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Soutien à Sarkozy: des fillonistes «s'assoient sur leurs convictions»

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La photo n’a pas deux ans, mais elle paraît dater d'un autre temps. Nous sommes fin 2012, en pleine crise pour la présidence de l’UMP. François Fillon vient de créer le Rassemblement-UMP (RUMP), un groupe parlementaire éphémère, destiné à mettre la pression sur Jean-François Copé pour qu’il accepte la tenue d’un nouveau scrutin interne. Certains élus de l’opposition voient dans cette initiative un moyen efficace de prendre leurs distances avec cette fameuse “droite décomplexée” amorcée par Nicolas Sarkozy au cours de son quinquennat et confortée par le député et maire de Meaux jusqu'à sa démission forcée au mois de juin 2014.

François Fillon et ses soutiens, en 2012.François Fillon et ses soutiens, en 2012. © DR

Ce jour-là, dans un escalier de l’Assemblée nationale, les quelques 70 députés qui ont suivi l’ancien premier ministre prennent la pose derrière leur champion. Le message est clair : c’est un bloc indéboulonnable qui se présente sous l'objectif grand angle du photographe. Une équipe aussi soudée qu'elle semble décidée à rompre avec les vieilles méthodes. En deuxième ligne, juste derrière François Fillon, figurent Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Christian Estrosi et le fidèle député du Val-d'Oise, Jérôme Chartier. À l’exception de ce dernier, tous ont dernièrement officialisé leur soutien à Nicolas Sarkozy pour l’élection du futur patron de l'UMP.

Eux qui applaudissaient, il y a encore quelques semaines, François Fillon lorsqu’il attaquait frontalement l’ex-chef de l’État, baissent à présent les yeux quand celui-ci se félicite de les avoir rassemblés derrière sa candidature. Ils ont beau jurer, comme l’ont fait Pécresse et Ciotti, que le vote du 29 novembre prochain ne les engagerait nullement pour la primaire de 2016, le résultat est le même : leur prise de position affaiblit l’ancien premier ministre dans ses velléités élyséennes. Par mépris pour la « caporalisation », Fillon avait décidé de ne donner aucune instruction à ses troupes, se contentant de souligner la nécessité de mettre en place une « nouvelle génération » à la tête du parti. Mais les sous-entendus, aussi appuyés furent-ils, n'auront pas suffi à empêcher ses plus belles prises de décrocher de l'hameçon.

« Fillon aurait dû prendre position pour Bruno Le Maire », regrette le député de Paris Bernard Debré, qui a accordé son parrainage à Hervé Mariton « pour qu’il puisse se présenter », mais qui votera en faveur du député de l’Eure. « Cela aurait permis d’éviter que tout ce monde aille baiser la babouche au moindre mouvement de foule. » D’autant que si l’on en croit un conseiller de l’ancien premier ministre, Bruno Le Maire emporte largement le suffrage des députés fillonistes : « Ils sont 23 à le soutenir, contre 8 pour Nicolas Sarkozy et 9 pour Hervé Mariton. Sans parler du Sénat ! On est quand même loin de l'hémorragie qu'on nous promettait ! »

Et ce conseiller d'égrener les noms des « rares personnalités » qui ont choisi de rallier Sarkozy : Éric Ciotti (Alpes-Maritimes), Valérie Pécresse (Yvelines), Éric Woerth (Oise), Marianne Dubois (Loiret), Camille de Rocca-Serra (Corse-du-Sud), Patrick Ollier (Hauts-de-Seine), François Guégot (Seine-Maritime), Philippe Goujon (Paris)... Quant aux autres, « cela fait longtemps que l'on a compris qu'ils ne roulaient que pour eux-mêmes ».

Christian Estrosi et Éric Ciotti.Christian Estrosi et Éric Ciotti. © Reuters

Les proches historiques de François Fillon se rassurent en répétant à qui veut l'entendre que « le retour de Sarko est raté » et qu'il « ne tiendra pas jusqu'en 2017 parce que les affaires l'arrêteront avant ». Mais ils restent toutefois très lucides quant à la situation de leur propre champion. Oui, l'ancien premier ministre traverse « une mauvaise passe ». Oui, il ne fait aucun doute qu'Alain Juppé et Nicolas Sarkozy l'ont déjà écarté du jeu, « du moins médiatiquement ». Et oui, deux ans avant la primaire, ce « malheureux constat » ne peut que les faire grimacer. Du coup ? « Du coup, on fait le dos rond et on continue de travailler sur le fond », glisse sans trop y croire un fidèle filloniste. Pour le reste, « chacun s’arrange avec sa conscience », assène un autre ex-membre du RUMP.

Parmi les troupes de l'ancien premier ministre, chacun prend soin de distinguer les différents ralliements à Nicolas Sarkozy. Il y a « ceux qui ne pensent qu'à eux et se voient déjà ministres en 2017 ». Comprendre Christian Estrosi, Laurent Wauquiez ou encore François Baroin. Pour Bernard Debré, ceux-là sont « allés un peu vite en besogne » parce qu'ils « ne se sont pas rendu compte que le retour de Sarko n’était pas si évident ».

Et puis, il y a « les autres », ceux qui « ne veulent pas être emmerdés » : Éric Ciotti, par exemple, qui n'aurait pu prendre « le risque de se mettre à dos tout le département des Alpes-Maritimes (l'un des plus sarkozystes de France – ndlr) », mais aussi le président de la fédération UMP de Paris, Philippe Goujon, et Valérie Pécresse qui ne pense qu'aux régionales de 2015 et à qui Nicolas Sarkozy a déjà proposé de coordonner l’ensemble des têtes de listes pour ce scrutin, lors d'une réunion organisée début octobre avec plusieurs élus fillonistes.

Certaines propositions ne se refusent pas. Surtout lorsqu'elles émanent de celui dont la victoire en novembre ne fait de doute pour personne. Finalement, « chacun exprime sa liberté comme il le souhaite », élude le député du Val-d’Oise, Jérôme Chartier, qui réfléchit de son côté à une éventuelle prise de position qu’il rendra publique « entre le 15 et le 20 novembre ».

« On fait avec la réalité, renchérit un autre élu filloniste, Pierre Lellouche, qui ne souhaite pas s'exprimer sur son vote. J’ai tout vu en politique, rien ne me surprend plus. Ce qui m’importe, c’est la façon dont je me comporte, moi. Je reste droit dans mes bottes en continuant à soutenir Fillon. » Le député de Paris nous fait part de son point de vue par téléphone, mais le clin d'œil adressé aux parlementaires qui ont choisi de rallier Sarkozy après l'avoir tant critiqué n'en est pas moins visible.

Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy, en 2011.Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy, en 2011. © Reuters

Bernard Debré va encore plus loin : lui se dit purement et simplement « choqué » par la prise de position de ses ex-camarades du RUMP. « Ils disent “je suis du côté de Sarkozy, mais je soutiendrai Fillon en 2016”. Comme si cette élection n'était pas un marche-pied pour la primaire... C'est ridicule, s'agace-t-il. Certains s’assoient sur leurs convictions pour s’acheter une tranquillité. Mais où est-on si on ne peut pas dire ce que l’on pense vraiment ? C’est devenu quoi l’UMP ? Le parti communiste d’il y a trente ans ? »

Les ralliements de Valérie Pécresse et d’Éric Ciotti ont été annoncés dans la presse par les intéressés un ou deux jours avant la venue de Nicolas Sarkozy dans leurs départements respectifs, les Yvelines (le 7 octobre à Vélizy-Villacoublay) et les Alpes-Maritimes (le 21 octobre, à Nice). Ils ont été prononcés du bout des lèvres et assortis de toutes les précautions langagières possibles et imaginables. « Il faut lire entre les lignes : c’est un vote, pas un soutien », prévenait ainsi l'entourage de l'ancienne ministre de l'enseignement supérieur quelques heures après son interview au Journal du dimanche. Les ficelles sont tellement grosses qu’elles ne trompent personne. Pas même les militants pro-Sarkozy qui avaient hué Pécresse lors du meeting de Vélizy.

Qu’importent les sifflements et les sourires figés. Nicolas Sarkozy est ravi de son tour de passe-passe. Pendant ses réunions publiques, il s’amuse à souligner « le calme » qu’il a, selon lui, réussi à instaurer depuis son retour. « Même si ce n’est pas sincère, c’est plus calme... », plaisantait-il encore le 7 octobre face à un parterre de fans inconditionnels qui lui répondaient en criant : « Méfiez-vous ! », « C’est de l’opportunisme ! ». Malgré ce qu’il tente de faire croire, l’ex-chef de l’État n’a pas calmé les esprits à droite. La guerre qui l’oppose à son ancien premier ministre est toujours aussi vive. En témoigne la « rencontre sous haute tension » des deux hommes dont le JDD s’est fait écho.

Nicolas Sarkozy et François Fillon, en 2012.Nicolas Sarkozy et François Fillon, en 2012. © Reuters

« Pourquoi ça ne serait pas toi qui nous soutiendrais, Alain ou moi, en 2017 ? » a demandé Fillon le 2 octobre à Sarkozy lors de leur entrevue au domicile de René Ricol, le président d'honneur de l'ordre des experts-comptables. « J'avais gagné contre Copé et tu ne m'as pas soutenu », s'est-il emporté, opposant une fin de non-recevoir à l'invitation lancée par l’ancien président de venir ­discuter à son bureau ou chez lui. Parmi les fillonistes qui se disent encore “non-alignés”, nul ne se gêne pour critiquer le retour fiasco de Nicolas Sarkozy. « Sa campagne n’est pas bonne, tranche le député de Charente-Maritime, Dominique Bussereau. Personne ne m'en parle sur le terrain. Ça n’accroche pas. »

Les nouveaux soutiens fillonistes de l’ex-chef de l'État ne sont en rien gages du « grand rassemblement » promis par Nicolas Sarkozy. Leur engouement soudain pour ce dernier n'est qu'un énième exemple du caractère versatile des professionnels de la politique. En revanche, ces ralliements révèlent les failles de la stratégie engagée par François Fillon depuis 2012, stratégie que certains de ses proches commencent à remettre sérieusement en question. « Il ne veut pas aller au combat, c’est dommage », souffle ainsi Bernard Debré, rejoint en ce sens par le député du Nord, Thierry Lazaro, qui votera Bruno Le Maire et penche désormais pour Alain Juppé : « Nos grands hommes doivent prendre position. »

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