Plusieurs comptes détenus par des Français à la banque Reyl ont été identifiés lors d'une perquisition fin juillet au siège parisien de la banque suisse, révèle l’AFP. Voilà qui confirme au moins une partie des dires de Pierre Condamin-Gerbier, ancien cadre de la banque.
Seulement, Pierre Condamin-Gerbier est aujourd’hui en détention provisoire. Il a été arrêté en Suisse début juillet, peu après avoir affirmé avoir remis à la justice française des informations sur des personnalités politiques ayant détenu un compte chez Reyl, ce que la perquisition n'a pour l'heure pas permis de démontrer.
Ce sont ses déclarations aux juges instruisant l'affaire Cahuzac qui avaient conduit fin mai le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire visant Reyl, notamment pour « blanchiment de fraude fiscale ». Et donc à la perquisition du 30 juillet.
Yann Galut, député (PS) et rapporteur du projet de loi sur la fraude fiscale, s’indigne du sort qui est réservé à Pierre Condamin-Gerbier qu’il considère comme un lanceur d’alerte avec lequel l’État français doit collaborer.
Quelle importance accordez-vous aux informations de l’AFP selon lesquelles des informations livrées par Pierre Condamin-Gerbier sont validées par l’enquête ?
Ces informations sont extrêmement importantes. Elles confirment la crédibilité de cet homme, que j’avais ressentie lorsque j’avais auditionné Pierre Condamin-Gerbier fin juin à l’Assemblée nationale en tant que rapporteur du projet de loi fraude fiscale sur les mécanismes d’évasion fiscale entre la France et la Suisse. Tous les éléments qu’il m’a donnés pendant une heure et demie ont été confirmés avant ou après par d’autres lanceurs d’alerte que j’avais rencontrés.
Quand il m’avait parlé de la liste d’hommes politiques de l’actuelle ou de l’ancienne majorité qu’il détenait, je lui avais dit : « Je ne peux pas la recevoir, mais transmettez-la à la justice. Seule la justice pourra faire les vérifications incontestables. » Pierre Condamin-Gerbier nous avait indiqué qu’il allait la transmettre à la justice. Or depuis qu’il a été auditionné par des parlementaires fin juin, il a eu à subir une campagne de presse en Suisse et en France pour tenter de le décrédibiliser, comme s’il était un affabulateur.
Quel effet cela a-t-il eu ?
Cela a introduit un doute : on n’est jamais à l’abri d’une manipulation. Je lui faisais confiance. Mais je n’avais que sa parole. Or les premiers éléments de l’enquête montrent que même s’il n’y a pas de trace d’hommes politiques à ce stade, je dis bien à ce stade, de l’enquête, ce qu’il a déjà apporté à la justice française a permis des perquisitions qui vont dans le sens de ce qu’il dénonçait, c’est-à-dire de l’existence de comptes non déclarés de Français en Suisse à la banque Reyl. Comme dans l’affaire Cahuzac.
À ce stade, comme vous dites, rien n’a cependant été trouvé concernant des comptes d’hommes politiques…
Oui, mais on a vu dans l’affaire Cahuzac qu’à un certain stade, il n’y avait pas d’éléments. Et que quelques semaines plus tard, il y avait des éléments. Aujourd’hui, j’ai un premier élément qui me dit que l’existence de Français ayant des comptes non déclarés en Suisse devient une réalité grâce à ses déclarations. On ne peut pas préjuger de ce qu’il y aura ensuite. Donc il faut laisser l’enquête se poursuivre. Peut-être que dans quelques semaines on trouvera des éléments sur des comptes bancaires d'hommes politiques. Ou pas. Mais déjà, la démarche de Pierre Condamin-Gerbier est validée.
Que doit faire le gouvernement français ?
Je comprends la difficulté du gouvernement français, mais il doit se rapprocher du gouvernement suisse pour exprimer le fait que Pierre Condamin-Gerbier est un lanceur d’alerte et qu’à ce titre là, il n’est plus possible qu’en Europe, en 2013, au moment où on assiste à une mobilisation internationale contre les paradis fiscaux, un lanceur d’alerte soit embastillé et mis au secret.
Sans violer la souveraineté de la loi suisse, le gouvernement français doit expliquer cette problématique au gouvernement suisse. Les éléments de l’enquête montrent qu’il doit avoir le statut de lanceur d’alerte, et renforcent le côté inacceptable de sa mise en détention et de sa mise au secret.
Avez-vous de ses nouvelles ?
Malgré mes démarches, aujourd’hui, je n’ai pas réussi à entrer en contact avec lui. Le gouvernement français a été informé du fait qu’il aurait refusé la protection consulaire. On est donc un peu bloqués. C’est incroyable mais je n’ai pas vu dans la presse suisse le nom de son avocat. Je soupçonne que sa famille soit mise face à une telle pression qu’elle ne souhaite pas communiquer. Je n’ai donc aucune nouvelle depuis son interpellation.
J’ai contacté les cabinets du premier ministre et du président de la République, mais au vu des nouveaux éléments, je lance un appel : on ne peut pas laisser Pierre Condamin-Gerbier dans cette situation alors qu’il a eu le courage de donner des éléments à la justice française qui sont aujourd’hui confirmés, contrairement à ce qu’affirmait la campagne de déstabilisation menée contre lui.
Menée par qui ? Pourquoi ?
Je ne sais pas. Les autorités suisses ont un intérêt à salir son image, à le déstabiliser. C’est une méthode qui a déjà été employée avec Hervé Falciani. Et il faut rappeler que la Suisse continue de poursuivre Hervé Falciani. On retrouve trop d’éléments concordants sur la manière dont la Suisse se comporte dans ces deux affaires.
Des articles de presse ont tout de même révélé que Pierre Condamin-Gerbier avait commis des erreurs par le passé.
Chaque lanceur d’alerte peut avoir sa part d’ombre. Condamin-Gerbier ne nous l’a pas caché. C’est facile pour les Suisses de dire qu’il a déjà été condamné, licencié, sans donner de détails véritables. Lui-même a reconnu des erreurs. Est-ce que Condamin-Gerbier est un lanceur d’alerte ou un repenti ? Les deux notions peuvent se rejoindre chez certaines personnes. Qu’il collabore avec la justice française et que l’on voie le résultat de cette collaboration. Il faut le protéger.
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