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Ecoutes de Sarkozy: la bataille de procédure est lancée

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Parallèlement aux préparatifs du retour en politique de Nicolas Sarkozy, une discrète offensive s’organise également sur le terrain judiciaire. Handicapé par une mise en examen humiliante pour « corruption active », « trafic d’influence », et « recel de violation du secret professionnel », prononcée le 2 juillet dernier dans l’affaire Herzog-Azibert, l’ex-président de la République orchestre depuis l’été de grandes manœuvres qui visent autant à faire annuler la procédure elle-même qu’à ridiculiser médiatiquement des juges qu’il exècre.

Nicolas SarkozyNicolas Sarkozy © Reuters

Sur le terrain judiciaire, des conciliabules se poursuivaient ces jours-ci, qui sont en train de déboucher sur une, voire plusieurs requêtes en annulation de la procédure, qui seront soumises prochainement aux magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Ce vendredi, les deux premières requêtes, déposées par les avocats respectifs de Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog, étaient déjà en cours d'enregistrement à la chambre de l'instruction, selon des informations obtenues par Mediapart. Le but étant d'obtenir, par ricochet, l'annulation des mises en examen et, pour finir, de toute la procédure.

En droit, deux angles d’attaque sont envisagés par le camp sarkozyste. L’un consiste à mettre en cause l’objet et la durée d’écoutes téléphoniques dites « en filet dérivant », qui auraient été prolongées artificiellement, et jusqu’à la découverte d’une infraction – selon la défense. L’autre repose sur la confidentialité des échanges et le secret professionnel qui protègent les avocats, et que ces écoutes téléphoniques auraient mis à mal. Outre Nicolas Sarkozy, qui est avocat inscrit au barreau de Paris, son défenseur, Thierry Herzog, ainsi que l’actuel bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, apparaissent en effet sur des conversations enregistrées par les enquêteurs.

L'analyse du parquet national financier et du parquet général de la cour d'appel est tout autre : ils considèrent au contraire que les deux lignes “Paul Bismuth” ayant été ouvertes sous une fausse identité, et que les conversations écoutées ayant révélé la commission d'une infraction, les retranscriptions sont procéduralement valables.

Thierry HerzogThierry Herzog

Ces requêtes en annulation pourraient être déposées par une ou plusieurs des personnalités mises en examen, à savoir Nicolas Sarkozy (maintenant défendu par Pierre Haïk), son ami et avocat Thierry Herzog (défendu par Paul-Albert Iweins), ainsi que l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert (défendu par José Allegrini). Quant au bâtonnier Pierre-Olivier Sur et à l'Ordre des avocats de Paris, qui ont déposé conjointement, dans cette affaire, une plainte contre X... pour « violation du secret de l’instruction » au mois de juillet, il n’est pas certain qu’ils se joignent officiellement à ces requêtes en annulation. Dans tous les cas, la chambre de l'instruction ne pourra statuer avant plusieurs semaines.

L'enjeu de cette bataille procédurale est, en tout cas, vital pour un Nicolas Sarkozy à cran. Sa longue garde à vue, le 1er juillet, au siège de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) de la police judiciaire, à Nanterre, a été assez tendue. L'ex-chef de l'État s'est montré tour à tour séducteur puis un brin menaçant avec les policiers. Il s’est également énervé d’être bloqué dans un ascenseur en panne.

La nuit suivante, sa présentation aux juges d’instruction Patricia Simon et Claire Thépaut, au pôle financier du tribunal de Paris, a été carrément électrique. Nicolas Sarkozy leur a proposé d’emblée une sorte de « deal » : il promettait de ne pas réclamer l’annulation de la procédure si les magistrates ne le mettaient pas en examen mais le plaçaient simplement sous le statut de témoin assisté. Les deux juges ont tenu bon.

Nicolas Sarkozy a alors refusé de parler à Claire Thépaut, au motif qu’elle est membre du Syndicat de la magistrature (SM, gauche), une des organisations professionnelles qui avait pris position contre lui en 2012. Patricia Simon ayant fait observer qu’elle n’était pas membre de ce syndicat, Nicolas Sarkozy lui a répondu sèchement que c’était la même chose, car elle était « contaminée » par sa collègue...

À l'origine, cette affaire est née des investigations sur le possible financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy par la Libye de Kadhafi, instruction menée par les juges parisiens Serge Tournaire et René Grouman depuis avril 2013. Les deux magistrats du pôle financier avaient placé l’ex-chef de l’État français, ainsi que ses anciens ministres Claude Guéant et Brice Hortefeux, sur écoutes téléphoniques, ce que permettent les textes. Juges et enquêteurs avaient alors découvert que Nicolas Sarkozy, volontiers disert, était devenu beaucoup plus prudent au téléphone après l’épisode médiatisé, en décembre 2013, des conversations très amicales entre Brice Hortefeux, ex-ministre de l’intérieur, et Christian Flaesch, le patron de la PJ parisienne (ce dernier a depuis été limogé).

En fait, Thierry Herzog venait de faire l’acquisition de deux téléphones au nom de Paul Bismuth, pour pouvoir communiquer discrètement avec son ami et client Nicolas Sarkozy. Or selon les retranscriptions de leurs conversations, l’ancien président – via son avocat – était renseigné officieusement sur l’évolution de deux autres procédures judiciaires par Gilbert Azibert, alors premier avocat général à la Cour de cassation, un hiérarque marqué à droite et qu’ils connaissent l’un et l’autre.

Gilbert AzibertGilbert Azibert © (Capture d'écran)

Gilbert Azibert les aurait informés, d’une part, de l’évolution de la procédure Bettencourt, dans laquelle Nicolas Sarkozy a obtenu un non-lieu et réclamait ensuite la restitution de ses agendas en invoquant l'immunité présidentielle. Mais il leur aurait aussi appris l'existence du vif intérêt de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR) envers l'exploitation du contenu de ces agendas dans la procédure visant Christine Lagarde dans l’affaire de l’arbitrage Tapie. Un dossier qui inquiète manifestement Nicolas Sarkozy.

Gilbert Azibert connaissait tous les magistrats de la Cour de cassation, et avait accès à leurs échanges de documents sur intranet pour préparer les audiences et mettre les dossiers en état. En échange de ces “tuyaux” donnés à Sarkozy via Thierry Herzog, Gilbert Azibert aurait – selon les retranscriptions d'écoutes – demandé un “piston” pour devenir conseiller d’État à Monaco après son départ en retraite de la magistrature.

Les juges Tournaire et Grouman ont transmis, courant février, ces éléments au procureur national financier, Éliane Houlette. Et celle-ci a ouvert rapidement une information judiciaire, avec l'accord du procureur général de la cour d'appel de Paris, François Falletti.

Les juges Patricia Simon et Claire Thépaut, qui étaient alors les seules à être disponibles au pôle financier, ont donc hérité du dossier. Elles ont procédé à des perquisitions jusqu'à la Cour de cassation, sans trembler. Inédite à tous égards, cette affaire a provoqué le départ en retraite de Gilbert Azibert après sa mise en examen. Elle a aussi vu, pour la première fois, un ancien chef de l'État d'abord placé en garde à vue, puis s'en prendre vivement à la justice.

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