La procureur d’Orléans, Yolande Fromenteau-Renzi, a ouvert le 7 août 2014 une information judiciaire contre X... pour homicide involontaire suite au décès de Loïc Louise. Cet étudiant de 21 ans est mort le 3 novembre 2013 à La Ferté-Saint-Aubin (Loiret) après avoir reçu une décharge électrique tirée par un gendarme. Selon les conclusions de l’enquête préliminaire, confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), ce tir a duré 17 secondes. Le pistolet électrique fonctionne par cycles d’une durée de cinq secondes : tant que l’utilisateur maintient son doigt appuyé, les cycles s’enchaînent. Ce qui signifie donc que Loïc Louise a reçu un tir prolongé. « Au vu de la réglementation, l’enquête conclut qu’il n’y a pas eu d’usage anormal », assure Yolande Fromenteau-Renzi.
La procureur d’Orléans a décidé de confier ce dossier à un juge d'instruction après avoir reçu début août les parents du jeune homme, tous deux fonctionnaires dans un lycée de La Réunion, et leur avocat. Selon Yolande Fromenteau-Renzi, l'enquête de l'IGGN montre que l'étudiant est décédé « par asphyxie et d’un arrêt cardiaque ». Le 5 novembre 2013,son prédécesseur avait indiqué, au vu des premiers éléments de l'autopsie, que Loïc Louise était « décédé d'un étouffement ». « Des régurgitations d'aliments ont été retrouvées dans sa trachée et ses poumons », avait-il précisé. Mais le rapport anatomopathologique ensuite réalisé est moins définitif : l'arrêt cardiaque peut avoir été causé soit par le choc électrique, soit par un étouffement lié à la régurgitation. « Il reviendra au magistrat instructeur d’établir s’il y a un lien de causalité entre ce tir et le décès, en ayant recours à des experts médico-légaux », affirme la procureur.
Selon Me Fabrice Saubert, l’avocat de la famille qui a eu accès à l’enquête de l’IGGN, l’arrêt cardiaque est survenu quelques minutes après le tir de Taser, « au moment où Loïc est au sol, menotté et encadré par trois gendarmes qui attendent l’arrivée de renforts ». Le jeune homme n’a alors « aucune trace de vomissure, les secours n'ont pas eu de difficulté pour l'intuber », précise l’avocat, selon qui les tentatives de réanimation ont pu provoquer cette régurgitation.
Le samedi 3 novembre 2013, Loïc Louise s’était rendu à la soirée d’anniversaire d'une amie à La Ferté-Saint-Aubin. Trois gendarmes, appelés par l’organisatrice de la soirée, interviennent pour mettre fin à un début de bagarre entre l'étudiant réunionnais et ses cousins, tous très alcoolisés. Selon l'avocat, Loïc Louise s’est d’abord dirigé vers un gendarme qui lui a fait une clef de bras. Ses deux cousins l'ont alors retenu. Une fois relâché, « Loïc va vers un autre gendarme, explique Me Saubert. Il sort son Taser, le repousse deux fois de la main gauche et la troisième fois, il tire jusqu’à ce que Loïc s’écroule. Ce qui pose la question de la proportionnalité ». L'avocat souligne l’aspect aléatoire de la réaction des militaires. « Seul un gendarme est équipé d'un Taser, rappelle-t-il. Dans le même cas, quand Loïc s’approche de l'un, il est repoussé grâce à une simple clef de bras ; mais quand il s’approche d'un autre, il prend une décharge. » Pour l'avocat, le gendarme a sans doute sorti son arme dans un but dissuasif, mais cela n'a eu aucun effet sur le jeune homme qui avait beaucoup bu.
Selon plusieurs témoignages recueillis par Mediapart, Loïc Louise est ensuite resté inanimé et menotté au sol pendant au moins un quart d’heure, avant qu’un de ses amis, militaire de carrière, ne soit autorisé par les gendarmes à prendre son pouls. Comment expliquer que les gendarmes ne se soient pas inquiétés de son état plus tôt alors que les directives sur l'emploi du Taser recommandent la « prudence » à l’égard des personnes « en état d’imprégnation alcoolique » ? « Les gendarmes disent qu’il se débattait, mais la vidéo du Taser montre un Loïc plutôt immobile, relate Me Saubert. Puis, un gendarme dit avoir eu l’impression qu’il dormait. » La procureur d'Orléans n'a toutefois pas choisi de viser la « non-assistance à personne en danger ».
Quatre décès sont déjà survenus en France à la suite de l’usage du pistolet à impulsion électrique, généralisé chez les forces de l'ordre en 2006. Mais il n'y a jamais eu de procès lié à l'usage du Taser. Deux enquêtes ont ainsi été classées sans suite. Une troisième, après le décès d'un homme de 34 ans le 5 septembre 2014 à Paris, est en cours. Appelés pour un homme très agité qui menaçait de se suicider, les policiers avaient utilisé leur pistolet à impulsion électrique pour l’interpeller. L'enquête a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale.
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