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Doctorat usurpé: Cambadélis s’enferre dans ses mensonges

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À la suite de la publication sur Mediapart des bonnes feuilles de mon livre À tous ceux qui ne se résignent pas à la débâcle qui vient (Lire Les diplômes usurpés de Jean-Christophe Cambadélis) établissant que Jean-Christophe Cambadélis avait fraudé la loi pour s’inscrire dans la filière d’un doctorat de 3e cycle de sociologie, le premier secrétaire du parti socialiste a cherché à réfuter nos informations. D’abord en publiant mercredi soir un communiqué de démenti. Puis en prétendant faire la « transparence » sur ses diplômes et en mettant en ligne sur son blog personnel certains documents retraçant son parcours universitaire.

Si l'on examine de près les déclarations de Jean-Christophe Cambadélis, ses communiqués en même temps que les documents qu’il produit, on a tôt fait de comprendre que le premier secrétaire du PS ne cesse de se contredire lui-même, s’enferre dans des justifications qui ne tiennent pas la route et, involontairement, confirme nos révélations, alors qu’il prétend les infirmer.

Reprenons toute cette histoire depuis le début. Jean-Christophe Cambadélis devient étudiant en 1970. C’est ce que me rapportent de nombreux témoins et c’est ce qui est corroboré par la biographie que Jean-Christophe Cambadélis présente de lui-même sur son blog. Toujours selon des témoins, il aurait donc été étudiant à Paris X-Nanterre de 1970 à 1975, puis se serait inscrit de 1975 à au moins 1981 ou 1982 à l’université de Paris I-Tolbiac.

Au terme de ces onze ou douze ans de vie étudiante, quel est donc le diplôme décroché par Jean-Christophe Cambadélis ? Dispose-t-il seulement d’un DEUG, que l’on obtient ordinairement au terme de la deuxième année à l’université ? Si l’on se réfère au communiqué publié mercredi soir par Jean-Christophe Cambadélis, il est impossible de le savoir.

Pour mémoire, voici que disait Jean-Christophe Cambadélis : « Il y a près de quarante ans, étudiant en licence, j’ai obtenu une dérogation de l’université Paris VII-Jussieu – signée par le président de l’université de l’époque Jean-Jacques Fol – pour m’inscrire en maîtrise, c’était légal et usuel, dans le cadre d’une inscription sur compétences acquises. J’ai obtenu ma maîtrise puis j’ai passé mon doctorat de 3e cycle. » Dans ce communiqué, il n’était donc fait nulle mention d’un DEUG ou d'un autre diplôme obtenu ailleurs qu'à l'université de Paris VII.

Puis, jeudi soir, prétendant organiser une opération de transparence, Jean-Christophe Cambadélis a mis en ligne sur son blog personnel divers documents présentant certaines étapes de son parcours universitaire – mais pas toutes. Ces documents sont accessibles ici : « La transparence sur mon DEA et mon doctorat. » Là encore, il n’est fait ici nulle mention d’un DEUG ou d'un autre diplôme obtenu ailleurs qu'à l'université de Paris VII. En clair, il est impossible de savoir si, au terme de ces douze ou treize années qui vont de 1970 à 1982 ou 1983, Jean-Christophe Cambadélis a au moins obtenu le diplôme qui ponctue la fin de la deuxième année universitaire.

Passons ensuite à l’étape suivante, celle de la licence qui s’obtient, si l’on ne redouble pas, au terme de la troisième année universitaire. Quand Jean-Christophe Cambadélis aurait-il donc pu décrocher ce diplôme ? Relisons le communiqué de mercredi soir : « Il y a près de quarante ans, étudiant en licence, j’ai obtenu une dérogation de l’université Paris VII-Jussieu – signée par le président de l’université de l’époque Jean-Jacques Fol – pour m’inscrire en maîtrise, c’était légal et usuel, dans le cadre d’une inscription sur compétences acquises. »

Dans ce communiqué, Jean-Christophe Cambadélis nous apporte une information : en fait, il n’a pas passé la licence normalement, comme y sont obligés la plupart des étudiants ; il a obtenu une dérogation pour « compétences acquises ». Dans un billet de blog publié mercredi soir pour décrypter ce premier communiqué de presse (Cambadélis : un démenti qui ne dément… rien du tout !), je m’arrêtais sur  cette information, pour faire plusieurs constats. Jean-Christophe Cambadélis se rend-il compte que des centaines de milliers d’étudiants qui n’ont pas bénéficié de cette « dérogation » ou de ce passe-droit en tomberont à la renverse en découvrant que d’autres étudiants, autrement plus chanceux qu'eux ou disposant de solides appuis, ont franchi l’obstacle universitaire de la licence sans même avoir à passer les examens afférents ?

Pourquoi Jean-Christophe Cambadélis parle-t-il d'une dérogation obtenue « dans le cadre d’une inscription sur compétences acquises » ? Et que veut dire cette formule mystérieuse de « compétences acquises » ? Il est vrai que la loi autorise en certains cas très limités des systèmes d'équivalence de diplômes pour des activités dans des missions de service public. Ce fut longtemps le cas pour la Mnef. Faut-il donc déduire du communiqué de Jean-Christophe Cambadélis que son emploi fictif à la Mnef, pour lequel il a été condamné en 2006 à six mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, lui aurait, envers et contre tout, permis d'obtenir une équivalence, dont il n'aurait jamais fait état ? Son communiqué aurait gagné en clarté si des réponses à ces questions avaient été apportées. L'Université aurait-elle pu récompenser ce que la justice a condamné ?

Cette obtention d’une licence grâce à une « dispense », Jean-Christophe Cambadélis la révèle mercredi soir par un communiqué. Dans la foulée, il confirme l’information à l’occasion d’un rapide entretien, mercredi, avec le journaliste du Point Emmanuel Berretta – entretien que l’on peut consulter ici.

Il faut lire avec attention ce que Jean-Christophe Cambadélis confie au journaliste, car les propos qu’il tient sont proprement stupéfiants. Cela commence par de la moquerie : « Il manque une pièce à Laurent Mauduit qui a été induit en erreur. Je n'ai pas produit de faux diplôme de l'université du Mans, jure-t-il. J'ai bénéficié d'une dérogation pour "compétences acquises" signée par le président de l'université de Jussieu, Jean-Jacques Fol, afin de passer de la licence à la maîtrise alors que je n'avais pas validé toutes mes matières. Ce document, manifestement, Laurent Mauduit ne le possède pas. »

Et puis cela se poursuit par ce propos qui laissera sans voix des centaines de milliers d’étudiants : « Normalement, j'aurais dû redoubler. Ça me faisait suer. J'ai donc demandé cette dérogation et je l'ai obtenue. C'est une pratique tout à fait légale et courante. Puis, ensuite, ma scolarité a repris son cours : j'ai eu ma maîtrise, etc., jusqu'à mon doctorat. »

« Ça me faisait suer »… Ainsi donc, Jean-Christophe Cambadélis a donc franchi l’étape de la licence, sans avoir à passer ses examens.

Mais nous ne sommes toujours pas au bout de nos surprises. Car lorsque l’on se reporte aux documents universitaires publiés par Jean-Christophe Cambadélis, on ne trouve nulle trace de la dispense pour la licence. Il y a bien une dispense, qui y est présentée, mais comme on le constatera en consultant le document ci-dessous, cette fameuse dispense porte sur… la maîtrise !

                           (Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

En lisant ce document, on découvre donc que le président de l’université aurait décidé le 3 mai 1983 que « la dispense de maîtrise est accordée à Monsieur Jean-Christophe Cambadélis » en vertu notamment d’un avis du Conseil scientifique de l’université en date du 2 mai 1983.

Cette décision soulève plusieurs remarques. D’abord, lorsque l’on se réfère aux archives du Conseil scientifique de l’université de Paris VII, on ne trouve nulle trace d’une délibération portant sur une dispense pour cette séance en date du 2 mai 1983. Voici le document qui permet de le vérifier. On peut le télécharger ici ou le consulter ci-dessous :

À la date du 2 mai 1983, il est juste fait ces mentions : « Séance du 2 mai 1983. – relations entre l’INSERM et Paris7 (allocution de M. Lazar, directeur général de l’INSERM, discussion), budget recherche 1983 : PV, liste d’émargement, rapport de la commission du budget, liste des contrats notifiés ou en attente de notification depuis le 21/02/1983, rapport de la commission du 3ème cycle, projet de convention "évaluation de la formation professionnelle en ethno-menuiserie" entre le ministère de la Recherche et de l’Industrie et le laboratoire d’ethno-technologie de la vie quotidienne (UER d’ethnologie de Paris 7), notes relatives à la réactualisation du Plan quinquennal, notes relatives au développement des relations entre Paris 7 et des Industries, dossier de demandes d’habilitation. »

Dans cette délibération, il n’est donc nullement fait mention qu’une dispense est à l’ordre du jour. Le fait retient d’autant plus l’attention que l’usage voulait que les dispenses soient évoquées et figurent à l’ordre du jour. On peut par exemple se reporter à la délibération du 7 juillet 1975, où on lit ceci : « Séance du 7 juillet 1975. – 3ème cycle (nombre de candidats à admettre, dérogation et dispense, procédure d’inscription) : PV, liste d’émargement, compte-rendu de la réunion de la commission des dérogation de 3ème cycle (3 juillet 1975), correspondance, arrêté relatif au doctorat d’État, extraits du JO ; »

La comparaison du communiqué de mercredi soir, puis des documents universitaires mis en ligne jeudi soir, suggère que Jean-Christophe Cambadélis aurait pu obtenir non pas une dispense, mais deux : d’abord la dispense pour la licence – mais dans ce cas, Jean-Christophe Cambadélis ne publie pas le document qui en atteste – puis la dispense pour la maîtrise. Cette seconde dispense appelle les mêmes interrogations que la première : pourquoi Jean-Christophe Cambadélis en a-t-il profité ? Parce que cela le « faisait suer » d’avoir à passer les examens pour obtenir la maîtrise ? Parce qu’il a excipé de son emploi (fictif) à la Mnef ? Mystère ! On dispose de la décision de dispense, mais on n’en connaît pas la justification…

Résumons. Pour l’heure, Jean-Christophe Cambadélis, qui serait donc resté de 1970 à 1985 à l’université, ne fournit pas la preuve qu’il a obtenu un DEUG, et suggère qu’il aurait obtenu d’abord une licence puis une maîtrise par une « dispense ».

La suite de son cursus universitaire laisse tout aussi perplexe. Car dans son communiqué de mercredi soir, le premier secrétaire du PS omet de mentionner qu’après la maîtrise, il a eu à passer un DEA, passage obligé avant de pouvoir soutenir un doctorat de 3e cycle. « J’ai obtenu ma maîtrise puis j’ai passé mon doctorat de 3e cycle », écrivait-il. Décryptant ce communiqué, nous nous étions donc étonnés qu’il ne fasse pas état de l’obtention d’un DEA.

Or, voilà que sur son blog, Jean-Christophe Cambadélis se souvient soudainement jeudi soir qu’il a passé un DEA. Et il produit une « attestation de diplôme » en date du 3 décembre 1984 – on peut la télécharger ici. J’ai cherché à vérifier la réalité de cette attestation, et à comprendre dans quelles circonstances et sous quelles modalités Jean-Christophe Cambadélis aurait pu passer un tel DEA.

Vendredi en début de matinée, je lui ai donc adressé le mail suivant : « Jean-Christophe, je vais naturellement porter à la connaissance des lecteurs de Mediapart dans la journée les documents que tu as mis en ligne, retraçant ton parcours universitaire. Pour que mon article soit le plus rigoureux possible, je voudrais te poser une question complémentaire : Peux-tu m'indiquer quand tu as soutenu ton mémoire de DEA ? Quel en était le sujet ? Et avec qui l'as-tu fait ? Ce mémoire, puis-je le consulter ? Dans l'hypothèse où tu ne disposerais pas de ces pièces, peux-tu donner ton autorisation au directeur de cabinet de la présidente de l'université de Paris 7 pour qu'il me fournisse ces réponses ? En te remerciant. » Mais à l’heure où nous mettons cet article en ligne, samedi, l’intéressé ne nous a apporté aucune réponse.

On connaît la suite. Jean-Christophe Cambadélis s’inscrit ensuite en doctorat de 3e cycle, et rédige une thèse sous la direction de Pierre Fougeyrollas qui est, comme lui, un dirigeant de l’OCI. Le jury qui lui octroie le doctorat lui est aussi largement acquis puisque, outre Pierre Fougeyrollas, il comprend également un universitaire socialiste, Gérard Namer, avec lequel Jean-Christophe Cambadélis a cherché les mois précédents à créer des sections Force ouvrière dans l’enseignement supérieur. Dans les documents fournis par Jean-Christophe Cambadélis, on dispose d’une information complémentaire : on découvre (le document peut être téléchargé ici) que le rapporteur du doctorat est également le directeur de thèse Pierre Fougeyrollas, ce qui n’est jamais le cas en doctorat, où les rapporteurs sont externes.

Bref, l’opération « transparence » annoncée par Jean-Christophe Cambadélis vient en vérité confirmer nos informations. Car au total, voici ce que l’on peut retenir : on ne sait toujours pas si l’intéressé a ou non obtenu un DEUG ; on sait qu’ensuite il aurait eu une dispense d’abord pour la licence, ensuite pour la maîtrise, mais on ne dispose pas de la pièce en attestant dans le premier cas et on ne dispose pas des raisons de ces dispenses dans les deux cas ; Jean-Christophe Cambadélis refuse par ailleurs d’indiquer quel a été son mémoire de DEA ; et pour finir, il a obtenu un doctorat de 3e cycle supervisé par une personnalité qui était politiquement très proche de lui.

Notre enquête vient donc confirmer le récit que j’ai établi de l’histoire de cette génération – ou d’une partie de celle-ci – qui a gravité longtemps autour de l’Unef et de la Mnef, ayant une relation très distanciée avec la vérité, et jugeant que la fin justifiait perpétuellement les moyens. De l’histoire de quelques dirigeants étudiants qui, choisissant de faire carrière au parti socialiste, ont fini par ne plus défendre qu’une seule cause : la leur.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : GooglePlayDownloader 1.3


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