C'est au milieu d'affaires de harcèlement entre ex-conjoints et d'agressions physiques qu'Alain Pojolat a comparu, ce mercredi, devant la 24e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. Le militant du NPA se voyait reprocher d'avoir organisé et appelé à une manifestation, malgré son interdiction par la préfecture de police de Paris, lors des deux rassemblements en soutien au peuple palestinien, à Barbès puis sur la place de la République, les 19 et 26 juillet derniers (lire nos articles ici et ici et, dans le Club, l'appel de soutien : "La solidarité est un droit, pas un délit").
Assez rapidement, la relaxe est apparue inévitable, tant l'accusation se révélait faible, de la convocation à comparaître bourrée de fautes d'orthographe et de syntaxe, relevées par la juge, jusqu'à l'argumentaire de la mise en cause. « Après les décisions d'interdiction, j'ai informé mon parti et les autres organisations qui ont décidé collectivement de leur présence », a dit Pojolat, qui représentait le NPA lors des discussions préalables avec la préfecture. Déjà condamné en juin pour un rassemblement, non déclaré, de soutien pour la libération du militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné depuis trente ans en France (lire ici), Pojolat, retraité de la BNP qui milite à l'extrême gauche depuis les années 1960 (lire ici son portrait), se sait l'objet d'une attention particulière. Manuel Valls a cité son nom à la presse pendant l'été, avant qu'il ne fasse l'objet d'un portrait particulièrement à charge dans le Nouvel Observateur. Devant la juge, il précise : « Je ne suis allé à aucune des deux manifestations, ni n'ai appelé à manifester après la notification de la préfecture, bien que j'y étais favorable personnellement. »
À quelques mètres du tribunal, un rassemblement de soutien a réuni une centaine de personnes, parmi lesquelles Olivier Besancenot (NPA), Arlette Laguiller (LO) ou Éric Coquerel (PG), dénonçant la criminalisation de la mobilisation pour la cause palestinienne. Dans la salle d'audience, les « Palestine ! Palestine ! » puis « l'Internationale » ont résonné de l'extérieur aux oreilles de la procureure pendant son réquisitoire, alors que l'ancien candidat à la présidentielle Philippe Poutou ou Monseigneur Gaillot s'étaient glissés dans l'assistance.
Selon la représentante du parquet, il aurait fallu « tout faire pour que les rassemblements n'aient pas lieu, une fois que l'interdiction de la préfecture était notifiée ». Et d'estimer que Pojolat « aurait dû participer à la "désorganisation" de la manifestation ». Elle requiert 2 mois de prison avec sursis (sans s'exprimer sur la précédente condamnation du prévenu, susceptible de potentiel emprisonnement ferme) et une amende de 1 500 euros.
Pour le défenseur du militant NPA, Me Jean-Louis Chalanset, cette plainte s'inscrit dans un contexte politique plus global, rappelant le soutien de l'Élysée à l'intervention militaire israélienne à Gaza ou le fait que Manuel Valls se dise « pro-Israël ». Interrompu par la présidente – « Ne faites pas de ce tribunal une tribune politique ! » –, l'avocat réplique : « Mais on reproche à mon client une action politique ! Si le parquet était un minimum indépendant, il aurait dit lui-même que cette plainte n'est pas fondée. Ou alors il fallait poursuivre le NPA et la dizaine d'organisations qui ont appelé à la manifestation, et ont maintenu leur appel malgré l'interdiction. »
Puis il enfonce le clou, après avoir rappelé que « beaucoup de rassemblements lycéens ou paysans ne font pas non plus l'objet de demandes d'autorisation », et lance : « On a le droit de résister et de manifester, si on considère que la cause est légitime. Avant d'appeler à manifester, il faudrait s'assurer qu'un rassemblement est autorisé ? Mais on parle de bombardements sur Gaza, qui ont provoqué des manifestations spontanées partout en province et dans le monde. Il n'y a qu'à Paris qu'elles ont été interdites… » Alain Pojolat conclut l'audience d'une dernière phrase : « Quelle que soit la décision du tribunal, aucun gouvernement de gauche, de droite ou d'extrême droite, ne nous empêchera jamais de manifester notre soutien à la cause palestinienne. »
En attendant le verdict, dans le hall, plusieurs militants et avocats proches de la cause palestinienne discutent. Parmi eux, Me Dominique Cochain raconte les « jugements très sévères » prononcés contre la trentaine de personnes jugées après les interpellations lors des rassemblements estivaux de soutien à Gaza. « Le plus souvent, les vrais casseurs se sont enfuis et ce sont ceux qui sont restés en pensant n'avoir rien à se reprocher qui ont été attrapés, dit-elle. Dans la plupart des cas, les prévenus le sont pour rébellion face aux forces de l'ordre, en fait des policiers en civil. À aucun moment, il ne leur a été accordé le bénéfice du doute. »
Elle évoque ces dossiers de photos de dégradations, « identiques pour chaque affaire », extraites des enregistrements de vidéosurveillance, où l'on voit « le lieu dégradé, mais quasiment jamais l'acte reproché en train d'être commis ». Elle regrette aussi « la confusion dans les têtes de certains magistrats, plusieurs semaines après, entre manifestations autorisées et interdites », et dit son sentiment que « le reproche principal qui est fait, c'est juste celui de jouir d'une liberté fondamentale. Une fois, un juge a même demandé à mon client : “Mais qu'êtes-vous allé faire dans cette galère ?” Il manifestait juste son indignation… »
Une fois relaxé, au milieu de ceux venus l'embrasser, criant leur joie ou écrasant quelques larmes, Alain Pojolat ne se départira pas de sa gravité. « Je ne suis pas soulagé, cette décision est juste normale. On va désormais voir si le parquet fait appel (il a dix jours pour le faire, ndlr), et ainsi continuer l'acharnement du gouvernement contre ceux qui se montrent solidaires de la cause palestinienne. »
Revoir notre débat sur les manifestations de soutien à Gaza interdites à Paris :
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