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Détenu tué à Colmar : le gendarme simple témoin assisté

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Ce devait être une simple escorte de détenu. Mais le 26 août vers 13 h 30, Hocine B., 23 ans, a été tué sur l’autoroute d’un coup de feu au visage par l’un des deux gendarmes qui l’escortaient au tribunal de grande instance de Colmar. Le gendarme affirme avoir voulu protéger sa collègue aux prises avec le détenu, menotté, qui avait tenté de se saisir de son arme. Extrait de la maison d’arrêt de Strasbourg, le jeune homme, soupçonné dans deux affaires de braquage, devait être entendu par un juge d’instruction de Colmar.

Estimant que la légitime défense n’était pas constituée, Bernard Lebeau, le procureur de la République de Colmar, a demandé le 28 août la mise en examen du gendarme adjoint, âgé de 28 ans, du chef de « violences volontaires avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner par un agent dépositaire de l’autorité publique ». L’information judiciaire a été confiée à un juge d’instruction de Colmar, Jean-François Assal. À l’issue de sa garde à vue, menée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale, le juge d'instruction a toutefois placé le gendarme sous simple statut de témoin assisté, sans contrôle judiciaire. Le procureur de Colmar n’a pas fait appel de cette décision, comme le lui aurait permis la loi. Mais « en raison de la complexité de l'affaire », un deuxième juge d'instruction, Nicolas Faltot, a été désigné en renfort de Jean-François Assal. Ce dernier est vice-président du TGI de Colmar, chargé de l'instruction, et ancien vice-procureur du même tribunal.

« En l’état du dossier, mon client ne pouvait espérer mieux », se réjouit l'avocat du gendarme, Me Thierry Moser, qui espère aboutir à un non-lieu. Il indique que le jeune militaire, « complètement déprimé et catastrophé par les conséquences de son geste », est toujours en arrêt maladie. « Le statut octroyé au mis en cause empêche toute forme de contrôle ou contrainte judiciaire à son égard », regrette de son côté Me Renaud Bettcher, l’avocat de la famille de la victime. Il y voit le signe d’« une connivence de l’institution judiciaire à l’égard des membres de la police comme de la gendarmerie ».

Conférence de presse du procureur de Colmar, le 28 août 2014. © DNA

Que s’est-il passé le 26 août ? Lors d’une conférence de presse le 28 août, le procureur Bernard Lebeau a fait un récit assez détaillé de la bagarre qui a éclaté dans la petite Clio. L’escorte était constituée de deux fonctionnaires : une sous-officier, assise sur la banquette arrière à côté du détenu, et un gendarme adjoint, d’« 1 mètre 93 pour une centaine de kilos », qui conduisait. Il s’agit du dispositif règlementaire, mais minimum pour un transport de détenu. Était-ce insuffisant ? La dangerosité du détenu a-t-elle été mal évaluée ? Soupçonné d’avoir participé à deux braquages d’un Quick de Colmar avec une arme factice en mai 2014, Hocine B. n’avait pas, selon son avocat, d’antécédents judiciaires particuliers et était décrit comme « plutôt calme ». Le jeune homme avait été transféré à la maison d’arrêt de Strasbourg début août, après avoir en vain tenté de monter sur le toit de la maison d’arrêt de Colmar. « Peut-être que toutes les informations n’avaient pas été prises en compte », s’interroge une source gendarmesque, qui rappelle « les contraintes budgétaires ».

En arrivant à hauteur de Colmar, Hocine B., qui était menotté, aurait commencé à s’agiter. Selon le procureur, il réussit à sortir l’arme de la gendarme de son étui, la tenant par la crosse dans sa direction. Le pistolet était « armé et chambré ». « Un appui fort sur la queue de détente de l’arme aurait suffi à faire partir le coup de feu, même accidentellement », affirme le magistrat. Ce point est discutable. Les pistolets Sigsauer, qui équipent les forces de l’ordre françaises, sont dotés d’un « système dit à double détente qui l(eur) donne une sécurité équivalente au revolver », décrit sur son blog le commissaire honoraire Georges Moréas. Par rapport à un simple pistolet, le tireur doit donc exercer une pression plus longue sur la queue de détente pour armer le chien, ce qui permet d’éviter la plupart des tirs accidentels.

Au moment où le conducteur pile sur la bande d’arrêt d’urgence pour prêter main-forte à sa collègue, le pistolet n’est de toute façon déjà plus dans les mains du détenu. La gendarme a réussi à le lui arracher et l’arme se retrouve à sa gauche, « coincée entre le bord du siège et la portière ». Selon le procureur, le gendarme ouvre la portière arrière gauche, braque Hocine B. par-dessus sa collègue, puis « considère que ce n’est peut-être pas très approprié » et change de tactique. Ouvrant la portière droite, il frappe à coup de bâton télescopique le détenu « allongé sur le siège arrière » pour lui faire lâcher prise. En vain. Il appelle alors des renforts au centre opérationnel de la gendarmerie.

Le gendarme s’aperçoit que sa collègue, toujours au corps à corps avec le détenu et « à moitié sortie du véhicule », a la main sur son arme, tombée sur le bitume. C’est à ce moment, selon le procureur de la République, que le gendarme aurait pris conscience d’un risque létal « imminent » pour elle et ressorti son pistolet. Entretemps, la gendarme décide d’évacuer son arme en la poussant « sous la roue arrière, à quelques dizaines de centimètres d’elle ». Quand le gendarme relève les yeux pour mettre en joue Hocine B., le pistolet a disparu. « Il estime que la seule solution qu’il avait était de tirer pour neutraliser l’adversaire », a indiqué le procureur, qui n’a pas partagé cette analyse. Touché à la pommette, Hocine B. meurt aussitôt.

Pour Me Renaud Bettcher, le gendarme « n’était clairement pas en situation de menace, il n’avait pas d’arme pointée sur sa collègue ou lui, puisqu’elle était sous la roue de la voiture ». Il s’étonne de la non-mise en examen du jeune homme. Me Thierry Moser estime au contraire que son client était en situation de légitime défense. Lors de la mise en situation réalisée au cours de la garde à vue de son client, « on a bien vu que le détenu était sur le point de s’emparer de l’arme », affirme l'avocat. Cette mise en situation était toutefois fondée sur les déclarations du gendarme adjoint, deux collègues jouant le rôle de sa collègue et du détenu. Les représentants des deux parties demandent donc une reconstitution en bonne et due forme en leur présence.

Christophe, un chauffeur routier de 47 ans, a contacté France Bleu Alsace, environ trois quarts d'heure après les faits. Il affirme avoir assisté à la scène en surplomb depuis sa cabine. Recontacté par Mediapart, le chauffeur routier décrit : « J’ai vu le détenu se débattre, les mains dans le dos et couché sur la banquette. Il mettait des coups à la gendarmette. Le gendarme a ouvert la porte du côté où le détenu avait la tête, il a matraqué le détenu. Le gendarme ne savait plus quoi faire, il tapait dans le vide. Le détenu s’est relevé pour se protéger et s’est mis dans l’autre sens, adossé à la gendarmette, qu’il a coincée. »

Il poursuit : « Elle a ouvert sa portière. Je suis reparti doucement et j’ai vu le gars valser en prenant le coup de feu. Ça l’a éjecté de la voiture, la tête la première. Alors qu’il aurait suffi que le gendarme le tire par les pieds… » Christophe dit ne pas avoir été entendu par les enquêteurs de l’IGGN. Selon lui, une voiture devant son camion et un quatre-quatre ont également été témoins des faits. 

BOITE NOIRELes personnes citées ont toutes été contactées par téléphone. Le parquet de Colmar ne communique plus depuis l'ouverture de l'information judiciaire. Les citations sont donc extraites de la vidéo de la conférence de presse du 28 août 2014, filmée par les Dernières nouvelles d'Alsace.

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