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Philippe Poutou démissionne de la direction du NPA

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C'est par un mail envoyé dimanche soir à ses camarades que Philippe Poutou a tiré sa révérence de la direction du NPA. L'ancien candidat anticapitaliste à la présidentielle de 2012 a annoncé sa décision à ses camarades, en regrettant que le comité exécutif (CE) du parti soit trop « parisien » et que « de trop nombreuses choses sont décidées et faites hors du collectif ».

Evoquant une crise de direction, il ne quitte pas pour autant l'organisation et dit espérer que le prochain congrès, qui doit se tenir en février prochain, soit l'occasion de « se débarrasser de nos “conneries” », citant pêle-mêle « les problèmes de fonctionnement, de manque de démocratie, de manque de respect entre camarades ». Il ne s'épargne pas non plus : « A force, je me rends bien compte que je me déforme aussi, que je finis par décider seul, par faire ce que je veux. Ce qui n'est pas bon du tout. »

Joint par Mediapart, Philippe Poutou « ne souhaite pas en dire davantage » que ce qu'il a écrit. « C'est entre nous, c'est de la sauce interne, les questions de fonctionnement posent problème quand on se veut une organisation sociale et démocratique, dit-il. Mais si on veut que la discussion soit la plus sereine possible, elle ne doit pas se passer dans la presse. » Délégué CGT dans l'usine Ford de Blanquefort (Gironde), Poutou reste militant du NPA, membre de son conseil politique national (CPN), et notamment très engagé dans l'actuelle mobilisation contre le barrage de Sivens, dans le Tarn. Contactés, d'autres dirigeants du NPA n'ont pas donné suite à nos appels.

Philippe Poutou avec ses collègues salariés de Ford, lors d'une manifestation au salon de l'auto, le 4 octobre dernierPhilippe Poutou avec ses collègues salariés de Ford, lors d'une manifestation au salon de l'auto, le 4 octobre dernier © compte twitter de la journaliste AFP @chrisbnielsen

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La lettre de Philippe Poutou, ci-dessous

Ma démission du CE : comme une contribution pour le congrès

J’annonce maintenant ma démission du CE mais je précise de suite que ce n’est pas un évènement, ce n'est pas une décision brusque. C’est seulement le résultat logique de ma non intégration à l’équipe exécutive et de désaccords multiples sur le fonctionnement. En vrai, je n’étais qu’un « fantôme » au CE et ce, depuis le début. Donc pas de souci, mon choix n’aura pas de conséquences handicapantes. Faut dire que cela fait plus d'un an que je pense démissionner. J'ai alerté et questionné à plusieurs reprises sur mes problèmes d'intégration et sur nos problèmes de fonctionnement. J'ai envoyé plusieurs e-mails mais jamais de réponses, jamais de discussions à part quelques échanges avec quelques camarades réceptifs.

D’abord, une impossible intégration : Je n’ai jamais su ou pu m’intégrer. Habiter à 550 kilomètres, à 10 heures de transport aller retour (en train) ou à 6 heures en avion, ça complique. Malgré mon jour « npa » il m’était difficile de participer aux réunions le soir à 18h30 : Juste pour se faire une idée : y participer cela signifiait dormir à Paris et du coup devenait ingérable pour ma vie de famille. Ce sont mes limites, désolé. Faut savoir que je passe déjà quelques nuits à l’extérieur à l’occasion de participations à des initiatives diverses (manif, meetings, média). J’ai quand même tenté de faire le début des réunions, les retours chez moi à minuit, sans tram, à pied… un peu trop l’aventure à mon goût. Tout ça pour embaucher tôt le lendemain. Puis progressivement je ne suis plus venu aux réunions, je passais alors la journée du lundi à Roto (le siège du NPA, à Montreuil ndlr), puis le mardi puis n’importe quel jour, peu importe car dans tous les cas, il n’y avait pas de cadre collectif pour m’intégrer. Je me suis senti inutile de plus en plus. D’autant plus gênant que des camarades supposaient une mauvaise volonté de ma part, ignorant en quoi tout cela était compliqué pour moi. Ça fait bien partie des problèmes auxquels on est confronté et pas simple à gérer, ça pose notamment le problème de la participation régulière à un exécutif  quand on habite loin. Comment mettre en place un CE avec des camarades non-parisiens, peut-on élaborer un cadre pour le réussir ? Et puis quel lien entre l’exécutif et le CPN (conseil politique national, le parlement du parti ndlr), quelles fonctions pour chacun ? Pour permettre l’intégration de chaque camarade, cela suppose qu’on s’intéresse à l’autre, qu’on ait le souci de construire une équipe qui intègre tout le monde. On est obligés d’en discuter, de progresser dans notre structuration.

Ensuite, les désaccords sur le fonctionnement du CE (comité exécutif ndlr) : Je ne règle pas de comptes, je veux bien prendre ma part de responsabilité, donc on peut en discuter tranquillement. Les difficultés de fonctionnement concernent tout le monde, on peut tous se sentir responsables de notre incapacité collective à fonctionner démocratiquement, respectueux même des camarades. Le problème est ancien mais demeure, s’installe carrément. On pensait pouvoir le régler à l’occasion du dernier congrès mais non, on en est presque au même point. On ne s’en sort pas, on semble même complètement engluer dans des relations conflictuelles, destructrices, usantes, démoralisantes. Ce n’est pas seulement un problème de « tendances » car le conflit, l’agressivité, le manque de respect ou d’attention ou de correction, cela existe aussi au sein d’une même tendance, entre « groupes » ou cliques différentes.

Cette ambiance permet à chacun de fonctionner un peu comme il veut, chacun dans son « coin » au mépris de règles collectives, au mépris d’un fonctionnement démocratique où le souci est de rendre des comptes à la collectivité. La conséquence est logiquement un manque de transparence. Par exemple, il n'y a pas de compte-rendu de réunion CE. De trop nombreuses choses sont décidées et faites hors du « collectif ». Je peux l'illustrer avec les tâches de porte parole : les apparitions médiatiques ne sont pas discutées, ni le fond ni le choix d’y aller ou pas, de comment faire ; on ne discute pas des meetings, de quoi dire mais aussi d’où on veut aller, du pourquoi on va là et pas ailleurs, à quelles manifestations participerions-nous, quelles priorités, quels axes d'interventions dans telle ou telle situation. Une commission avait été mise en place pour gérer cette question, elle n’a jamais fonctionné correctement et a été abandonnée discrètement ou bien ça fonctionne en tout petit groupe. Cela donne des trucs pas terribles : je suis allé soutenir les « anti-barrage », les intermittents sans discussion, j’étais quasiment à mon compte. J'y suis allé à la demande des camarades investis dans ces mobilisations mais sans avis du CE. Mieux encore, pour la manif de Quimper le 2 novembre 2013, nous étions seulement 3 du CE en plus des camarades Bretons a avoir pris position clairement pour y aller, nous débrouillant avec la pression qui existait les jours précédents. A force, je me rends bien compte que je me déforme aussi, que je finis par décider seul, par faire ce que je veux. Ce qui n'est pas bon du tout.

Pour ne pas juste redistribuer des places et refaire un tour pour rien : Le congrès arrive et les disputes plus ou moins justifiées sur l’orientation à débattre vont s’intensifier. Mais il va bien falloir se coltiner sérieusement les problèmes de fonctionnement, de manque de démocratie, de manque de respect entre camarades. Les questions de démocratie ou de vie collective ne sont pas liées aux questions d'orientations ou de politiques telles l’opposition de gauche, les rapports avec les FdG, le sectarisme ou les tendances réformistes. D’un côté ou de l’autre, nous n’avons pas su faire pour mettre en place une direction qui permette de construire, de coordonner l’activité, d’aider les équipes militantes à se renforcer. D'un côté ou de l'autre, nous ne sommes pas plus transparent ou collectif. Le CE tel qu’il se comporte contribue au contraire à paralyser, à étouffer et même à abîmer. C’est triste parce nous réussissons à gâcher des possibilités de développement, à gaspiller des forces et à laisser des équipes militantes sans solution.

La période actuelle n’est pas si défavorable pour nous, il y a des choses à faire, à tenter. Pour cela, c’est obligatoire, il faut se débarrasser de nos « conneries ». Il faut que nous en parlions franchement, sans se faire la guerre, sans se vexer et sans en faire des histoires personnelles. Au Npa, nous subissons aussi l’opportunisme individuel, l’ambition personnelle, la prétention, le sentiment de supériorité ou encore l’aspiration à prendre la place (sa place) et à vouloir la garder. Il y a besoin de se remettre en cause sur toutes ces questions. Le congrès peut en être l'occasion. Cela nous donnerait de l’air frais, si utile pour discuter sereinement de notre construction ou reconstruction. On a besoin de revoir le rôle du CE, celui du CPN et le rapport entre les deux instances. Cela pourrait passer par limiter les fonctions du CE et renforcer celles du CPN. Il y aurait aussi besoin de voir comment fonctionner avec des camarades qui habitent loin, qui n'ont pas les mêmes disponibilités.

Le CE, le CPN, l’ensemble de la direction, ne doivent pas seulement être le lieu de débats ou de disputes sur l'orientation, ils doivent aussi s'intéresser à la vie du parti et des comités. Il serait nécessaire d'agir pour aider les équipes militantes à construire le Npa, impulser des initiatives, proposer de l’aide, organiser la collaboration, l’entre-aide entre les villes, les régions. Le CE/CPN doivent pouvoir organiser des meetings à Paris mais aussi s'y intéresser pour les autres régions, impulser des initiatives publiques dans les autres villes, dans les petites villes, dans les zones rurales. Le parti doit se construire partout et dans tous les milieux. Le CE souffre en plus d'être trop "parisien". Tout s'y concentre, les initiatives centrales comme les tensions.

La "crise" que nous vivons n'est pas seulement une crise de direction. On a la direction qu'on mérite. C'est peut être vache de le dire comme ça mais c'est ainsi. En tout cas, c'est forcément tout le parti qui trinque tant que nous n'arriverons pas à nous sortir de ces problèmes de fonctionnement. L'ensemble des militants, pas seulement ceux de la direction (CE et CPN) ont un rôle à jouer. Maintenant, avant le congrès et après.

Philippe

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Le lobbying de Microsoft à l’éducation nationale


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