. « Si cette destruction est confirmée, les associations de défense de l’environnement porteront l’affaire devant la justice pénale pour demander réparation du préjudice subi », explique Alice Terrasse, avocate de France Nature Environnement. La destruction d’une zone humide sans autorisation est un délit.

Si la puissance publique refuse de revenir sur le caractère d’utilité publique du barrage, deux options sont proposées par les experts auteurs d’un rapport très critique sur le projet : réduire le volume de la retenue de l’ouvrage, et modifier l’utilisation de l’eau retenue, afin d’améliorer le bilan environnemental du projet. Mais dans ces deux hypothèses, il faudrait probablement procéder à une nouvelle déclaration d’utilité publique. Le droit français ne permet pas de DUP modificative. Il faudrait donc probablement tout recommencer, notamment les procédures de consultation du public.

Quelle que soit l’issue choisie par le gouvernement, l’État se retrouve donc en première ligne sur le barrage de Sivens. S’il décidait de valider le chantier, au prix de quelques modifications, malgré la mort d’un jeune homme, alors qu’il a cédé aux bonnets rouges bretons sur l’écotaxe, cela pourrait difficilement passer pour un choix de gauche.

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