Formation politique au plus mal recherche président. Dette colossale de 78,5 millions d’euros à gérer, ambitions personnelles à recadrer, machine à idées à relancer. Le titulaire du poste devra également faire « toute la transparence » sur une affaire connue par tous sous le nom de Bygmalion, mais que d’aucuns font encore mine de surnommer « Pygmalion ». Poste à pourvoir à compter du 29 novembre. L’annonce publiée par l’UMP après la démission forcée de Jean-François Copé au mois de juin n’a rien d’alléchant et pourtant, trois personnes – dont un ancien président la République – y ont répondu.
Bruno Le Maire, Hervé Mariton et Nicolas Sarkozy ont encore un mois de campagne devant eux. Un mois pour convaincre les 268 341 adhérents de l’UMP du bien-fondé de leur candidature, mais aussi de leur capacité à redonner de la voix à une opposition devenue muette (ou du moins inaudible) au lendemain du 6 mai 2012. Après avoir longuement disserté sur sa vision de la France, ou plus précisément sur le danger que représente à ses yeux l’immigration, l’ex-chef de l’État s’est enfin décidé à tracer les premiers contours de la future formation politique qu’il ambitionne de présider.
Fonctionnement décentralisé, méthode participative, rassemblement… Selon Le Monde, Nicolas Sarkozy préparerait un « projet radical ». « Radical, radical… Il a surtout repris les idées de Bruno Le Maire ! » raille un proche du député de l’Eure. Les trois candidats à la tête de l’UMP se rejoignent en effet sur de nombreuses propositions structurelles, à commencer par la nécessité d’associer les militants à l’élaboration du programme présidentiel et de généraliser leur vote pour les investitures à chaque élection locale ou nationale. Cependant, un sujet de taille différencie l’ancien président de ses deux adversaires : celui de la survie du mouvement.
Nicolas Sarkozy l’a clairement annoncé au Monde et devrait le répéter lors de son meeting parisien du 7 novembre : s’il prend la tête de l’UMP, c’est pour mieux l’enterrer dans cinq mois, après les élections cantonales de mars 2015. L’ex-chef de l’État ne souhaite pas relancer la machine qui l’a conduit à l’Élysée en 2007. Il veut en créer une nouvelle. Avec un autre nom et une autre organisation. D’autres méthodes également ? La question fait sourire ses adversaires. « On peut aussi appeler ça le PMU à la place de l'UMP. Si c'est ça le changement, ça ne sera pas tout à fait fondamental », s’était amusé Alain Juppé sur BFM-TV, dès la fin du mois de septembre.
Qu’importent les ricanements, Nicolas Sarkozy entend bien faire table rase du passé, imaginant sans doute qu'il en sera de même pour les divisions et les affaires qui gangrènent le parti. « Il déplace le sujet », soupire Hervé Mariton, qui se dit « contre la disparition de l’UMP ». « Ce serait une folie de supprimer aujourd’hui l’UMP, a expliqué pour sa part Bruno Le Maire, ce lundi 3 novembre. Dans les temps extraordinairement difficiles que nous traversons, on n’a pas de temps à perdre à réécrire des statuts. » De fait, les ténors de la droite n’ont aucun intérêt à ce que l’ancien président repolisse la structure du parti pour en faire sa machine de guerre personnelle en vue de 2017.
Nicolas Sarkozy a beau multiplier les odes au rassemblement, nul n’est dupe quant à ses véritables intentions. « Il n’a rien à faire de l’UMP, tranche un proche de Le Maire. Tout ce qui l’intéresse, c’est lui, lui et encore lui. Il prend le parti comme il l’a pris en 2004. Pour conquérir l’Élysée. Point barre. » En faisant de sa propre personne le principal axe de son projet, l’ex-chef de l’État renoue avec le culte du chef si cher à la droite bonapartiste. La future organisation du parti, telle qu’il l’imagine, a d’ailleurs été planifiée dans ce sens. Sous couvert de déléguer au maximum – en créant une sorte de “shadow gouvernement” comme avait tenté de le faire en vain Michèle Alliot-Marie avec le RPR au début des années 2000 –, il se réserve en vérité une place de choix, au-dessus de la mêlée, loin du brouhaha médiatique et des considérations administratives.
Reste un petit problème. Une pièce du kit dont le montage final pourrait se passer, mais que Nicolas Sarkozy doit tout de même placer quelque part : les primaires de 2016. « Il y aura des primaires, elles seront ouvertes », ne cesse de répéter l’ex-chef de l’État, sans jamais convaincre ses opposants. « La disparition de l’UMP, c’est peut-être une façon de préempter les primaires ? » s’interroge ainsi Hervé Mariton. « Quand il aura récupéré le parti et que nous aurons gagné les cantonales et les régionales parce que la gauche est nulle, il pourra toujours dire que nous n’avons plus le temps d’organiser des primaires, prévoit un autre député, soutien de Bruno Le Maire et de François Fillon. Ou alors il pourra expliquer que l’UDI n’a pas voulu y participer et qu’il ne sert à rien qu’elles soient ouvertes. Dans tous les cas, il trouvera bien une raison d’y échapper. »
Les responsables de l’UMP sont passés maîtres dans l’art de la construction intellectuelle. En “on”, ils se défendent de « confondre les échéances ». Mais en “off”, ils créent des rebondissements à faire pâlir les scénaristes de House of Cards. Tous savent pertinemment que l’élection du 29 novembre n’intéresse pas grand monde ou tout au moins, qu’elle n’est pas le véritable sujet. Dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, on répète d’ailleurs cette évidence pour se rassurer : qu’importe si le retour du champion est raté, puisqu’il ne s’agit pas encore du vrai, grand et noble retour.
D’autant que « c’est réussi auprès des militants », souligne le porte-parole de l’ancien président, Gérald Darmanin, avant d’ajouter : « La question qui se pose à présent est celle de l’étape d’après. Les Français attendent-ils encore Nicolas Sarkozy ? Je ne sais pas. » Le député et maire de Tourcoing (Nord) est en revanche certain de « la force et de la volonté (de l’ex-chef de l’État) de calmer tout le monde ». Nicolas Sarkozy ne veut plus entendre parler de courants ni d’écuries présidentielles ni de « chapelle dans la cathédrale ». Soit. Mais il ne pourra rien faire contre la nouvelle guerre des chefs qui se profile. Une guerre froide, certes – leçons de l’épisode Copé-Fillon obligent –, mais une guerre quand même. Les récents ralliements des députés Édouard Philippe (proche de Juppé) et Jérôme Chartier (proche de Fillon) à Bruno Le Maire en sont les prémices.
D’ici quelques mois, tous les candidats aux primaires de 2016 ne parleront plus que de cette nouvelle échéance. « Il y a un moment où cela deviendra indigeste », regrette Hervé Mariton qui promet pour sa part de ne briguer “que” la présidence de l’UMP. Un programme “participatif”, des investitures décentralisées, des primaires pour désigner le candidat de 2017… Le cahier des charges de la nouvelle UMP est tel que l’on se demande un peu l’intérêt d’en devenir le patron. Et ce, sans parler de la situation financière et judiciaire du parti que le futur patron devra forcément gérer.
Mais que diable Mariton, Le Maire et Sarkozy vont-ils faire dans cette galère ? À cette question, les équipes des trois candidats ont des réponses parfaitement huilées, évoquant tour à tour l’« unité », le « bien du pays » ou encore la « dignité des militants ». De bonnes intentions derrière lesquelles se cachent des calculs politiques bien moins glorieux. En tenant bon face à Nicolas Sarkozy, Hervé Mariton et Bruno Le Maire s’assurent une présence non négligeable dans le paysage. Quant à l’ancien président, il s’offre avec sa candidature une occasion inespérée de rester dans la course face à des adversaires de plus en plus redoutables. « Il n’a pas de mandat et l’UMP est extrêmement divisée, rappelle Gérald Darmanin. Je ne suis pas sûr qu’il aurait pu s’imposer autrement. C’est aussi une manière pour lui de défendre son bilan et de répondre aux attaques. »
Les « attaques » dont l’ex-chef de l’État se dit victime ne sont pas seulement politiques, elles gagnent aussi l’espace judiciaire. Or, si Nicolas Sarkozy est élu dans un mois, les affaires ne le concerneront plus seulement à titre personnel. Elles viseront également le nouveau patron de l’opposition. Et il ne sera pas très compliqué de crier au complot politique dès lors qu’un dossier sera soulevé par la justice. L’affaire Bygmalion va notamment créer une situation pour le moins schizophrénique : Nicolas Sarkozy, nouveau patron d’une UMP qui s’est portée partie civile dans le dossier, devra également répondre aux nombreuses questions qui entourent sa campagne présidentielle de 2012. Ses adversaires s’en frottent déjà les mains. « Cela risque d’être assez drôle… », s’amuse un proche de François Fillon.
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