Aquilino Morelle se répand ; l’Igas se tait. Hier lors d’une réunion avec les syndicats de la maison, la direction de l’inspection générale des affaires sociales a expliqué qu’elle refuserait de fournir quelque information que ce soit sur l’enquête interne visant l’ancien conseiller politique de François Hollande, obligé de démissionner le 18 avril après nos révélations, notamment, sur ses conflits d’intérêts lorsqu’il était à l’Igas.
Qu’a dit Aquilino Morelle pour justifier son contrat avec le laboratoire Lundbeck en 2008 alors même qu’il appartenait à un corps censé surveiller le secteur pharmaceutique ? Comment a-t-il pu défendre le fait qu’il n’ait pas demandé d’autorisation pour ce travail, alors que la loi l’y oblige ? Pourquoi a-t-il accepté de rédiger des rapports touchant aux entreprises pharmaceutiques ? Des procédures disciplinaires ont-elles été enclenchées ? Des sanctions déjà prononcées ? Selon Pierre Aballea, en charge du suivi du dossier pour le Smigas (syndicat des membres de l’inspection générale des affaires sociales), la direction – qui n’a pas répondu aux questions que nous lui avons adressées jeudi matin – a déclaré mercredi qu’elle n’apporterait aucune réponse, ni maintenant ni plus tard. Ce qui en pose une autre : l’Igas se refugie-t-elle dans le silence parce qu’elle espère enterrer l’affaire ?
La question se pose d’autant plus que la direction a annoncé aux syndicats le retour de l’inspecteur Morelle « très prochainement ». D’après les calculs rendus publics cet été, Aquilino Morelle devrait avoir épuisé ses congés le 15 septembre.
Un retour dans les murs à cette date serait loin de passer inaperçu. Car pour Pierre Aballea, le choix de la direction de ne pas dire ce qui s’est passé est à la fois « impensable » et « intenable ». « On va lui confier des missions et les gens face à lui ne sauront pas s’il est clean », s’insurge le syndicaliste. « Ce n’est bon ni pour l’intéressé ni pour l’Igas. La direction dit que cela relève d’un cas individuel mais c’est insensé : c’est aussi la gestion du corps qui est en question. »
Déjà pendant notre enquête, la direction de l’Igas avait répondu a minima et parfois avec mauvaise foi à nos questions. Puis elle avait tardé à enclencher une enquête au motif que la justice s’était saisie du dossier. Sauf qu’une faute administrative ne constitue pas forcément une faute pénale. Que les délais de prescription rendent les poursuites judiciaires aléatoires. Et surtout, que l’une n’empêche pas l’autre. Comment les inspecteurs et les inspectés de l’Igas pourraient-ils comprendre qu’un agent qui viole les règles fondamentales de sa fonction puisse continuer à exercer ses activités comme si de rien n’était ?
Ce silence risque de faire d’autant plus de bruit que dans Le Point paru jeudi 11 septembre, Aquilino Morelle se répand mais ne se repent pas. Bien qu'il démente avoir accordé une interview à l'hebdomadaire, il y défend une vision pour le moins saugrenue de l’affaire : « C’est une chasse à l’homme, un complot. C’est Servier plus les jaloux de l’Elysée (…) Il fallait me discréditer en vue de mon témoignage au procès du Mediator. » Aquilino Morelle évoque une « liquidation par la tcheka hollandienne (police politique russe créée en 1917) » et, à propos de son départ et de celui de son ami Arnaud Montebourg du gouvernement, parle d’une « logique d’épuration ethnique ». Pas un mot en revanche sur sa déontologie et ses responsabilités : « Si je décide de reprendre activement la vie politique, je la reprendrai. »
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