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La garantie jeune: une aide bienvenue, mais encore limitée

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Ce n’est pas un RSA pour tous les jeunes, mais c’est quand même un progrès. Le premier ministre a livré mardi 13 août la liste des dix départements qui expérimenteraient en 2014 la « Garantie jeunes », sorte d’allocation pour les 18-25 ans les plus en difficulté (voir les départements sous l'onglet Prolonger). On commence du coup à y voir un peu clair sur les contours de ce dispositif très attendu au regard de la situation d’urgence dans laquelle se trouvent tous ceux qui, à cet âge, n’ont ni emploi ni formation.

Aujourd’hui, 24 % des jeunes de moins de 25 ans sont en effet au chômage. 23 % vivent sous le seuil de pauvreté (contre 14 % de l’ensemble de la population). En 2010, 13,1 % des 16-25 ans n’étaient inscrits nulle part : sans emploi, sans formation, sans chômage. Ces jeunes sont les premières victimes de la situation économique et sociale, mais ils ne sont guère aidés. Le RSA (ex-RMI) ne peut être touché qu’à partir de 25 ans. Seuls 9 000 jeunes font exception, soit ceux qui bénéficient aujourd’hui du faux « RSA jeunes » mis en place par Nicolas Sarkozy selon des critères quasi inatteignables : avoir moins de 25 ans et pouvoir justifier de deux ans de travail dans les trois dernières années.

Lors de la conférence contre la pauvreté, le gouvernement a donc annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif sous la forme d’une sorte d'allocation mensuelle d’un montant équivalent à celui du RSA, soit 483 euros.

Dès cet automne, 10 000 jeunes choisis en fonction de leur situation sociale et de leur éloignement de l'emploi pourront ainsi en bénéficier. Si le jeune travaille à temps partiel, il cumulera son revenu et les 450 euros. Cependant, au-delà de 300 euros de revenus, l’allocation sera dégressive. Un jeune ne pourra donc pas toucher plus de 750 euros de revenus en tout. Un montant inférieur au seuil de pauvreté (803 euros ou 964 euros selon les définitions).

En 2014, une deuxième vague de dix territoires portera les effectifs à 30 000 bénéficiaires. En 2016, après une évaluation, le gouvernement compte généraliser le dispositif sur tout le territoire avec 100 000 contrats par an (dont les renouvellements).

À Matignon, on reconnaît qu’il s’agit d’une estimation au doigt mouillé. Et on admet être dans l’incapacité de chiffrer avec précision le montant global de l’aide, même si les 30 000 premiers contrats devraient coûter 30 millions d’euros – la France compte en partie sur des financements de l’Union européenne.

Nombre d’associations demandaient que le RSA devienne un droit pour tous dès l’âge de 18 ans. Cela leur a été refusé. « Trop cher, explique-t-on à Matignon (cela aurait coûté environ 2 milliards par an). Et pas assez ciblé. » Nul doute que la peur du procès en assistanat a également joué.

À la Fnars, une fédération d’associations de solidarité qui suit ces questions avec la plus grande attention, le directeur général Florent Guéguen regrette ce choix : « La France, en ne protégeant pas ses jeunes, fait figure d'anomalie en Europe. Seuls l’Espagne, le Luxembourg et la France n’accordent pas le RSA ou son équivalent à l’ensemble de la population. Les jeunes sont très touchés par la crise économique. Les CDD, intérim, et autres emplois partiels sont les premiers à être détruits. Or, ils étaient souvent occupés par des jeunes peu qualifiés. » Pour Florent Guéguen, « il y a donc un trou dans la raquette, un manque énorme. Un quart des personnes qui fréquentent les centres d’hébergement d’urgence ont aujourd’hui moins de 25 ans. Le calibrage du gouvernement est insuffisant : on vise 100 000 jeunes quand 300 000 à 400 000 sont en grande difficulté. Du coup, il y a un risque d’arbitraire dans les choix qui seront faits par les commissions départementales en charge d'instruire les dossiers. »

Matignon rétorque vouloir aider seulement « ceux qui en ont réellement besoin », qui ne sont pas aidés par des proches, les plus exclus. En dépit de ces restrictions, les critiques n’ont pas tardé à tomber, à l’image de celle du secrétaire général adjoint du Modem Christophe Madrolle, qui, dans un communiqué, juge que « cette mesure est à la fois absurde et contre-productive », « particulièrement coûteuse et aux retombées approximatives ». Christophe Madrolle ajoute : « C'est comme s'ils payaient les décrocheurs pour qu'ils aillent à l'école ! C'est un non-sens éducatif et il revient à faire passer l'État pour un tiroir-caisse. »

Une réaction qui fait hurler à Matignon puisque le chèque sera versé en contrepartie d’une recherche active d’emploi ou d’une formation via un suivi individualisé renforcé dans les missions locales. « On vient en aide à des personnes qui, sinon, n’auraient pas les moyens de rebondir. On ne va pas aider les gens une fois qu’ils ont sorti la tête de l’eau, ça n’a aucun sens. Ça fait 30 ans que l’État est en échec sur ces questions. Avec 450 euros, on n’offre pas vraiment un pont d’or. On propose un engagement réciproque. Les gens ne souhaitent qu’une chose : ne pas dépendre de la générosité de qui que ce soit mais s’en sortir par eux-mêmes. Ceux qui tiennent ces propos sont dans une méconnaissance absolue de la situation abominable de ces jeunes. On essaye de les aider un tout petit peu pour qu’ils puissent s’en sortir. »

D’ailleurs, combien d'entre eux demanderont réellement cette allocation ? L’État vise les plus exclus, mais va-t-il se donner les moyens de les atteindre ? Florent Guéguen rappelle que 30 % des bénéficiaires potentiels du RSA socle (ex-RMI) ne le demandent pas. « On va essayer de les toucher par des intermédiaires », répond Matignon, en citant en exemple les centres d’hébergement d’urgence.

À ATD Quart Monde, on insiste sur le fait que « l’objectif numéro 1 pour ces jeunes, c’est quand même l’emploi. Beaucoup font un rejet des formations. Il ne faut pas se tromper d’objectif. » Mais à la FNARS, on juge le volet formation très important : « À condition de repenser la formation professionnelle. Aujourd’hui, 13 % seulement des 31 milliards dépensés vont aux chômeurs. Il y a peu de disponibilités dans les formations, et elles sont loin d’être toujours en phase avec le marché de l’emploi. Il faut donc changer tout ça pour permettre de vraies formations à ces jeunes. » Le chantier ne fait que s’ouvrir.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Allo, j’écoute !


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