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Lourdement condamnée, Sylvie Andrieux s'accroche à son mandat de députée

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Sylvie Andrieux, députée (ex-PS) des quartiers nord de Marseille était absente mardi 23 septembre de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Mais, dans un entretien paru le matin même dans La Provence, elle avait prévenu : « Je ne lâcherai jamais rien. » Cela n’a pas empêché, ce mardi, les juges d’appel de confirmer et d’alourdir sa condamnation pour détournements de fonds publics, prononcée en première instance. La lecture de l'arrêt, très argumenté, montre que la Cour n'a pas été dupe des dénégations de Sylvie Andrieux qui avait minimisé jusqu'à la caricature le rôle des élus en espérant se dédouaner. 

Sylvie Andrieux en mars 2013, lors du procès en première audience à MarseilleSylvie Andrieux en mars 2013, lors du procès en première audience à Marseille © Reuters

La députée est condamnée à quatre ans de prison dont trois avec sursis, une amende de 100 000 euros et cinq ans d'inéligibilité. Le 22 mai 2013, le tribunal de grande instance de Marseille s’en était tenu à trois ans de prison, dont deux avec sursis. Monique Zerbib, la présidente de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a précisé que la peine d’emprisonnement ferme s’effectuerait sous bracelet électronique, pour Sylvie Andrieux et deux autres condamnés qui y avaient consenti lors du procès en juin 2014. L’élue devra également payer, solidairement avec les autres prévenus, quelque 716 000 euros de dommages et intérêts à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca).

Ses avocats, Me Gaëtan Di Marino et Me Grégoire Ladouari, ont immédiatement annoncé que la députée allait former un pourvoi en cassation dans le délai de cinq jours imparti. Ce pourvoi est suspensif. Une législative partielle sur la  7e circonscription des Bouches-du-Rhône, où le candidat FN Stéphane Ravier a remporté la mairie de secteur en mars 2014, ne sera donc pas à l'ordre du jour avant plusieurs mois. La Cour de cassation peut mettre huit à dix-huit mois à se prononcer sur les requêtes en nullité qui lui seront présentées.

« C’est une des premières décisions rendues en matière de clientélisme, elle envoie un signe fort », s’est réjoui Me Gilles Gauer, avocat de la région Paca. Venu à la barre comme partie civile en première instance, Michel Vauzelle, président PS de la région Paca, avait alors parlé d' une « affaire de corruption » et qualifié le clientélisme de « pourriture pour la démocratie ».

Vice-présidente déléguée à la politique de la ville du conseil régional Paca jusqu'en 2009, Sylvie Andrieux est accusée d’avoir profité de ce portefeuille régional pour distribuer 716 000 euros de subventions à des associations fictives, situées sur sa circonscription des 13e et 14e arrondissements de Marseille. Dans l'arrêt de la cour d'appel, les juges justifient sa peine de privation de liberté « par la gravité des faits que Mme Andrieux a commis et l'ampleur du préjudice financier qu'ils ont généré, chiffré à plus de 700 000 euros, s'agissant de deniers du contribuable partis en fumée afin de servir non pas l'intérêt général mais son intérêt personnel et électoral ». Ils estiment que l’élue « a discrédité la région, attenté au fonctionnement normal des règles démocratiques et trahi la confiance de ses électeurs en favorisant grandement la distribution de fonds publics à des escrocs, à des fins électoralistes ».

La vice-présidente PS du conseil régional avait la haute main sur les 6 millions d'euros de la ligne budgétaire dédiée à la politique régionale de la ville, dite R 950, qui distribuait cet argent public d’une façon très curieuse. Pas de critères, pas de contrôle sur le terrain de la réalité des associations, ni de l’authenticité des pièces fournies, et d’ailleurs, pour éviter toute velléité de vérification sérieuse, aucun chargé de mission dédié. C’était le système des « dossiers signalés » ou « clientélaires », dont les trois-quarts allaient aux affidés de Sylvie Andrieux. A son arrivée à la tête d ela région, le président PS de la région Michel Vauzelle avait préféré fermer les yeux sur cette pratique, instaurée en 1992 par son prédécesseur Jean-Claude Gaudin (UMP). «Rien ne peut ainsi justifier que les crédits de la ligne R 950 aient ainsi été débloqués au profit de deux arrondissements de Marseille, dont Sylvie Andrieux était l'élue, sinon les préoccupations électoralistes de cette dernière», s'indigne l'arrêt de la Cour d'appel.

« En contrepartie des subventions, je m'étais engagé auprès de Rolland (Balalas, son bras droit –Ndlr) à être disponible lors des élections sur le secteur : cela signifiait amener des gens aux meetings de Sylvie (Andrieux), faire de la propagande pour elle, ce genre de trucs », avait expliqué lors de l’enquête le responsable de plusieurs de ces associations « coquilles vides », condamné à deux ans de prison ferme. des propos confirmés par son attaché parlementaire Rolland Balalas : «Sylvie Andrieux se foutait de savoir si ce qu'on finançait était bon ou pas bon dans la mesure où un moment donné, ça fait du chiffre à partir du moment et ça augmente sa popularité».

Un document interne montre que, même après le début de l'information judiciaire, Sylvie Andrieux a continué à soutenir des demandes de subvention d'associations signalées comme douteuses par les services de la région. Dans ce tableau datant d'octobre 2008, en face des demandes de subvention d'une association comorienne située dans le 13e arrondissement, et malgré un avis défavorable des services de la région, Sylvie Andrieux a inscrit une croix et écrit: « Très important 80 % à ce bureau de vote.»

Face à deux autres demandes de subvention, émanant elles aussi d'une association comorienne du 13e, Sylvie Andrieux note : « Très important Weygand Masse Andrieux. » À savoir, le nom de trois élus issus de dynasties socialistes solidement implantées sur le territoire des quartiers nord. La Cour d'appel note dans son arrêt que Sylvie Andrieux, qui a prétendu être une élue fantôme lors des débats de juin 2014, «parle et écrit aux chefs de service à l'impératif, ce qui démontre qu'elle se comporte comme un chef décisionnaire quant aux sorts des demandes de subvention».

De nombreux collaborateurs du groupe PS à la région et de l'administration ont décrit les menaces et pressions exercées par l’élue qui a ignoré leurs alertes. «Madame Andrieux avait répondu qu'en période électorale, on ne pouvait pas être regardant », a ainsi déclaré un fonctionnaire à la brigade financière. Un de ses collaborateurs, chargé de mission à la politique de la ville, s'était même «vu inviter en 2002 par Sylvie Andrieux à quitter le service après avoir précisé qu'il ne pouvait plus supporter les dérives qu'il déplorait», rappelle l'arrêt de la Cour d'appel.

Malgré ces documents et témoignages accablants, Sylvie Andrieux a toujours assuré n’avoir découvert l’escroquerie qu’à l’automne 2007, quelques mois après qu’un rapport de Tracfin a signalé les malversations de plusieurs associations des quartiers nord. En appel, elle a maintenu sa ligne de défense : la collectivité a été « escroquée » à son insu par des voyous.  

« Pourquoi ce déni devant la force des réalités ? » s’était étonné l’avocat général Jules Pinelli lors des débats, en juin. « Jusqu’au dernier moment, j’ai espéré que vous viendriez dire que vous avez eu une faiblesse, comme tout le monde peut en avoir, avait-il regretté. Pourquoi ne pas avoir franchi le pas ? Vous ne l’avez pas fait car vous avez le culte de la force, de l’action, du combat. Et en matière de combat, il ne peut pas y avoir de faiblesse. Vous vous mentez à vous-même peut-être. »

En première instance, l'élue, encartée au PS dès ses 15 ans, fille du sénateur Antoine Andrieux et filleule de la sénatrice Irma Rapuzzi, avait menacé de tout balancer : « Ça ne vous choque pas que la moitié du cabinet du président vienne d'Arles (dont Michel Vauzelle était maire – ndlr) ? Sur les 4 000 employés du conseil régional, je peux vous citer un par un qui a embauché qui, qui est marié avec qui et qui a fait embaucher ses enfants. » Mais le grand déballage n’a pas eu lieu, l'héritière du système defferriste a su tenir sa langue.

Me Gilles Gauer estime donc que Sylvie Andrieux a pâti de son attitude lors du procès en appel. « Elle avait l’occasion de faire avancer les choses, remarque-t-il. Le fait qu'elle ait interjeté appel, non pour donner un éclairage sur le dossier mais pour continuer à nier les faits et présenter une version non crédible, a vraisemblablement été sanctionné par la juridiction », affirme-t-il.

De son côté,  Me Gaëtan Di Marino a martelé que « le combat de Mme Andrieux se poursuit. Elle clame son innocence et elle clamera son innocence jusqu'au bout ». La députée, qui a remporté les législatives en 2012 avec 699 voix d'avance sur le candidat FN Stéphane Ravier, siège désormais avec les non-inscrits, en haut de l’hémicycle. Le PS lui a retiré son investiture dans l'entre-deux-tours des législatives, après l'annonce de son renvoi devant le tribunal correctionnel.

L’élue s’était ensuite mise en retrait lors des municipales de 2014 qui ont vu le FN emporter dans son secteur la mairie des 13e et 14e arrondissements de Marseille. À 53 ans, elle affirme mardi dans La Provence qu’il est temps de « changer les générations ». Mais manifestement, cela ne vaut pas pour elle : « Moi je suis une passionnée. J'ai un rapport presque charnel avec ceux qui m'ont élue. Ce sont eux qui me font tenir. Je ne les lâcherai jamais. »

BOITE NOIRECet article a été complété le 24 septembre, après avoir eu accès à l'arrêt de la Cour d'appel.

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