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Immigration professionnelle: Valls reçoit les encouragements de… Mariani

Les oreilles de Nicolas Sarkozy ont dû siffler dans l’après-midi du 13 juin. À l’Assemblée nationale, lors du débat sans vote sur l’immigration professionnelle et étudiante, Thierry Mariani, l’un de ses fidèles, a dressé un bilan désastreux de l’immigration « choisie », l’une des réformes symboliques attachées à la fonction de ministre de l’intérieur de l’ex-président de la République, qui visait à attirer les travailleurs étrangers qualifiés, au détriment de l’immigration « subie », sous-entendu familiale.

Selon le rapport réalisé par l’actuel gouvernement, 17 000 premiers titres de séjour de longue durée ont été délivrés en 2012 pour motif économique (sans compter les changements de statut, notamment d’étudiants vers salariés), soit seulement 9 % de l’ensemble des premiers titres de séjour. « Cette immigration professionnelle n'a strictement pas décollé dans notre pays. Malgré les discours, elle reste très minoritaire par rapport à l'immigration familiale », a observé le député UMP des Français de l’étranger, plaidant l’« humilité ».

De Charles Pasqua à Manuel Valls, en passant par Jean-Pierre Chevènement, Daniel Vaillant, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, Éric Besson, Brice Hortefeux et Claude Guéant, il a assuré avoir à son actif pas moins de seize débats sur l’immigration. À quatre reprises, il a été rapporteur, pour l'opposition, d’un projet de loi sur ce thème. Autrement dit, l’élu de la Droite populaire est censé le maîtriser. Mais Thierry Mariani, qui restera à tout jamais celui qui a proposé (en vain) le recours aux tests ADN dans le cadre du regroupement familial, a battu publiquement sa coulpe.

« Gérer les flux migratoires, l’intention est bonne (…). Mais la carte compétences et talents est un échec, vous avez raison », a-t-il affirmé. « C’est un bide complet », a-t-il insisté à propos de ce qui devait être la mesure phare de l’« immigration choisie ». Manuel Valls, dans sa présentation générale, s’est fait un malin plaisir de rappeler les chiffres : moins de 300 personnes concernées par an depuis sa création. La carte délivrée au motif d'une « contribution économique exceptionnelle » a quant à elle été attribuée à… trois personnes. « On comprend mieux ce que l’adjectif exceptionnel voulait dire ! » a ironisé le ministre de l’intérieur.

Rétrospectivement, Thierry Mariani en veut au « deuxième rang » de l’hémicycle, où prennent place en général les conseillers des ministres. « La loi telle qu'elle avait été votée était claire. C’est à cause du décret qui était imbuvable... C’est l’écueil tragique de ce Parlement: voter des textes relativement simples et logiques qui sont gâchés par les lourdeurs administratives », a-t-il regretté. « Quand je fais le bilan de l’immigration professionnelle, c’est un constat d’échec, à gauche et à droite, depuis quinze, vingt ans. J’espère que vous réussirez, sincèrement, mais j’avoue que j’en doute », a-t-il lancé, admettant même qu'il trouvait « séduisant » le nouveau titre de séjour pluriannuel proposé par le ministre « à condition qu'il y ait des contrôles ».

En réponse à ce défi, en forme d’encouragement, Manuel Valls a indiqué vouloir être « consensuel » et ne pas réitérer les « erreurs du passé » : « des déclarations fracassantes, des décisions incohérentes et finalement des flux migratoires inchangés ». Dans les pas de François Hollande, il a dit être en quête d’« apaisement ». En clôture de la discussion, qui a duré trois heures, il ne savait pas s’il devait se réjouir du peu de succès rencontré par l’événement. Une poignée de députés avaient fait le déplacement. Il a évoqué « un débat apaisé, apaisant, peut-être trop ».

Sortant des lignes de son discours, il s’est aventuré à aborder la question de la « rupture » par rapport au quinquennat précédent qui lui est fréquemment posée. « Je suis pragmatique, je me méfie des grands soirs et des ruptures dans ces domaines. Je suis sensible à ce que nos compatriotes pensent », a-t-il souligné, laissant entendre que ceux-ci pensaient à l’immigration avec inquiétude. Il a aussi reconnu qu’en matière d’expulsion des étrangers du territoire, la continuité devait l’emporter. « Les efforts seront poursuivis, renforcés, amplifiés (...). Les interpellations, les éloignements contraints d'étrangers se maintiennent cette année au rythme qui était le leur en 2010, 2011 et 2012. Il n'y a ni laxisme, ni relâchement en la matière », a-t-il insisté en répétant qu’il serait « intraitable » à l’égard de l’immigration irrégulière.

La veille, ses conseillers avaient indiqué à quelques journalistes réunis place Beauvau que la tendance des retours forcés en 2013 serait la même que précédemment (aux alentours de 20 000). En 2012, les éloignements, y compris les retours « aidés », avaient dépassé 36 000 en raison de la forte proportion de départs de Roms, qui devrait baisser en raison de la diminution du montant de l’aide au retour. À propos des régularisations, l’entourage du ministre s’était voulu prudent, estimant qu’il était trop tôt pour mesurer les effets de la circulaire appliquée à partir du 3 décembre 2012. Mais, a été cité, pour l’année dernière, le nombre de 36 000 personnes ayant honoré la nouvelle « taxe de régularisation » entrée au vigueur au 1er janvier 2012, chiffre qui pourrait désormais faire office de référent en la matière.

Dans l’hémicycle, après s'être exprimé devant les sénateurs le 24 avril, le ministre s’en est tenu, sinon, à ses annonces déjà connues : la volonté de présenter un projet de loi sur l’immigration intégrant la création d’un titre de séjour pluriannuel de quatre ans, pour faciliter l’intégration des migrants et alléger le travail de l’administration, la refonte du contrat d’accueil et d’intégration et la transposition des directives sur l’asile adoptées le 12 juin au Parlement européen.

Députée PS, Sandrine Mazetier, experte sur les questions migratoires, a incité le gouvernement à aller plus loin, notamment sur la suppression de l’autorisation de travail. Jean-Philippe Nilor, au nom des communistes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, a énoncé ses attentes à l’égard d’une « véritable rupture », critiquant une politique « ultra-restrictive ».

Pour rien au monde l’élue du FN, Marion Maréchal-Le Pen, n’aurait raté ce débat. « On dit de vous que vous êtes l’homme de droite dans le gouvernement. En réalité vous ne faites que poursuivre la politique de gauche de monsieur Sarkozy », a-t-elle affirmé à l’adresse de Manuel Valls, faisant appel à la CGPME aussi bien qu'à la CGT pour fustiger une politique dont elle estime qu’elle répond aux « intérêts du Medef » plutôt qu’à ceux de « nos concitoyens ». Ce à quoi le ministre de l'intérieur a rétorqué que « l'économie n'est pas un jeu à somme nulle où un entrant prend la place de quelqu'un d'autre ». Une démonstration qu'il aura l'occasion de refaire à l'automne lorsque son futur projet de loi sera examiné par le Parlement.

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