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Mensonges et pressions sur la justice: le vrai retour de Nicolas “Bismuth” Sarkozy

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Non, il n’a pas changé. Fidèle à lui-même et l’inconscient au bord des lèvres, Nicolas Sarkozy s’est plu, dimanche 21 septembre, au 20 Heures de France 2, à se poser des questions à lui-même auxquelles il avait, comme par enchantement, la bonne réponse. Ce fut ainsi le cas sur le terrain des “affaires” : « Est-ce que vous croyez que si j’avais quelque chose à me reprocher au fond de moi, je viendrais m’exposer avec un retour en politique ? Je n’ai pas peur », ­­a bombé le torse l’ancien chef de l’État devant le présentateur Laurent Delahousse.

Nicolas Sarkozy, donc, n’a pas peur. En 24 heures de communication accompagnant son retour en politique, que ce soit dans les colonnes du Journal du dimanche puis sur France 2, l’ex-président français n’a surtout pas eu peur de réussir l’exploit de se tromper et de mentir sur la totalité des exemples judiciaires qu’il a cités.

Bettencourt, Karachi, Azibert, financements libyens, Bygmalion... Mediapart propose une revue de détails factuelle pour démonter la rhétorique illusionniste de Nicolas Sarkozy, qui, comme au bon vieux temps, n’hésite pas à humilier la vérité pour faire oublier que jamais dans l’histoire de la Cinquième République un système présidentiel — le sien — n’a été cerné d’aussi près par la justice anti-corruption.

  • Bettencourt. « Trois juges ont décidé que je n’avais rien à voir avec cette affaire. »
Nicolas Sarkozy au soir de sa mise en examen à Bordeaux, en mars 2013.Nicolas Sarkozy au soir de sa mise en examen à Bordeaux, en mars 2013. © Reuters

C’est ce que Nicolas Sarkozy a affirmé, dimanche, sur le plateau de France 2. Dans le JDD, l’ancien chef de l’État n’avait pas hésité le matin même à se présenter comme ayant été « blanchi » dans ce dossier. Le nouveau prétendant à la présidence de l’UMP dit faux. Si Nicolas Sarkozy a bien profité d’un non-lieu concernant le seul délit d’abus de faiblesse, qui lui avait d’abord valu une mise en examen, l’ancien président oublie de rappeler que s’il a échappé à un procès s’agissant du financement politique occulte, ce n’est que grâce à la prescription.

Dans l’ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel (document judiciaire qui clôt une instruction), signée le 7 octobre 2013, les juges de Bordeaux écrivent ainsi : « Il existe également des charges suffisantes à l’encontre de Nicolas Sarkozy d’avoir le 24 février 2007 sollicité un soutien financier illégal d’André et Liliane Bettencourt de nature à entraîner pour eux des conséquences gravement préjudiciables ». La prescription étant de trois ans pour le financement politique illégal et l’enquête judiciaire ayant été ouverte en juin 2010, il a manqué quatre petits mois à la justice pour confondre l’ancien président.

  • Karachi. « Aujourd’hui, je suis lavé. »
Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy, en 1995. Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy, en 1995. © Reuters

Dans le JDD, Nicolas Sarkozy avait utilisé quelques heures plus tôt une autre expression : « Je suis sorti. » Faux, une fois de plus. Au terme de trois ans d’enquête — et non dix, comme indiqué par l’ex-chef de l’État —, les juges anti-corruption Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel, pour un procès, les seconds couteaux politiques du dossier : à savoir Nicolas Bazire, directeur de cabinet et de campagne d’Édouard Balladur à Matignon, Thierry Gaubert, conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère du budget, et Renaud Donnedieu de Vabres, conseiller de François Léotard à la défense. Quant aux ministres eux-mêmes, ils ne peuvent pas être poursuivis par les mêmes juges mais dépendent d’un tribunal d’exception, la Cour de justice de la République, qui vient seulement d’être saisie du dossier. Nicolas Sarkozy n’a donc en rien été « lavé » ou « sorti ».

Pis que cela, l’enquête judiciaire a montré que, ministre du budget entre 1993 et 1995, il avait autorisé la constitution au Luxembourg d’une société offshore de la Direction des constructions navales (DCN, alors entreprise d’État), par laquelle avaient transité les commissions illégales d’un contrat militaire avec le Pakistan (“Agosta”), et qu’il avait également autorisé contre l’avis de sa propre administration le versement de commissions illégales au réseau de Ziad Takieddine en marge, cette fois, d’un marché avec l’Arabie saoudite (“Mouette”).

C’est une partie de cet argent noir qui, une fois retiré en espèces en Suisse, est revenu illégalement en France. Dans une ordonnance judiciaire, signée le 12 juin dernier, les juges écrivent ainsi au sujet de Nicolas Sarkozy : « L’audition du ministre du budget […] n’a pu être réalisée, celui-ci relevant du statut de témoin assisté et donc de la compétence de la Cour de justice. »

À mi-chemin entre le simple témoin et le mis en examen, le statut de témoin assisté suggère, pour Nicolas Sarkozy dans cette affaire, que s’il a indéniablement participé à la mécanique gouvernementale qui a permis les détournements de fonds sur les ventes d’armes du gouvernement Balladur, l’élément intentionnel — indispensable en droit pénal — est à ce stade plutôt à chercher du côté de Matignon. En résumé, les mains de Sarkozy ont aidé à commettre le délit mais le cerveau était ailleurs (voir notre dossier).

  • Azibert. « Dans quel pays vivons-nous quand un ancien chef de l’État peut être écouté pendant plusieurs mois dans ses conversations les plus privées ? »

Ce pays s’appelle la France dont il ne viendrait pas à l’idée de Nicolas Sarkozy de considérer qu’il s’agit d’un pays totalitaire. Pour preuve : estimant avoir été la cible d’écoutes illégales, bien qu’elles aient été décidées par des juges d’instruction et non par une obscure officine privée, Nicolas Sarkozy, comme n’importe quel citoyen, peut se défendre en saisissant l’autorité judiciaire d’abus dont il s’estime la victime — ce qu’il n’a pas manqué de faire juste avant son retour politique.  

Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog.Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog. © Reuters

Sur le fond, aucune des conversations privées de Nicolas Sarkozy, qui ont pu être surprises par les enquêteurs, n’a été ni conservée ni a fortiori versée à la procédure. Surtout, Nicolas Sarkozy oublie d’évoquer les raisons de son placement sur écoute : il est soupçonné d’avoir profité d’un soutien financier illégal du régime Kadhafi en Libye à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007. Ces interceptions judiciaires ont notamment permis de découvrir que l’ancien chef de l’État profitait d’un important réseau de “taupes” au sein de l’appareil d’État (dans la police, les services secrets et la magistrature) pour tenter de freiner les enquêtes des juges qui le menacent, que ce soit dans le dossier Bettencourt ou dans celui des financements libyens. L’ancien président de la République est même allé jusqu’à utiliser un téléphone sous un faux nom — le désormais célèbre “Paul Bismuth” — pensant tromper la vigilance des juges et des policiers…  

Le contenu des écoutes fut à ce point accablant que l’ancien président a été mis en examen, en juillet dernier, pour « corruption » et « trafic d’influence » avec son avocat, Me Thierry Herzog, et un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, suspecté d’avoir tuyauté les deux premiers et tenté d’influencer des décisions judiciaires en marge de l’affaire Bettencourt (voir notre dossier).

  • Financements libyens. « Les juges savent que les documents sont faux. »

La phrase est attribuée à Nicolas Sarkozy par le JDD. Elle fait référence à la plainte pour « faux » de l’ancien chef de l’État contre Mediapart après la publication, en avril 2012, d’un document officiel libyen évoquant l’accord du régime Kadhafi pour le versement de 50 millions d’euros au moment de la campagne de 2007.

Après deux ans d’enquête, aucun élément matériel n’est venu contredire l’authenticité du document, laquelle a par ailleurs été confirmée par le diplomate et ancien traducteur de Kadhafi, Moftah Missouri, sur France 2. Aucune décision judiciaire n’ayant été rendue dans cette affaire, ni même aucune mise en examen prononcée, il est surprenant que Nicolas Sarkozy puisse affirmer publiquement ce que les juges « savent ». Conclusion : soit il s’agit d’une affaire Azibert bis ; soit il s’agit d’une énième forfanterie qui ne peut apparaître, aujourd’hui, que comme une nouvelle pression sur l’appareil judiciaire.

Sur le fond, Mediapart maintient l’intégralité de ses informations et continue de dire que la procédure intentée par Nicolas Sarkozy est un contournement du droit de la presse. Le but ? Primo, trouver nos sources et, secundo, faire oublier que la justice a ouvert, en avril 2013, une information judiciaire sur le fond des faits pour « corruption », confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman. Pris très au sérieux par la justice, les soupçons de financements libyens, alimentés par de nombreux témoins (kadhafistes ou anti-kadhafistes, libyens ou français), ont provoqué des commissions rogatoires internationales dans de nombreux pays, qui, par définition, prennent du temps (voir notre dossier).

  • Bygmalion. « J’ai appris le nom de Bygmalion longtemps après la campagne présidentielle. »
Pendant la campagne de 2012.Pendant la campagne de 2012. © Reuters

Qui peut croire une fable pareille ? L’ancien candidat à l’élection présidentielle, qui est responsable personnellement des frais engagés pendant la campagne, peut-il ignorer quelle fut la société choisie pour assurer le poste de dépenses le plus important — les meetings  ? Une photo publiée par Le Point au printemps dernier montre d’ailleurs Nicolas Sarkozy, un jour de meeting, en compagnie de Franck Attal, directeur des opérations de… Bygmalion.

Autre affirmation de l’ancien chef de l’État — qui parle de lui à la troisième personne — sur cette affaire : « La campagne électorale de Nicolas Sarkozy n’a pas coûté un centime au contribuable. » S’il est vrai que le rejet de son compte de campagne par le conseil constitutionnel, à l’été 2013, l’a privé du moindre remboursement de frais par le Trésor public, cette assertion ne manque pas de culot. En réalité, sa campagne truquée aurait dû rapporter beaucoup d’argent à l’État français. Car s’il se confirme que Nicolas Sarkozy a caché 17 millions d’euros de frais de meeting aux autorités de contrôle, ce n’est pas une amende de 363 000 euros que le Conseil constitutionnel aurait dû lui infliger, mais une méga-sanction de 17 millions d’euros, au profit de Bercy.

D’après la comptabilité cachée d’Event & Cie (la filiale de Bygmalion chargée d’organiser les meetings), l’entreprise s'est en effet contentée de facturer 4,3 millions d’euros au candidat UMP alors que ses prestations valaient en fait 21,2 millions d’euros – soit quelque 17 millions d’euros de frais dissimulés, comme Mediapart l'avait révélé (voir notre dossier).

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