Cette fois, pas question de se laisser piéger. Les ministres et députés socialistes rivalisent pour exprimer leur consternation après les révélations sur l’éphémère secrétaire d’État au commerce extérieur, Thomas Thévenoud, redevenu automatiquement député. Malgré de nombreux appels au sein de la majorité, il a refusé de démissionner de son mandat à l’Assemblée et promet seulement de se « mettre en retrait » du PS.
« Après m'être entretenu ce lundi soir avec Jean-Christophe Cambadélis, j'ai décidé de me mettre en retrait du Parti socialiste et donc du groupe SRC (socialiste, républicain et citoyen – Ndlr) à l'Assemblée nationale. Mais je veux rappeler que l'enchaînement de négligences choquantes qui m'ont placé dans cette situation ne fait pas de moi un fraudeur. (…) Mes électeurs de Saône-et-Loire seront mes seuls juges », a expliqué Thévenoud dans une déclaration à l’AFP.
Le parti majoritaire n’aura donc pas de procédure disciplinaire à lancer et Thévenoud ne sera pas formellement exclu. Il n’annonce pas non plus sa démission du PS – la “mise en retrait” n’existe pas dans les statuts de la rue de Solférino. Dans l’hémicycle, le député de Saône-et-Loire va juste déménager sur les bancs des non-inscrits.
Depuis vendredi et son interview « confession » dans Le Journal de Saône-et-Loire, le mystère entourant le couple Thévenoud et ses démêlés avec le fisc n’est pourtant pas complètement dissipé. Si on lit bien ses déclarations, l’élu se serait acquitté au 1er septembre de 41 475 euros d’ “impôt sur le revenu de 2013” en compagnie de sa femme, dont 12 593 euros de pénalités. Soit un impôt de base d’environ 28 000 euros. Cette somme correspond-elle aux revenus annuels qu'ils ont déclarés à la Haute autorité pour la transparence (HAT) ?
Avant son élection comme député en juin 2012, Thomas Thévenoud cumulait officiellement 3 100 euros d’indemnités d’élu local, auxquels s’ajoutaient 1 950 euros comme « chargé de formation » chez ERDF (d’après sa déclaration d’intérêts). Une fois entré au Palais-Bourbon, il encaissait 8 300 euros maximum d’indemnités (c’est le plafond légal).
D’après des informations recueillies par Mediapart, son épouse Sandra, salariée comme cheffe de cabinet du président socialiste du Sénat Jean-Pierre Bel, était de son côté rémunérée 9 400 euros nets par mois (en moyenne) comme contractuelle, soit 112 000 euros par an.
Lundi, le patron “hollandais” du Sénat, qui ne se représente pas aux élections du 28 septembre, a annoncé qu’il avait « accepté la demande de mise en congé sans traitement » de Sandra Thévenoud. Alors qu’elle escomptait se recaser à la Caisse des dépôts et consignations au lendemain des sénatoriales (sous les ordres de l’ancien secrétaire général de l’Élysée, Pierre-René Lemas), ses espoirs semblent aujourd’hui douchés.
Selon Le Canard enchaîné, Thomas Thévenoud, qui dit souffrir de « phobie administrative », n'a pas non plus réglé le loyer de son appartement parisien pendant trois ans.
« Ça suffit maintenant, je m'en prends plein la gueule ! Je vous préviens, si vous écrivez autre chose, mon avocat est prêt et je vous attaque en justice », s’est agacé mardi Thévenoud auprès de Metronews, qui l’interrogeait sur les manquements dans sa déclaration auprès de la Haute autorité pour la transparence (HAT). Réplique instantanée d’un responsable PS de l’Ardèche sur Twitter: « Nous aussi on en prend plein la gueule pour lui. »
Mardi, le président du groupe UMP à l'Assemblée, Christian Jacob, a indiqué qu’il allait demander au secrétaire d’État au budget Christian Eckert « de saisir la commission des infractions fiscales pour voir s'il y a eu fraude ou pas ».
Au PS, le scandale Thévenoud ne pouvait pas intervenir à un moment plus pénible pour la majorité, déjà essorée par deux ans et demi d’exercice du pouvoir, lâchée par ses électeurs et profondément divisée sur la politique économique à mener. Après les affaires Cahuzac et Le Guen, un député PS, nommé secrétaire d’État, qui ne déclare pas ses impôts pendant plusieurs années est une catastrophe politique.
« En devenant non-inscrit, Thomas Thévenoud économisera par ailleurs les 500 euros mensuels que chaque député reverse au PS, ainsi que 300 euros pour payer les collaborateurs du groupe socialiste », grince un député socialiste dépité. Dans sa circonscription, raconte-t-il encore, les électeurs ne lui parlent que de ce nouveau scandale. Une pétition en ligne, appelant à la démission de Thévenoud de l’Assemblée, a déjà rencontré un franc succès.
Plusieurs responsables de la majorité, comme le secrétaire d’État Thierry Mandon ou la maire de Lille Martine Aubry, ont également enjoint le député à rendre son mandat, quitte à se lancer dans une élection partielle difficile à gagner pour le PS. Mais personne ne peut contraindre Thévenoud à démissionner de l’Assemblée – cette décision relève de lui seul. « On en est à un point où c'est Cambadélis qui donne des leçons de vertu… », conclut, amer, un proche de Benoît Hamon.
Mardi, les ministres de Manuel Valls n’avaient plus qu’à assumer leur dépit. Stéphane Le Foll, mardi sur France Info, a ainsi parlé de « faute directe ». « D'avoir accepté de rentrer au gouvernement et de ne pas avoir déclaré d'impôts pendant trois ans… Comment ils font ? Comment cela ne leur pose pas de problème au niveau du vécu. Cela me reste au travers de la gorge », a-t-il encore dit. « C'est dur à avaler », a également déclaré la ministre des affaires sociales Marisol Touraine.
« Je ne comprends pas comment un député, au plan moral et rationnel, peut être amené à se soustraire aux impôts », a même osé Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement. Lui-même a pourtant sous-déclaré son patrimoine et n’a promis de se mettre en conformité avec le fisc qu’une fois lancée l’enquête de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
BOITE NOIREInterrogés mardi, le PS et le cabinet de Christian Eckert n'avaient pas encore répondu à nos questions à l'heure où cet article a été mis en ligne.
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