Les uns aprĂšs les autres, ils dĂ©filent devant les juges. AprĂšs les responsables de Bygmalion, trois anciens cadres de l'UMP ont Ă©tĂ© mis en examen, Ă leur tour, samedi 4 octobre. L'information judiciaire, ouverte sur des soupçons de « faux et usage de faux », « abus de confiance » et « tentative d'escroquerie » en lien avec la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, sâaccĂ©lĂšre.
Ăric Cesari, surnommĂ© « l'oeil de Sarko » Ă l'UMP, l'ex-directrice financiĂšre du parti, Fabienne LiadzĂ©, et son ancien directeur de la communication, Pierre Chassat, qui avaient Ă©tĂ© interpellĂ© jeudi, ont dĂ©sormais interdiction de rencontrer Jean-François CopĂ©, l'ancien prĂ©sident de l'UMP, et Nicolas Sarkozy, selon les termes de leur contrĂŽle judiciaire.
Qui a su et dĂ©cidĂ© quoi ? Dans un procĂšs-verbal de synthĂšse citĂ© par Le Monde, les enquĂȘteurs de lâOffice central anti-corruption de Nanterre Ă©crivaient dĂšs juin dernier : « Les responsables de Event et Cie (filiale de Bygmalion chargĂ©e des meetings â ndlr), de l'UMP et de la campagne prĂ©sidentielle de Nicolas Sarkozy semblent inextricablement liĂ©s les uns aux autres. » Mediapart passe tous les principaux protagonistes de l'affaire en revue.
- Guy AlvÚs, cofondateur de Bygmalion, mis en examen pour « complicité de faux et usage de faux »

Câest lâhomme par lequel lâaffaire des fausses factures Ă lâUMP est devenue lâaffaire du compte Sarkozy. Le cofondateur de Bygmalion sâest dâabord retrouvĂ© bien seul, dĂ©but mai, quand LibĂ©ration a rĂ©vĂ©lĂ© que sa sociĂ©tĂ© avait adressĂ© des millions dâeuros de fausses factures Ă lâUMP en 2012, sous le prĂ©texte de conventions fictives (Mediapart les a publiĂ©es ici). AcculĂ©, ce proche de Jean-François CopĂ© a alors contre-attaquĂ© par la voix de son avocat, Me Patrick Maisonneuve, en rĂ©vĂ©lant en direct Ă la tĂ©lĂ©vision que ce stratagĂšme illĂ©gal avait en rĂ©alitĂ© servi Ă rĂ©gler Ă Bygmalion toute une sĂ©rie de frais de meeting organisĂ©s au bĂ©nĂ©fice du seul candidat Sarkozy pendant la prĂ©sidentielle.
LancĂ© dans une surenchĂšre de rĂ©unions publiques pharaoniques, le prĂ©sident-candidat risquait en effet dâexploser le plafond des dĂ©penses lĂ©gales en 2012, fixĂ© Ă 22,5 millions dâeuros. Il a donc Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de dissimuler la majeure partie de ses frais de meetings. Comme Mediapart lâa rĂ©vĂ©lĂ©, seuls 4,3 millions dâeuros de prestations d'Event & Cie ont ainsi Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s dans le compte de Nicolas Sarkozy, outrageusement maquillĂ©, contre 21,2 millions dâeuros vĂ©ritablement engagĂ©s. La diffĂ©rence (dâenviron 17 millions dâeuros) a Ă©tĂ© prise en charge par lâUMP dans le plus grand secret, au mĂ©pris des lois.
Pour sâexpliquer, sinon se dĂ©douaner, Guy AlvĂšs a rĂ©sumĂ© ainsi lâhistoire aux enquĂȘteurs : « Le choix Ă©tait soit d'accepter, soit de couler ma sociĂ©tĂ©, alors que je n'avais fait que mon travail. J'Ă©tais pris au piĂšge. »Â
En juillet dernier, sa sociĂ©tĂ© a finalement Ă©tĂ© placĂ©e en liquidation judiciaire. DâaprĂšs une comptabilitĂ© interne (que Mediapart a pu consulter), Event & Cie avait en 2012 retirĂ© 4,9 millions dâeuros (hors taxes) de la campagne prĂ©sidentielle, avant dĂ©duction des charges internes. Cette annĂ©e-lĂ , la filiale arborait un rĂ©sultat avant impĂŽts de 4,66 millions dâeuros (soit une marge de 23,1 %) et de 3,07 millions aprĂšs impĂŽts.
Le scĂ©nario dĂ©crit par Guy AlvĂšs va dĂ©sormais ĂȘtre vĂ©rifiĂ© point par point par les juges dâinstruction, euro par euro, pour sâassurer que sa version nâest pas amputĂ©e dâune rĂ©alitĂ© plus dĂ©rangeante encore : une partie du pactole engrangĂ© par Bygmalion nâaurait-elle pas alimentĂ© une caisse noire politique ? Cette hypothĂšse est en effet distillĂ©e depuis lâĂ©tĂ© dernier par les concurrents de Jean-François CopĂ©, prĂ©sident du parti Ă lâĂ©poque des faits. Ces derniers soulignent que Guy AlvĂšs fut son directeur de cabinet de 2004 Ă 2007, avant dâendosser le rĂŽle de trĂ©sorier de son micro-parti personnel, GĂ©nĂ©ration France. Les deux hommes ont dĂ©sormais interdiction de se voir.
- Bastien Millot, cofondateur de Bygmalion, mis en examen pour « complicité de faux et usage de faux »

Il dit quâil n'a « strictement rien Ă se reprocher », pour la simple et bonne raison quâil nâa eu « aucune responsabilité » dans la campagne de 2012. Ă Ă©couter Bastien Millot, les enquĂȘteurs qui tentent dâĂ©tablir la chaĂźne des responsabilitĂ©s cherchent du mauvais cĂŽtĂ© en sâintĂ©ressant Ă son cas. « Certains responsables, non des moindres, de la campagne prĂ©sidentielle de 2012 essaient de se draper dans la posture dâune victime alors mĂȘme quâils le font sans doute un peu grossiĂšrement et un peu rapidement », a-t-il soufflĂ© Ă la presse le 1er octobre, Ă lâissue de sa garde Ă vue.
Ce proche de Jean-François CopĂ©, quâil a suivi dans tous ses cabinets, a quittĂ© ses mandats sociaux Ă Bygmalion le 31 aoĂ»t 2013 et endossĂ© la robe d'avocat au printemps dernier. DĂ©jĂ mis en examen en avril pour «ârecel de favoritismeâ» aux dĂ©pens de France TĂ©lĂ©visions, oĂč il a occupĂ© diffĂ©rents postes de 2005 Ă 2010, Bastien Millot avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© condamnĂ©, voilĂ quelques annĂ©es, pour « dĂ©tournement de fonds publics, complicitĂ© de faux et complicitĂ© dâusage de faux », comme lâa racontĂ© Mediapart.
Sâil se dĂ©fend dâavoir jouĂ© un rĂŽle quelconque dans la campagne de Nicolas Sarkozy, Bastien Milllot aura en tout cas dĂ©crochĂ© de miraculeux contrats pour sa sociĂ©tĂ© auprĂšs du groupe UMP de lâAssemblĂ©e nationale (tenu par les copĂ©istes) : Bygmalion a en effet siphonnĂ© 4,5 millions d'euros des caisses du groupe entre 2008 et 2012 (voir nos articles ici et lĂ ).
- Franck Attal, directeur gĂ©nĂ©ral adjoint dâEvent & Cie, mis en examen pour « faux et usage de faux »

Câest lâopĂ©rationnel dâEvent & Cie, celui qui dĂ©crit le mieux lâemballement de la campagne de Nicolas Sarkozy, lâimprovisation, la frĂ©nĂ©sie, les caprices. Lui qui sâest chargĂ© dâengager son rĂ©alisateur tĂ©lĂ© hors de prix, de commander des wagons de drapeaux ou de « booker » des salles Ă la derniĂšre seconde. Pour le meeting quâil a orchestrĂ© Ă Toulouse, par exemple, Franck Attal a livrĂ© pour 900 000 euros de prestations (contre 183 000 euros seulement inscrits dans le compte de campagne du candidat). Pour Clermont-Ferrand, 623 000 euros (pour 155 000 dans le compte), etc.
Devant les enquĂȘteurs, Franck Attal a racontĂ© comment â et surtout quand â la dĂ©cision de maquiller le compte de Nicolas Sarkozy avait Ă©tĂ© prise, dans son souvenir : « (Jâai) rencontrĂ©, dĂ©but avril, Ă lâUMP, Fabienne LiadzĂ© (directrice financiĂšre du parti), JĂ©rĂŽme Lavrilleux (directeur de campagne adjoint du candidat Sarkozy) et Ăric Cesari (directeur gĂ©nĂ©ral de lâUMP) Ă ce sujet. Et câest lĂ quâils me disent que le rythme des meetings va encore sâaccĂ©lĂ©rer, mais quâil y a un problĂšme dâordre financier liĂ© au plafond de campagne qui va ĂȘtre complĂštement dĂ©passĂ©. (âŠ) JĂ©rĂŽme (âŠ) me demande de faire des fausses factures. Jâai lâimpression que tous les participants Ă cette rĂ©union sont piĂ©gĂ©s. Ă partir de ce moment-lĂ , le comptable chez nous, Matthieu Fay, sâest organisĂ© avec Fabienne LiadzĂ©. »
Dans cette affaire, la chronologie des faits est capitale. Car depuis le dĂ©but, JĂ©rĂŽme Lavrilleux affirme, lui, que câest seulement au lendemain de la prĂ©sidentielle, au moment oĂč il a fallu dĂ©poser le compte de campagne du candidat UMP, quâa Ă©tĂ© prise la dĂ©cision de le truquer. Une version lĂ©gĂšrement plus compatible avec lâidĂ©e que Nicolas Sarkozy, alors âretirĂ©â de la vie politique, ait pu ĂȘtre tenu dans lâignorance.
- Matthieu Fay, le comptable de Bygmalion, placé en garde à vue
La âpetite mainâ, priĂ©e dâexĂ©cuter dans la coulisse le plan dĂ©cidĂ© par ses supĂ©rieurs et lâUMP, a Ă©tĂ© licenciĂ©e en mai dernier. Câest Matthieu Fay qui a conçu les tableaux Excel (rĂ©cupĂ©rĂ©s par Mediapart) dotĂ©s de plusieurs colonnes pour chaque meeting de Nicolas Sarkozy : une pour le prix officiellement facturĂ© au candidat ; une autre archivant le prix rĂ©el.
Aux enquĂȘteurs, Matthieu Fay a racontĂ© comment toutes ces piĂšces comptables bidonnĂ©es, relatives Ă la campagne, avaient Ă©tĂ© envoyĂ©es « à lâUMP par porteur aprĂšs le second tour ». Lui chiffre le coĂ»t rĂ©el des prestations apportĂ©es par Event au candidat Sarkozy Ă 18,9 millions dâeuros (pour 4,3 inscrits au compte de campagne).
- JérÎme Lavrilleux, directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012

Fin mai, dans une longue intervention sur BFM-TV, l'ancien directeur de cabinet de Jean-François CopĂ© a soudain reconnu, en pleurs, la mise en place dâun systĂšme de fausse facturation. Mais il dĂ©douanait explicitement son mentor, de mĂȘme que Nicolas Sarkozy : « J'ai fait part, Ă plusieurs personnes, de mon sentiment que l'on aurait du mal Ă boucler tout ça (les factures des meetings â ndlr). Je prĂ©cise que je n'en ai pas fait part Ă Nicolas Sarkozy ou Ă Jean-François CopĂ©. »
Aux enquĂȘteurs, qui lui ont demandĂ© en juin si le prĂ©sident-candidat Ă©tait informĂ© du montage, JĂ©rĂŽme Lavrilleux a redit nâavoir « jamais Ă©voquĂ© ce sujet avec Nicolas Sarkozy » et quâ« à (son) avis, il est impossible qu'il en ait Ă©tĂ© informé ».
Mais lorsquâils lui demandent si le candidat Ă©tait informĂ© de l'Ă©tat gĂ©nĂ©ral des dĂ©penses de sa campagne, le copĂ©iste rĂ©pond quâil « n'en (a) aucune idĂ©e ». Il explique que le dĂ©cision de mettre en place une double comptabilitĂ© a Ă©tĂ© prise avec quatre autres responsables de l'UMP et de Bygmalion : le directeur gĂ©nĂ©ral de l'UMP Ăric Cesari, la directrice financiĂšre du parti, Fabienne LiadzĂ©, Franck Attal et le directeur de campagne, Guillaume Lambert.
En dĂ©taillant le fonctionnement des rĂ©unions stratĂ©giques de campagne, auxquelles participait Sarkozy, JĂ©rĂŽme Lavrilleux sous-entend que Guillaume Lambert a trĂšs bien pu faire remonter l'information au prĂ©sident-candidat lors de leurs rendez-vous quotidiens : « Cette organisation en forme de sablier faisait que tout le monde partait du principe que ce que nous disait Guillaume Lambert venait de la rĂ©union stratĂ©gique et que ce que nous disions Ă Guillaume Lambert allait remonter Ă la rĂ©union stratĂ©gique », a-t-il confiĂ© aux enquĂȘteurs.
Concernant Jean-François CopĂ© en revanche, JĂ©rĂŽme Lavrilleux, devenu eurodĂ©putĂ© mais suspendu de l'UMP, n'a jamais changĂ© sa version d'un iota. Il ne « lâ(a) pas informé » car son « travail » de directeur de cabinet « était de protĂ©ger son patron ».
- Guillaume Lambert, directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012

Si JĂ©rĂŽme Lavrilleux laisse entendre que Guillaume Lambert a forcĂ©ment Ă©tĂ© mis au courant de la fraude, ce dernier nie en bloc. Dans un courrier adressĂ© au procureur de Paris le 12 juin dernier, que Mediapart a pu consulter, Guillaume Lambert, dĂ©sormais prĂ©fet de LozĂšre, livre sa version des faits : « Je nâai jamais Ă©tĂ© informĂ© par quiconque dâun tel arrangement, pas plus que je ne lâai sollicitĂ©, ni acceptĂ©. »
Il affirme que JĂ©rĂŽme Lavrilleux nâa dâailleurs « attirĂ© (son) attention sur la question de la maĂźtrise des dĂ©penses quâĂ une seule reprise », le 28 avril 2012, quelques heures avant le meeting de Clermont-Ferrand. « JFC [Jean-François CopĂ©] ne vient pas Ă Clermont, il y est allĂ© la semaine derniĂšre, lui Ă©crivait alors JĂ©rĂŽme Lavrilleux. Louer et Ă©quiper un deuxiĂšme hall est une question de coĂ»t. Nous n'avons plus d'argent. JFC en a parlĂ© au PR [prĂ©sident de la RĂ©publique]. »
Ce texto pourrait suggĂ©rer que Nicolas Sarkozy Ă©tait informĂ© des questions financiĂšres. Mais Guillaume Lambert lui fait dire tout autre chose : « Ce message signifie quâaucune autre demande que celles budgĂ©tĂ©es ne pouvait ĂȘtre ordonnĂ©e. » En clair, quâil a fait le nĂ©cessaire pour le plafond des dĂ©penses lĂ©gales soit respectĂ©, jusquâau bout.
- Nicolas Sarkozy, le candidat

InterrogĂ© sur France 2 le 21 septembre, Nicolas Sarkozy a affirmĂ© avoir « appris le nom de Bygmalion longtemps aprĂšs la campagne prĂ©sidentielle ». Ce quâil a rĂ©pĂ©tĂ© dans Le Figaro Magazine le 2 octobre. Plusieurs Ă©lĂ©ments mettent Ă mal cette rĂ©ponse. Dâabord les dĂ©clarations, ce jeudi, de François Fillon, qui affirme quâil avait « souvent entendu parler de Bygmalion » et « souvent vu que Bygmalion Ă©tait une entreprise qui travaillait rĂ©guliĂšrement avec lâUMP », alors mĂȘme quâil « nâĂ©tai(t) pas associĂ© Ă lâorganisation de la campagne de 2012 ». « (Nicolas Sarkozy) connaissait forcĂ©ment les protagonistes. CâĂ©tait connu de tous ! », a Ă©galement expliquĂ© Rachida Dati jeudi, en contredisant malgrĂ© elle lâex-prĂ©sident.
Par ailleurs, selon Le Monde, Nicolas Sarkozy a Ă©tĂ© informĂ© de l'emballement des dĂ©penses par Pierre Godet, lâexpert-comptable de sa campagne. Dans une note rĂ©digĂ©e le 26 avril 2012, celui-ci a en effet mis en garde le « candidat Nicolas Sarkozy » sur « les consĂ©quences extrĂȘmement graves d'un Ă©ventuel dĂ©passement du plafond des dĂ©penses Ă©lectorales ».
Mais cette note nâinforme pas le prĂ©sident-candidat des montants rĂ©els des dĂ©penses. Pierre Godet y donne le chiffre des frais prĂ©visionnels ou engagĂ©s Ă la date du premier tour, 18 399 000 euros : « Ce montant est supĂ©rieur Ă celui budgĂ©tĂ© derniĂšrement (16 243 000 euros) et au plafond des dĂ©penses requises pour le premier tour (16 851 000 euros) », prĂ©vient lâexpert-comptable, appelant Ă la retenue. Or d'aprĂšs nos calculs, les seules dĂ©penses liĂ©es aux meetings organisĂ©s par Event & Cie sâĂ©levaient dĂ©jĂ Ă plus de 16 millions dâeuros au soir du premier tour !
Nicolas Sarkozy pourrait en tout cas ĂȘtre entendu par les juges. Un Ă©lĂ©ment le laisse penser, comme le souligne LâExpress : le contrĂŽle judiciaire imposĂ© aux trois personnes mises en examen dans le cadre de l'affaire Bygmalion leur interdit tout contact avec l'ancien prĂ©sident de la RĂ©publique.
- Philippe Briand, le trésorier de la campagne

Ce dĂ©putĂ© UMP, patron dâune grosse sociĂ©tĂ© privĂ©e, a Ă©tĂ© choisi comme trĂ©sorier par Nicolas Sarkozy en fĂ©vrier 2012 â « Nicolas mâa dit : âToi au moins, je suis sĂ»r que tu me prendras pas dâargent !â ». En mai dernier, quand lâaffaire explose, il dit « tomber de sa chaise », puis « tomber de lâarmoire ».
« Dans les factures de meeting quâon me prĂ©sente Ă lâĂ©poque, je suis dĂ©jĂ 40 % au-dessus de François Hollande ! », rappelle Philippe Briand pour expliquer quâil ait pu ne rien soupçonner. « Avec Dominique Dord (le trĂ©sorier du parti jusque fin 2012), on va former le club des ploucs, Ă qui on dit jamais rien ! », se marre le dĂ©putĂ© UMP, qui compte bien assurer aux juges, quand ils le convoqueront, que lui nâa rien vu ni rien entendu.
Ă lâen croire, pendant la campagne, Philippe Briand sâest contentĂ© de « signer les parapheurs que lui apportait lâexpert-comptable ». « Il y avait un ordonnateur des dĂ©penses et un payeur. Moi, jâĂ©tais le payeur et câest Guillaume Lambert (le directeur de campagne) qui mâenvoyait les factures, a-t-il expliquĂ© Ă Mediapart. Lui aussi qui commandait les meetings, mĂȘme si je pense quâil avait concĂ©dĂ© cette tĂąche Ă JĂ©rĂŽme Lavrilleux. » Le trĂ©sorier jure quâil a tout dĂ©couvert le mĂȘme jour que les Français.
- Jean-François CopĂ©, ancien prĂ©sident de lâUMP

Entre les rĂ©vĂ©lations approximatives du Point en fĂ©vrier et sa dĂ©mission en juin, le discours de Jean-François CopĂ© a bien variĂ©. « Câest un coup montĂ© de maniĂšre absolument ignoble, câest un tissu de mensonges », a dâabord expliquĂ© le prĂ©sident de lâUMP en fĂ©vrier, en dĂ©nonçant « une campagne de presse haineuse » et une « chasse Ă lâhomme ».
AprĂšs des rĂ©vĂ©lations plus prĂ©cises de LibĂ©ration le 14 mai dernier, Jean-François CopĂ© a esquissĂ© une nouvelle ligne de dĂ©fense : il nâa jamais eu connaissance du systĂšme de fausses factures, mais il a « des interrogations » depuis les rĂ©vĂ©lations du quotidien (voir la vidĂ©o). Au 20 heures de TF1, le soir de sa dĂ©mission, il accuse finalement ses « collaborateurs » d'avoir « abusĂ© de (sa) confiance ».Â
- Ăric Cesari, ancien directeur gĂ©nĂ©ral de l'UMP, mis en examen pour « faux et usage de faux » et « abus de confiance »

Câest le fantĂŽme de lâaffaire Bygmalion. Mis en examen le 4 octobre pour « faux et usage de faux » et « abus de confiance », lâancien directeur gĂ©nĂ©ral de lâUMP, en procĂ©dure de licenciement pour faute grave depuis mi-juillet, est restĂ© trĂšs discret depuis le dĂ©but de lâaffaire. Ă peine a-t-il jurĂ© Ă LâExpress nâavoir « participĂ© Ă aucune rĂ©union consacrĂ©e aux comptes de campagne », contrairement Ă ce quâont affirmĂ© JĂ©rĂŽme Lavrilleux et Franck Attal. « La seule fois oĂč j'ai Ă©tĂ© saisi des problĂšmes financiers de l'UMP, c'est au moment de la dĂ©mission du trĂ©sorier Dominique Dord, en juillet 2012 », a encore assurĂ© Cesari, avant de prĂ©ciser quâil ne pouvait pas « donner dâordre de paiement ».
Son nom, suivi de sa signature, est pourtant le seul Ă apparaĂźtre sur des devis de fausses conventions envoyĂ©s par Event & Cie Ă lâUMP, selon LibĂ©ration. Lâancien trĂ©sorier du parti, Dominique Dord, avait dâailleurs affirmĂ© dĂšs le mois de mai que chaque signature de chĂšque nĂ©cessitait la validation de quatre supĂ©rieurs du parti, parmi lesquels Cesari lui-mĂȘme. Une version que JĂ©rĂŽme Lavrilleux a confirmĂ©e face aux enquĂȘteurs le 17 juin : sur les ordres dâengagement des dĂ©penses, « il y avait donc les visas le cas Ă©chĂ©ant du chef de service, du directeur du service concernĂ©, de la directrice des ressources (Fabienne LiadzĂ©), du directeur gĂ©nĂ©ral des services (Ăric Cesari) et du directeur de cabinet, c'est-Ă -dire moi-mĂȘme, sâest rappelĂ© lâancien directeur adjoint de la campagne de Sarkozy. Ăric Cesari validait en dernier ressort, au niveau administratif, la demande ».
BiberonnĂ© aux rĂ©seaux Pasqua des Hauts-de-Seine, cet Ă©lu de Courbevoie surnommĂ© « lâĆil de Moscou » de Nicolas Sarkozy, est depuis toujours l'un des fidĂšles exĂ©cutants des manĆuvres politiques de l'ancien chef d'Ătat, qui lâavait dĂ©corĂ© de la LĂ©gion dâhonneur en 2010. Les juges lui ont dĂ©sormais interdit de le voir. « Tout le monde savait quâil gardait les clefs de la maison pour Sarkozy, confiait un ancien salariĂ© de la rue de Vaugirard Ă Mediapart, en juin dernier. Il se rendait rĂ©guliĂšrement Ă lâĂlysĂ©e pour prendre les ordres, y compris durant la campagne prĂ©sidentielle. Il nâaurait jamais pris une dĂ©cision importante sans en informer Sarkozy au prĂ©alable. »
- Fabienne Liadzé, ancienne directrice administrative et financiÚre de l'UMP, mise en examen pour « faux et usage de faux » et « abus de confiance »

RecrutĂ©e Ă lâUMP par Ăric Woerth en qualitĂ© de directrice des ressources humaines, Fabienne LiadzĂ© avait Ă©tĂ© propulsĂ©e directrice administrative et financiĂšre (DAF) par Jean-François CopĂ©, avant dâĂȘtre Ă©cartĂ©e par la direction transitoire du parti en juillet dernier pour faute grave. Ălue conseillĂšre municipale dâIssy-les-Moulineaux en mars dernier sur la liste du dĂ©putĂ© et maire UDI AndrĂ© Santini, elle a Ă©tĂ© mise en examen le 4 octobre pour « faux et usage de faux » et « abus de confiance ». Face aux enquĂȘteurs, JĂ©rĂŽme Lavrilleux lâavait dĂ©signĂ©e comme lâune des deux personnes â avec Ăric Cesari â en charge de la validation des ordres de dĂ©penses de lâUMP.
« Fin mai 2012, je crois, Ăric Cesari et Fabienne LiadzĂ© sont venus me voir dans mon bureau Ă l'UMP, Ă l'issue d'une rĂ©union qu'ils ont tenue avec Guillaume Lambert et Franck Attal, pour parler des comptes de la campagne. Ils m'ont indiquĂ© alors qu'il Ă©tait impossible de mettre toutes les dĂ©penses dans les comptes de campagne et qu'il faudrait donc ventiler les surplus sur le compte de l'UMP », a encore indiquĂ© lâancien directeur de cabinet de Jean-François CopĂ© durant son audition.
- Pierre Chassat, l'ancien directeur de la communication de lâUMP, mis en examen pour « faux et usage de faux » et « abus de confiance »

PlacĂ© en garde Ă vue Ă l'office central de lutte anticorruption Ă Nanterre le 2 octobre, l'ancien directeur de la communication de lâUMP Ă©tait Ă©galement lâadjoint de JĂ©rĂŽme Lavrilleux au cabinet de Jean-François CopĂ©, avant dâĂȘtre visĂ© par une procĂ©dure de licenciement pour faute grave en juillet dernier.
DiplĂŽmĂ© de Sciences-Po Paris, il connaĂźt bien les fondateurs de Bygmalion pour avoir travaillĂ© Ă leurs cĂŽtĂ©s dans les deux cabinets des ministĂšres occupĂ©s par CopĂ© entre 2002 et 2007 (relations avec le parlement et budget). Ce âCopĂ©'s boyâ est Ă©galement adjoint de Patrick Balkany, Ă Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).
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