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Un virement bancaire de Pinault à Cahuzac intrigue la justice

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Virement régulier ? Emploi fictif ? Blanchiment ? Le parquet national financier (PNF) devrait décider dans les prochains jours des suites judiciaires à donner à une enquête préliminaire ouverte autour d’un intrigant mouvement bancaire, à l’automne 2013, de 35 000 euros de la Financière Pinault, propriété du milliardaire François Pinault, au profit de Cahuzac Conseil, une société de consulting créée il y a plus de vingt ans par l’ancien ministre socialiste du budget.

Le 22 juillet 2013, devant la commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale.Le 22 juillet 2013, devant la commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale. © Reuters

Les faits avaient été signalés à la justice il y a plusieurs mois par la cellule anti-blanchiment du ministère des finances, Tracfin, au terme d’une enquête d’environnement financier sur Jérôme Cahuzac, selon des informations concordantes de Mediapart. Les investigations diligentées autour des liens financiers entre Pinault et Cahuzac ont été réalisées parallèlement à l’information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale qui vaut à l’ancien ministre, depuis avril 2013, une mise en examen au sujet de ses comptes cachés en Suisse et à Singapour.

Créée au début des années 1990, après son départ du cabinet de l'ancien ministre de la santé Claude Evin, la société Cahuzac Conseil a permis à Jérôme Cahuzac de faire fructifier son carnet d'adresses dans le monde du médicament, au travers d'opérations de lobbying en faveur de l'industrie pharmaceutique. Elle avait ensuite été mise en sommeil à la fin des années 1990.

À ce jour, nul ne peut dire si les faits signalés par Tracfin relèvent d’un éventuel délit. Le PNF a le choix entre classer l’affaire sans suite, faute de soupçons suffisamment consistants, ou d’ouvrir une information judiciaire si le dossier l’impose, voire de renvoyer les protagonistes en correctionnelle via une citation directe.  

Selon la communication de la Financière Pinault, contactée par Mediapart, le virement de 35 000 euros correspond à un « contrat de conseil » liant depuis octobre 2013 l’ancien ministre PS à la société du milliardaire concernant des analyses d’investissement dans le milieu médical. « Ils ont demandé à Jérôme Cahuzac une analyse des dossiers », explique-t-on, sans plus de précisions, dans l’entourage de la famille Pinault. « Il s’agit bien d’un vrai travail, rien de fictif », ajoute la communication du groupe, qui se dit « confiant » sur l’issue de l’enquête judiciaire.

Jérôme Cahuzac, dont le nom est désormais synonyme d’un scandale qui a durablement entaché le quinquennat de François Hollande (voir notre dossier complet), entretient depuis plusieurs années les meilleures relations avec François-Henri Pinault, gérant de la Financière Pinault et fils de François. Les deux hommes cultivent en effet une passion commune pour la boxe au point de partager le même coach. L’ancien ministre du budget, chirurgien d’implants capillaires de profession et ancien conseiller au ministère de la santé en charge de la politique du médicament sous le gouvernement Rocard, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Il n’est pas inutile de rappeler qu’en pleine affaire Cahuzac, après les premières révélations de Mediapart sur les avoirs occultes du ministre du budget, Le Point, propriété du groupe Pinault, avait passé à la trappe, le 22 janvier 2014, une enquête de deux journalistes de l’hebdomadaire sur « Les petits problèmes d’ISF de Jérôme Cahuzac », selon La Lettre A. La suppression de l’article, pourtant mis en page, quelques heures avant l’impression du magazine avait suscité de vifs remous au sein de la rédaction. « Nous avons en effet une enquête en cours sur Jérôme Cahuzac, mais nous recoupons et vérifions plusieurs fois les informations. Le papier n'est pas encore prêt pour être publié et n'est pas finalisé. Le Point est un journal sérieux », s’était alors justifié auprès du site Arrêt sur Images Étienne Gernelle, directeur de la rédaction du Point.

Quant au dossier de fraude fiscale qui a causé la chute de l’un des ministres stars du gouvernement Ayrault, instruit depuis plus d’un an par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, il devrait être clos dans les prochaines semaines pour être renvoyé devant un tribunal correctionnel en vue d’un procès, vraisemblablement en 2015, selon nos informations.

L’enquête judiciaire a permis d’établir avec précision qu’après avoir ouvert un compte non déclaré à l’UBS de Genève au début des années 1990, Jérôme Cahuzac a transféré 680 000 euros à Singapour sur le compte n° 310 1525 de la banque Julius Baer & Co, quelques semaines avant de devenir président de la commission des finances de l’Assemblée nationale début 2010. Les montages utilisés ont fait apparaître l’existence d’une société écran, Cerman Group Limited, immatriculée aux Seychelles et notamment gérée par un Suisse, Philippe H., vivant à Dubaï. Une vraie internationale de l’évasion et de la fraude fiscales.

Jérôme Cahuzac, qui a réussi par une dernière pirouette de communication à faire croire qu’il était passé aux « aveux » dans ce dossier, alors qu’il n’a fait que reconnaître ce que la justice avait déjà trouvé, a récemment fait parler de lui à la faveur d’un articulet dans Le Canard enchaîné. Interrogé par l’hebdomadaire satirique sur le cas du député Thomas Thévenoud, qui a omis de payer ses impôts depuis plusieurs années, Jérôme Cahuzac a déclaré : « Nos cas ne sont pas similaires. Moi, j'avais une chance que mon histoire ne soit jamais connue. »

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